Six leçons, de Ludwig von Mises (2/2)
Suite de notre recension, après les leçons 1, 2 et 3 sur le capitalisme, le socialisme et l’interventionnisme… L’inflation Cette quatrième leçon porte pour l’essentiel sur l’idée de création monétaire. L’histoire se répète et a montré depuis longtemps, notamment lors de l’épisode de la découverte des réserves massives d’or et d’argent en provenance d’Amérique au […]

Suite de notre recension, après les leçons 1, 2 et 3 sur le capitalisme, le socialisme et l’interventionnisme…
L’inflation
Cette quatrième leçon porte pour l’essentiel sur l’idée de création monétaire. L’histoire se répète et a montré depuis longtemps, notamment lors de l’épisode de la découverte des réserves massives d’or et d’argent en provenance d’Amérique au XVIème siècle, à quel point la quantité de monnaie ou l’émission massive qui en est faite est source de montée des prix et constitue à ce titre une très mauvaise solution pour tenter de régler les problèmes de finances. Quoique, nous montre Mises, l’inflation peut aussi parfois être utilisée comme un moyen, plus efficace et moins impopulaire pour les hommes politiques, que la fiscalité, de collecter des fonds.
Mises nous montre surtout, grâce à des exemples très concrets, par quels mécanismes l’inflation se diffuse, petit à petit, non de manière égale et généralisée, mais progressive. Elle touche ainsi très différemment les catégories de population, avec ses gagnants et ses perdants, et avec un décalage dans le temps.
Il évoque aussi l’hyperinflation des années 1920 en Allemagne, nourrie là encore par l’émission massive de monnaie par la banque centrale. Cela a souvent pour effet, à toute époque, l’effondrement de la monnaie et tout ce qu’ il implique.
Il en résulte que, si à court-terme des gouvernants peuvent être tentés par ces solutions qui reviennent à dire, telle la Pompadour, « Après nous, le déluge », on ne manque pas d’en payer le prix – élevé – par la suite.
Il met aussi en exergue le rôle des syndicats, enclins aux mouvements de grève pour augmenter les salaires au-dessus du niveau qu’ils auraient sur un marché sans entrave, ce qui a pour effet de provoquer assez rapidement ensuite du chômage, de manière durable. Puis, selon l’époque et les systèmes en vigueur, cela débouche sur une dévaluation de la monnaie (cas de la Grande-Bretagne après la Première Guerre mondiale), et en définitive une diminution des salaires réels (pouvoir d’achat). Artifice approuvé par un John Meynard Keynes bien sournois qui voyait là un moyen, quitte à tromper les ouvriers, de tenter de diminuer le chômage.
En définitive, Mises nous dit que la chose la plus importante à retenir est que l’inflation ne tombe jamais du ciel. Elle est le fruit d’une politique délibérée, un recours de la part de dirigeants qui la considèrent comme un moindre mal que le chômage. Sauf qu’à court terme l’inflation ne guérit pas véritablement le chômage. Il faut donc abandonner ces politiques inflationnistes, cesser d’enfler la masse monétaire et équilibrer le budget de l’Etat (leçon que les Allemands ont particulièrement bien retenue).
L’investissement étranger
Dans cette cinquième leçon, Mises explique ce qui détermine la différence de développement entre pays, et donc par voie de conséquence de niveaux de rémunération des salariés.
Comme il le souligne, les Britanniques de 1750 ne se disaient pas « sous-développés », alors que les conditions économiques y étaient bien pires qu’en Inde au moment où il tient sa conférence. Il n’y a donc pas de raison que les pays dits « en voie de développement » à cette date demandent une aide.
L’explication de l’écart de développement (et de rémunération des salariés tout aussi compétents que dans les pays plus avancés) est tout simplement la moindre dotation en biens d’équipement de ces pays, qui induit une moindre productivité marginale, en raison du décalage dans le temps lié à l’épargne accumulée. Car c’est cette épargne qui permet d’investir dans les équipement modernes, permettant d’accroître la productivité marginale, donc ensuite les niveaux de rémunération.
