Quels liens entre insuffisance cardiaque et vieillissement du cœur ? Les mécanismes à la loupe

Pour favoriser la santé des seniors, il convient de décrypter les mécanismes du vieillissement à l’échelle des cellules, notamment les liens entre la sénescence du cœur et l’insuffisance cardiaque.

Mai 13, 2025 - 11:42
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Quels liens entre insuffisance cardiaque et vieillissement du cœur ? Les mécanismes à la loupe

Pour favoriser la santé des seniors, il est indispensable de décrypter les mécanismes du vieillissement pathologique à l’échelle des cellules. Dans cette perspective, de nouvelles recherches explorent les liens entre la sénescence spécifique des cellules du cœur et l’insuffisance cardiaque.


Les statistiques parlent d’elles-mêmes : la population mondiale connaît un vieillissement généralisé. En effet, entre 2015 et 2050, le pourcentage des personnes de 60 ans et plus devrait passer de 12 % à 22 %, soit presque le double. En 2020, le nombre des 60 ans et plus a excédé celui des enfants de moins de 5 ans, ce qui a marqué un tournant important.

Un des défis qui découle directement du vieillissement de la population est la santé, puisque les personnes âgées risquent davantage de souffrir de multiples maladies chroniques susceptibles d’entraîner une perte d’autonomie. Alors que la hausse de l’espérance de vie observée au siècle dernier représente un progrès considérable, elle doit maintenant s’accompagner d’une augmentation de la durée de vie « en bonne santé ».


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Il est alors impératif de décrypter les mécanismes biologiques à l’origine du vieillissement pathologique afin de favoriser le « bien vieillir » et de réduire les inégalités en matière de santé. Les recherches actuelles, menées à travers le monde par des laboratoires en gérosciences, laissent entrevoir de nouvelles perspectives dans ce domaine.

Le vieillissement au niveau des cellules et de l’ADN

Avant tout, qu’est-ce que le vieillissement d’un point de vue biologique ? C’est la conséquence d’une accumulation de dommages moléculaires et cellulaires au cours du temps, ce qui entraîne une détérioration des organes et des capacités physiques et mentales.

Chaque organe de notre corps est composé de milliers de cellules qui assurent leur fonctionnement et contiennent chacune un noyau qui renferme l’ADN, porteur de l’information génétique, qui compose les chromosomes.

Quelques notions de biologie pour comprendre la génétique. Sources : Agence de la biomédecine (carte cliquable).

Avec l’âge, les cellules subissent un ensemble de modifications bien répertoriées. Leur ADN devient moins stable et des altérations (des mutations) de celui-ci peuvent alors apparaître. Ces mutations perturbent la fonction des gènes. De plus, les extrémités des chromosomes se raccourcissent à chaque division cellulaire et deviennent trop courtes. La capacité de division cellulaire est alors altérée, ce qui endommage notamment l’autorenouvellement des tissus.


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D’autres altérations participent au vieillissement des cellules telles que l’incapacité à réguler les protéines malformées ou le dysfonctionnement des structures spécialisées (les organelles) responsables de la production d’énergie que l’on appelle les mitochondries. Le système immunitaire devient également moins performant, ce qui favorise la non-détection des cellules anormales et l’apparition de tumeurs.

La sénescence, un processus délétère dans les pathologies liées à l’âge

Un autre mécanisme important dans le vieillissement est celui de la sénescence, qui fait l’objet de nombreuses recherches. Comme dit précédemment, les cellules se répliquent, ce qui permet le fonctionnement normal et le renouvellement des tissus. Ceci est le fruit d’un cycle cellulaire qui suit plusieurs étapes successives.

La sénescence correspond à un arrêt du cycle des cellules, qui cessent alors de se multiplier. Elle survient à force de réplications successives de ces dernières ou à la suite d’un stress cellulaire. Le processus de sénescence cellulaire a été décrit à la fois comme bénéfique, car il possède un effet antitumoral en empêchant la prolifération de cellules cancéreuses, mais il a également été décrit comme délétère dans les pathologies liées à l’âge.

En effet, les cellules sénescentes s’accumulent dans les tissus âgés ou malades et cessent d’exercer leur fonction d’origine mais ne meurent pas. Elles persistent longtemps dans le tissu tout en libérant des molécules pro-inflammatoires et profibrosantes qui vont engendrer une accélération du processus de vieillissement des cellules environnantes et donc finalement des organes.

En d’autres termes, la sénescence est comme un vieux feu de signalisation en ville. Au début, il fonctionne parfaitement et régule la circulation sans problème. Mais, avec le temps, il commence à dysfonctionner, certains feux restent bloqués au rouge, et d’autres ne s’allument plus correctement. Le feu est toujours là, mais il perturbe la circulation au lieu de la réguler.

