Gaza aux Césars
Vendredi dernier, l’existence de l’actrice transgenre Karla Sofía Gascón (notre photo) a été soigneusement gommée aux Césars malgré le triomphe du film "Emilia Perez". Jonathan Glazer, lui, a électrisé la soirée en livrant un discours où l’audace consistait à renvoyer dos à dos Israël et le Hamas, sous les applaudissements d’un public conquis... L’article Gaza aux Césars est apparu en premier sur Causeur.

Vendredi dernier, l’existence de l’actrice transgenre Karla Sofía Gascón (notre photo) a été soigneusement gommée aux Césars malgré le triomphe du film Emilia Perez. Jonathan Glazer, lui, a électrisé la soirée en livrant un discours où l’audace consistait à renvoyer dos à dos Israël et le Hamas, sous les applaudissements d’un public conquis…
J’ai regardé la cérémonie des Césars. En accéléré, à vrai dire… Cet exercice de nombrilisme corporatiste est toujours assez ennuyeux. Mais, il nous offre un catalogue des idées reçues et poncifs du moment.
Nous avons eu droit à une année plutôt calme : ni intermittents surchauffés, ni féministe furax claquant la porte pour cette 50e édition.
Audace convenue
Du reste, le palmarès était très correct. Le cinéma français s’est payé l’audace de récompenser sept fois Emilia Perez, film destitué aux Oscars en raison de tweets passés de l’actrice transgenre Karla Sofía Gascón sur l’islamisation de l’Espagne (et le film n’a finalement récupéré que deux petits Oscars secondaires cette nuit en Amérique). Reste que le film est très convenable (il y est question d’un narcocaïd qui trouve la rédemption en devenant une femme). Mais, Mme Gascon a été totalement « cancelled » de la salle, lors de la cérémonie du cinéma français. Son nom n’a pas été prononcé une fois (sur les sept fois où quelqu’un d’autre du film est venu chercher son prix), et Jacques Audiard l’a ostensiblement ignorée. C’était plutôt pénible à voir. Dans l’échelle des crimes, il faut croire que l’islamophobie supposée dépasse la transphobie.
Le discours du réalisateur de la Zone d’Intérêt réjouit la salle
Sinon, c’était un festival d’audaces très convenues. Nous avons eu bien sûr des allusions lourdingues à Donald Trump (Jean-Pascal Zadi a ainsi proposé l’asile politique à Julia Roberts, original !). Et le documentariste Gilles Perret a fait un tabac en parlant « des milliardaires qui se plaignent » et des « dirigeants qui s’allient à l’extrême droite fasciste ». Bref, une fois encore, une indignation en tenue de gala de tout un petit monde qui baigne dans la même saumure idéologique progressiste. Mon ami Philippe Muray parlait d’anchois confis dans la saumure du Bien.
A lire aussi, Jean-Paul Brighelli: Du wokisme comme bien-pensance et déni généralisé: l’affaire Karla Sofía Gascón
Cependant, il y a selon moi une polémique plus justifiée qui monte. Il s’agit du message du réalisateur Jonathan Glazer, César du meilleur film étranger pour la Zone d’Intérêt, métrage relatant la vie paisible d’une famille d’Allemands à côté d’Auschwitz.
Le message de M. Glazer a été lu par son producteur lors de la cérémonie :
« Aujourd’hui, la Shoah et la sécurité juive sont utilisées pour justifier les massacres et les nettoyages ethniques à Gaza. Les massacres du 7-Octobre et la prise d’otages en Israël : il s’agit, dans un cas comme dans l’autre, d’actes de terreur contre des innocents, rendu possible par la déshumanisation des gens, des personnes qui se trouvent de l’autre côté de nos murs. C’est la zone d’intérêt ».
On note qu’il mentionne le 7-Octobre, qui d’ailleurs n’intéresse pas beaucoup la salle quand on écoute les applaudissements. Mais, il renvoie dos à dos le Hamas et Israël. Et acclimate sans la formuler explicitement l’équation Israël=SS. La révolution en tenue de gala, c’est chouette, mais ce mensonge a des conséquences concrètes. Si les juifs sont des nazis, la haine des juifs devient un devoir citoyen. Même les juifs de gauche (ils se présentent ainsi) qui signent une tribune angoissée dans Le Monde observent que « l’explosion antisémite depuis le 7-Octobre ne trouble pas ceux qui, d’ordinaire, combattent le racisme. Rien ne nous avait préparés à la désertion des intellectuels bardés de bonne conscience[1] ».
À l’Olympia non plus, personne n’a pensé aux étudiants juifs ostracisés ou molestés, aux enfants juifs agressés ou tués, aux femmes juives violées le 7-Octobre. Apparemment, ce ne sont pas des bonnes victimes.
Personne ne comptait évidemment sur le show-biz pour régler les problèmes du pays. Mais franchement, qu’ils parlent de cinéma et qu’ils nous épargnent enfin leurs ridicules leçons de maintien.
Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio
Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale
[1] https://www.lemonde.fr/idees/article/2025/03/01/nous-francais-juifs-n-avons-rencontre-que-le-silence-le-deni-ou-l-indifference-de-la-gauche-extreme-face-a-l-antisemitisme_6570985_3232.html
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