Camus n’aurait pas aimé les César…
Les César ont fêté leurs 50 ans avec une soirée plutôt sobre, épargnée par les habituels discours militants… enfin, presque... L’article Camus n’aurait pas aimé les César… est apparu en premier sur Causeur.

Les César ont fêté leurs 50 ans avec une soirée plutôt sobre, épargnée par les habituels discours militants… enfin, presque.
La cérémonie des César a eu lieu dans la soirée du 28 février et on fêtait son cinquantième anniversaire. Par rapport à beaucoup de ses devancières, elle a été réussie, relativement sobre et, sur le plan idéologique, on n’a eu droit qu’au propos militant d’un syndicaliste avant le spectacle, au déchaînement partisan du réalisateur de l’excellent La Ferme des Bertrand1 et à une allusion légère de Josiane Balasko. On a évidemment connu bien pire. Ce qui s’est déroulé à Paris n’est pas tombé dans le ridicule comme par exemple aux Magritte du cinéma belge à Bruxelles où Charline Vanhoenacker a tenté en vain de faire rire un public avec une diatribe anti-RN ratée.
Artistes et justiciers
Aussi la pensée d’Albert Camus qui m’inspire ce billet – citée par Vincent Duclert dans un article du Monde– se rapporte en général à toutes ces interventions publiques, médiatiques, d’artistes venant déclamer leurs convictions, toujours de gauche, avec une constance qui n’est animée que par la plus ou moins grande violence de leur phrasé. Albert Camus affirmait dans son discours au banquet de son prix Nobel : « Les vrais artistes ne méprisent rien ; ils s’obligent à comprendre au lieu de juger. Et s’ils ont un parti à prendre en ce monde ce ne peut être que celui d’une société où, selon le grand mot de Nietzsche, ne règnera plus le juge, mais le créateur, qu’il soit travailleur ou intellectuel ».
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Le juge est fondamental dans une société pour, grâce au droit, la pacifier, répondre aux attentes citoyennes, trancher les conflits, défendre les victimes et sanctionner les coupables.
Mais on comprend bien la manière dont Camus, en usant de ce terme, cherche à discréditer les faux artistes qui politisent, dévoient leur art, stigmatisent, sont intolérants, se posent en « juges », voire en justiciers et qui, au lieu de dialoguer, d’expliquer et de « comprendre », apposent sur l’infinie diversité de la vie et des idées, la chape de plomb de leur idéologie.
Forcément de gauche…
Parce que, bien sûr, il faut être de gauche qui est précisément la propension à juger, à départager le bon et le mauvais côté et à mettre l’art entre parenthèses puisque ce dernier est complexité, ambiguïté, profondeur, force du langage, respect de l’autre.
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Albert Camus, louant les « vrais artistes », ceux qui créent, qui jouent et cherchent avec leur âme singulière à offrir de l’universel, n’aurait pas vu dans les César son rêve de théâtre, son exigence d’humanité et son sens de la fête. Mais il n’aurait pas été homme à juger, pire, à condamner. Grand écrivain, véritable artiste, il se contentait de comprendre. On ne l’oublie pas.
- Gilles Perret NDLR
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