Identifier et décrypter les démissions silencieuses, un impératif dans les PME
Le quiet quitting existe aussi dans les PME avec des conséquences qui peuvent être très importantes. Quelles en sont les causes ? Comment l’empêcher ?

Le quiet quitting existe aussi dans les PME avec des conséquences qui peuvent être très importantes. Quelles en sont les causes ? Comment l’empêcher ?
Faute d’intérêt et de plaisir au travail, les salariés sont nombreux à cesser de s’engager pleinement au sein de l’entreprise : ils placent désormais leur santé mentale au-dessus des impératifs professionnels. Selon le rapport « State of the Global Workplace », de Gallup, 62 % des salariés dans le monde affirment être « désengagés » en 2024. Ce chiffre préoccupant fait référence à un phénomène qui tend à se répandre comme une traînée de poudre : les démissions silencieuses, ou quiet quitting.
Lorsque les salariés basculent dans une démission silencieuse, ils répondent strictement aux attentes de leur fiche de poste en réalisant le nécessaire, rien que le nécessaire. Et certains vont même aller jusqu’à adopter un comportement passif à la limite du raisonnable… Mais ce comportement peut être particulièrement dévastateur en contexte de PME.
L’amplification de la démission silencieuse en PME
Les PME sont particulièrement exposées aux démissions silencieuses en raison d’un effet de proportion. Plus l’effectif pris en considération est réduit, plus la place d’un élément est proportionnellement élevée. Prenons l’exemple d’une organisation de dix salariés : si deux salariés se désengagent, cela représente 20 % de l’effectif ! Chaque poste, chaque employé devient ainsi essentiel en PME. De fait, les démissions silencieuses peuvent rapidement déséquilibrer le fonctionnement de l’organisation. Et pourtant, les PME offrent pourtant un cadre unique favorisant l’engagement : proximité hiérarchique, convivialité, caractère davantage informel des échanges…
Face à un tel paradoxe, pourquoi ces organisations à taille humaine sont-elles touchées de plein fouet par le phénomène de désengagement au travail ? Pour le décrypter, nous avons mené une étude au sein de 12 PME afin de comprendre les mécanismes conduisant à la démission silencieuse.
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Un mal-être silencieux aux causes multiples
« Il n’y a pas beaucoup d’optimisme, en fait il n’y a pas de choses à aller chercher. Il n’y a pas d’avenir, d’espoir. » (Claire, chargée de partenariats)
Pris au piège dans une routine quotidienne, les salariés se déconnectent progressivement d’un travail qui ne les stimule plus en PME. À défaut de s’épanouir, ils rejettent la faute sur le manque d’intérêt des missions et des responsabilités confiées. Les salariés ne parviennent ainsi plus à se projeter dans leur travail : c’est la désillusion ! Faute d’y trouver un sens, ils finissent par se sentir étrangers de leur propre activité.
Le détachement peut également découler du manque de perspectives d’évolution dans les PME. Plutôt que de mettre l’accent sur la progression des salariés, les dirigeants de PME valorisent davantage la capacité des individus à être polyvalents dans leur poste. Au-delà, les salariés peuvent également craindre d’exprimer leurs sentiments et leurs souhaits au travail, et ce malgré une communication facilitée par l’informalité et la proximité hiérarchique.
Les symptômes apparents du désengagement
« La tâche qu’on fait ? On fait presque semblant de cliquer au bout d’un moment. C’est sûr qu’on est plus présent physiquement que réellement. » (Antoine, chef de projet informatique)
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Faute d’être satisfaits dans leur travail, les salariés se désengagent de manière irréversible. Si certains vont réaliser le strict minimum, d’autres refusent les tâches qu’ils jugent inintéressantes. Tout dans leur posture trahit la lassitude au travail ! Concrètement, c’est l’efficacité au travail qui décline : les salariés repoussent les tâches répétitives et ne prennent plus d’initiatives. Ils sont également plus enclins à adopter des comportements contre-productifs pouvant ainsi les conduire à commettre des fautes graves.
Néanmoins, il est plus difficile de masquer son désengagement en PME en raison des effectifs réduits et de la proximité hiérarchique. Les dirigeants sont alors susceptibles de remarquer plus facilement les salariés qui se contentent du strict minimum. Ce constat est d’autant plus marqué par l’approche familiale en PME. Il est ainsi attendu des salariés qu’ils s’investissent pleinement dans leur travail afin de bénéficier au collectif tout entier, comme si l’entreprise était la leur.
Les effets croisés du retrait au travail
« J’ai dû faire en sorte pour poursuivre de m’adapter et donc la meilleure solution c’était de partir et donc c’est ce que j’ai fait. » (Arthur, conseiller commercial)
Loin d’être anodine, la démission silencieuse remet profondément en cause le rapport au travail des individus. Et cette situation à un prix : leur équilibre psychologique au travail vacille, leur santé se dégrade progressivement, voire laisse place à une véritable détresse ! En réponse, les salariés envisagent de quitter leur poste pour un nouveau départ.
La démission silencieuse n’est également pas sans conséquence pour l’organisation, notamment dans une PME. Le désengagement des salariés fait ainsi obstacle à la performance organisationnelle globale et à la compétitivité. Chaque départ fragilise le bon fonctionnement de l’organisation qui se voit contrainte de pallier la perte d’une ressource clé. Ces éléments alimentent ainsi l’effet de proportion en PME, pouvant même conduire les dirigeants à mettre la clé sous la porte !
Conscientiser le désengagement au travail
Finalement, la démission silencieuse est susceptible de toucher tous les travailleurs, tous les secteurs d’activité et toutes les organisations. L’effet de proportion caractéristique des PME accentue nettement l’impact de la démission silencieuse des salariés. Outre le caractère discret de ce phénomène, les spécificités propres aux PME rendent également plus difficile la détection des signes précurseurs de désengagement.
Au-delà, le phénomène de démissions silencieuses tend à remettre en question le management de l’engagement des salariés en PME. Le dirigeant occupant une place centrale en PME, il lui revient de se saisir dès aujourd’hui de ces questions afin de mieux appréhender une possible démission silencieuse des salariés.
Les relations étant caractérisées par la proximité, les dirigeants devraient notamment renforcer la communication informelle avec leurs collaborateurs, voire mettre en place des espaces de discussion plus formalisés. Il s’agit de mettre en évidence les points bloquants et d’échanger sur l’évolution du contenu et des conditions de travail. Au-delà, le dirigeant peut s’appuyer sur l’innovation collective en vue d’initier une démarche de changement engageante.
Le cap doit désormais être mis sur un management plus participatif. L’objectif étant de mieux entendre et comprendre les attentes des salariés, et ainsi trouver ensemble des solutions.
Les auteurs ne travaillent pas, ne conseillent pas, ne possèdent pas de parts, ne reçoivent pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'ont déclaré aucune autre affiliation que leur organisme de recherche.