Le cœur : un organe avec un vieillissement spécifique

Le vieillissement amène au développement de nombreuses pathologies chroniques comme les maladies cardiovasculaires qui constituent, à ce jour, le tueur numéro 1 mondial, c’est-à-dire la première cause de mortalité.

Le vieillissement cardiaque présente des spécificités qui le distinguent de celui des autres organes. Si l’on compare un cœur jeune et un cœur âgé, on observe plusieurs caractéristiques comme une augmentation de la taille du cœur, ainsi que l’apparition de fibres rigides de collagène dans le tissu cardiaque (fibrose), ce qui rend le cœur beaucoup moins souple, et empêche sa relaxation et donc son bon fonctionnement.

Certaines caractéristiques, comme une inflammation chronique à bas bruit ainsi qu’une mort accentuée des cellules du cœur (cardiomyocytes), peuvent également apparaître. Ceci entraîne une diminution du nombre de cellules cardiaques ainsi qu’une augmentation de taille (hypertrophie) des cellules résiduelles.

L’ensemble de ces altérations renforce l’apparition des pathologies cardiaques et engendre une moindre résistance au stress chez la personne âgée.

Quels liens entre sénescence et insuffisance cardiaque ?

Assez récemment, il a été mis en évidence l’apparition de cellules sénescentes dans le cœur vieillissant. Ceci n’avait jamais vraiment été montré auparavant, car les cellules du cœur ne se multiplient pas contrairement aux autres cellules du corps. Or, la sénescence apparaît souvent à force de réplications successives.

Cette étude a donc mis en évidence une sénescence particulière, engendrée notamment par une augmentation du stress oxydant par les mitochondries (ces structures spécialisées responsables de la production d’énergie au niveau des cellules), qui altère les extrémités des chromosomes (appelées télomères).

L’ensemble de ces modifications pourraient être responsables du développement de l’insuffisance cardiaque, une pathologie qui a une prévalence de 23,7 % chez les personnes âgées de plus 85 ans, et dont le principal facteur de risque est le vieillissement.

Qu’est-ce que l’insuffisance cardiaque à proprement parlé ? C’est une incapacité du cœur à maintenir un débit sanguin suffisant pour maintenir la perfusion en oxygène des tissus. Plusieurs symptômes peuvent apparaître, notamment des difficultés à respirer au repos ou à l’effort (dyspnée), de la toux, des œdèmes pulmonaires ou périphériques, ce qui va drastiquement impacter la qualité de vie des personnes souffrant d’une insuffisance cardiaque.

Ralentir les effets du vieillissement sur le cœur

Le vieillissement est un processus inévitable. Mais, bonne nouvelle ! Il est possible de ralentir ses effets !

Au niveau cardiaque, cela se traduit par une activité physique régulière pour réduire l’inflammation chronique et la sénescence dans un cœur vieillissant et préserver un bon contrôle qualité des protéines et des mitochondries.

Un esprit zen est aussi nécessaire pour le maintien du bon fonctionnement cardiaque. En effet, le stress chronique peut avoir un effet néfaste sur le cœur, notamment par une augmentation de la pression artérielle et le développement d’arythmies, mais également par la production accrue de cortisol. L’excès de cortisol favorise l’accumulation de graisse, ce qui augmente le risque de maladies cardiovasculaires.

La recherche chez l’animal explore des « sénothérapies »

La recherche de « sénothérapies » constitue aussi une solution actuelle originale, afin de contrer la sénescence et le vieillissement cardiaque. Les sénolytiques sont une nouvelle classe de composés qui permettraient l’élimination sélective des cellules sénescentes alors que d’autres molécules, les sénomorphiques, visent à supprimer directement les effets néfastes des composants sécrétés par les cellules sénescentes qui peuvent être pro-inflammatoires.

Certaines études chez l’animal ont déjà pu mettre en avant le fait que l’élimination pharmacologique des cellules sénescentes améliore le remodelage cardiaque après un infarctus chez les souris femelles âgées et améliore la fonction cardiaque en diminuant la fibrose cardiaque, l’hypertrophie et l’inflammation chez les souris atteintes d’insuffisance cardiaque.

À terme, on peut imaginer une potentielle utilisation clinique, sur l’humain, de ces molécules.The Conversation

Jeanne Mialet-Perez a reçu des financements de l'Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale (INSERM), l'Agence nationale de la recherche (ANR), la Fédération Française de Cardiologie (FFC), la région Pays de la Loire, Angers Loire Métropole (ALM) et l'Université d'Angers.

Lise Beucher ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.