Les personnes autistes sont celles qui ont le moins accès à la flexibilité au travail, alors qu’elles en ont le plus besoin
La cause : elles sont moins portées à négocier des arrangements personnalisés, ou « i-deals » (Idiosyncratic Deals Employees), avec leur (futur) employeur.


La cause : elles sont moins portées à négocier des arrangements personnalisés ou des « i-deals » (Idiosyncratic Deals Employees) avec leur (futur) employeur.
Le 10 avril dernier, le secrétaire à la santé états-unien Robert Kennedy Junior a annoncé qu’une étude menée par les autorités sanitaires permettrait d’établir les causes de l’« épidémie d’autisme, d’ici septembre ». Dans le cadre de son plan « Make America Healthy Again », il promet de les éliminer, en pointant du doigt la vaccination.
Une actualité qui sidère les associations états-uniennes, comme françaises, spécialisées dans le trouble du spectre de l’autisme (TSA). La Haute Autorité de santé française estime qu’environ 100 000 jeunes de moins de 20 ans et près de 600 000 adultes présentent des troubles du spectre de l’autisme. Ce dernier se caractérise par des difficultés de communication et des interactions sociales. Des difficultés pouvant mener ces personnes à quitter le marché du travail.
Des pratiques de travail flexible pourraient faciliter les choses pour les personnes autistes. Paradoxalement, de nombreuses recherches que nous allons détailler, montre qu’elles sont moins susceptibles d’obtenir cette flexibilité, au contraire de leurs collègues non autistes. Pourquoi ? En menant 300 enquêtes qualitatives et douze entretiens avec des personnes autistes occupant un emploi, nous mettons en lumière l’importance des accords idiosyncrasiques, i-deals (Idiosyncratic Deals Employees) ou arrangements, qui pourraient les aider au travail.
Alors, comment créer des arrangements de travail personnalisé, négocié entre un employé et employeur, pour les personnes présentant un trouble du spectre autistique ?
Arrangements personnalisés
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), on estime qu’environ une personne sur cent est autiste dans le monde. Cette population est confrontée à de grandes difficultés sur le marché du travail, telles que le chômage et le sous-emploi). Pour améliorer cette situation, ils bénéficieraient grandement de la flexibilité. Le premier pas : répondre aux questions quand, comment, avec qui et où l’on travaille. Des discussions favorisées par les arrangements personnalisés, ou i-deals (Idiosyncratic Deals Employees).
Ces accords idiosyncrasiques constituent une forme de soutien individuel pour répondre aux besoins, aux désirs et aux aspirations de divers groupes de travailleurs. Ces accords individualisés peuvent être utilisés pour modifier les conditions de travail ou d’emploi, afin de s’adapter aux besoins individuels d’une personne. L’objectif : créer un meilleur équilibre pour répondre à la fois à ses propres besoins et aux exigences de l’organisation. Malheureusement, l’homogénéisation des politiques et des pratiques en matière de ressources humaines n’a pas pris en compte les besoins d’une main-d’œuvre de plus en plus diversifiée. Et ce n’est pas les politiques antidiversité et antiDEI de Trump qui vont dans ce sens…
Négociations informelles
À travers notre étude, nous constatons que les personnes autistes aimeraient bénéficier d’une certaine flexibilité en ce qui concerne la manière, le lieu, le moment et la personne avec laquelle elles travaillent. Elles préfèrent notamment des espaces calmes pour gérer leurs sensibilités sensorielles. Un tel équilibre est nécessaire pour faciliter l’emploi durable de ces travailleurs. De facto, des Arrangements personnalisés, ou i-deals, peuvent être particulièrement pertinents pour les employés autistes, dont les besoins sont susceptibles d’aller au-delà des politiques de ressources humaines standards.
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Ces i-deals ont tendance à être négociés de manière informelle. Généralement, ces demandes sont initiées par les salariés eux-mêmes. La nature sociale et relationnelle de ce processus de négociation est rendue particulièrement difficile par les personnes autistes. Cela implique d’être conscient de ses besoins et de se sentir en mesure de s’engager dans ce processus de négociation. Surtout que la recherche montre que les salariés particulièrement performants, ainsi que les personnes intéressées par la domination et le pouvoir au sein des organisations, recherchent et obtiennent des i-deals.
Socialisation différente
Les personnes autistes socialisent différemment de leurs homologues neurotypiques. Elles peuvent exprimer moins d’intérêt pour le statut social, ou trouver que la dynamique du pouvoir social dans les organisations est difficile à comprendre.
Comme la socialité des personnes autistes est en contradiction avec les normes sociales neurotypiques, elles peuvent rencontrer des difficultés dans le milieu professionnel. Cela peut, à son tour, entraver leur accès aux i-deals. Comme les personnes autistes ont souvent honte de révéler leur état ou d’évoquer leurs difficultés au travail, elles ne bénéficient pas d’un soutien supplémentaire qui leur permettrait de s’orienter plus facilement. Or, les personnes qui entretiennent de bonnes relations avec leur supérieur sont plus susceptibles de créer des moments propices aux arrangements personnalisés.
Paradoxe de l’autisme au travail
La relation avec le supérieur hiérarchique est une fois de plus liée aux compétences sociales. Les salariés autistes peuvent se trouver dans une situation paradoxale. Alors qu’ils ont le plus besoin d’i-deals, notamment pour obtenir et conserver un emploi, l’inadéquation entre l’autisme et la nature relationnelle de la vie en l’entreprise peut simultanément entraver leur accès à ces arrangements personnalisés.
Bien que les i-deals peuvent conduire à des résultats positifs à la fois pour les employeurs et les employés, nous soutenons qu’il est préférable de changer les politiques et les pratiques d’une organisation pour répondre aux besoins de tous les employés. Serait-il préférable de supprimer l’accès négocié individuellement à ces Idiosyncratic Deals ?
Sophie Hennekam ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.