C’est là que l’investissement étranger intervient. Grâce, par exemple, aux investissements des capitalistes britanniques dans différentes parties du monde au XIXème siècle (chemins de fer, industrie gazière, biens d’équipement, etc.), notamment en Europe, le développement se diffuse, bien plus vite qu’il ne faudrait à chaque pays pour rattraper le niveau de développement britannique par ses propres moyens. Cela n’a donc rien de honteux et montre aussi au passage qu’une balance commerciale déficitaire n’est pas forcément à interpréter négativement.
Ces investissements étrangers constituent même, selon Mises, le plus grand événement historique du XIXème siècle, en ce qu’il a permis à de nombreux pays d’en tirer un énorme avantage. Même chose pour les prêts entre Etats pour financer de lourds investissements. En ce sens, toutes les entraves et expropriations qui eurent lieu par la suite dans certains pays n’eurent que pour effet que d’aller à l’encontre de tous ces bienfaits, notamment les tentatives de création d’entreprises socialistes, comme en Inde sous Nehru. C’est la même chose pour le protectionnisme : à partir du moment où l’épargne intérieure d’un pays en développement est insuffisante à financer les investissements nécessaires à la modernisation du tissu économique, sans les investissements étrangers il ne pourra espérer progresser que très lentement.
En conclusion, il n’y a pas lieu de se méfier des investissements étrangers, ce que de nombreux pays ont pourtant tendance à considérer aujourd’hui. Quant à l’épargne des Américains, notamment à travers leurs systèmes d’assurance (et de fonds de pension), c’est elle qui permet la détention et le financement des entreprises américaines. Dans les deux cas, ce sont les principes de liberté, et non le socialisme, qui permettront d’élever les niveaux de vie des individus.
La politique et les idées
Dans cette dernière leçon, Mises évoque l’évolution de la structure des partis politiques et leur transformation en groupes de pression. Chacun d’entre-eux représentant une minorité, ils sont incités à s’allier avec d’autres groupes de pression. Cela conduit à ne pas représenter la nation dans son ensemble, mais plutôt à multiplier les dépenses aux dépens des contribuables. Chaque petit groupe minoritaire tente ainsi d’obtenir des privilèges aux dépens de la majorité, sous la forme par exemple de droits de douane ou de subventions. L’interventionnisme règne alors en maître, au lieu que le discours politique soit consacré aux grands problèmes de l’humanité, tels que la liberté face à la tyrannie.
C’est donc à une course aux privilèges et aux dépenses publiques que se livrent ceux qui sont censés être les représentants de la nation, selon les principes du marché politique et de l’horreur à laquelle il mène.
Chaque élu, dans sa circonspection, promeut ainsi de nouveaux projets d’infrastructures publiques. Cela engendre de nouvelles dépenses, de l’inflation, des hausses d’impôts ou de l’endettement supplémentaire, ainsi qu’une quasi-impossibilité pour l’élu qui le voudrait de baisser les dépenses. On ne connaît que trop bien tout cela…
Or, nous dit Mises, il y a un précédent : le déclin et la disparition de l’empire romain, qui fut victime des mêmes maux, générateurs d’inflation, puis de contrôle des prix, de migration vers les campagnes et de mise à mal des équilibres de la division du travail.
Néanmoins, il se veut optimiste, en considérant qu’aujourd’hui nous avons la connaissance, les livres, les échanges en matière d’idées. Ce qu’il convient donc de faire est de convaincre, encore et toujours, pour mieux combattre l’ignorance et permettre aux gens de comprendre en quoi l’économie libre peut leur être bénéfique et porteuse d’avenir.
« Tout ce qui se passe dans le monde à notre époque est le résultat d’idées. Bonnes choses et mauvaises choses. Ce qu’il faut, c’est lutter contre les mauvaises idées. Nous devons combattre tout ce que nous n’aimons pas dans la vie publique. Nous devons substituer de meilleures idées aux mauvaises. Nous devons réfuter les doctrines qui encouragent la violence syndicale. Nous devons nous opposer à la confiscation de la propriété, au contrôle des prix, à l’inflation et à tous ces maux dont nous souffrons ».
Ludwig von Mises, Six leçons, Institut Mises France, juin 2022, 100 pages.