Édouard Philippe ou le Messie

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Mai 9, 2025 - 05:19
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Édouard Philippe ou le Messie

L’ancien Premier ministre caracole dans les sondages – il battrait n’importe quel candidat RN en 2027. Mais, qui se souvient de son bilan à Matignon ? Puisque personne ne se pose la question, il est pour beaucoup l’homme providentiel.


Les sociaux-libéraux ont eu raison du Rassemblement national ; n’en doutez pas, la condamnation de Marine Le Pen sera confirmée en appel ; un candidat sérieux à la présidentielle n’est pas un « justiciable comme les autres » — ce procès ridicule est évidemment politique. Oui, mais voilà : 2027 approche, et la place est vide. Il devient urgent d’imposer aux Français un candidat de la juste mesure, un bel énarque de race, un bouclier contre les extrêmes ; un candidat social-libéral, favorable à Maastricht, au mariage gay, aux aides sociales — et à l’économie de marché, tant qu’elle est régulée, bien sûr. Alors, insensiblement, on commence à préparer les esprits ; on montre des sondages, on fait monter la sauce : on porte dans les médias celui dont les idées ne contrarieront pas les intérêts économiques des puissants, et qui servira docilement leur progressisme rageur — tant pis pour la voix du peuple. Le nom du nouveau Messie ? il revient d’entre les morts : il s’appelle Édouard Philippe. Selon un « sondage choc », publié par l’IFOP, l’ancien Premier ministre serait en mesure de battre le candidat RN au second tour.

Édouard Philippe !… Les bras nous en tombent !

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Et pourquoi pas, en vérité ? L’homme, grand officier de la Légion d’honneur, grand-croix de l’ordre du Mérite, a brillé à la tête du gouvernement : dans une France au bord de la guerre civile et plus que jamais divisée, où la criminalité atteignait des hauteurs vertigineuses ; où la République avait perdu des territoires ; où l’éducation (lamentable), la justice (laxiste), l’économie (en berne) menaient la nation au chaos ; dans une France étique à force de tirer du lait pour les fainéants et les immigrés, et où l’on préférait taxer et punir les proies faciles, c’est-à-dire les travailleurs ; eh bien, dans cette France d’Emmanuel Macron, Édouard Philippe a osé porter la mesure la plus courageuse de ces dernières décennies, et la seule alors véritablement nécessaire au redressement du pays : je veux parler de la limitation de vitesse à 80 km/h. Quel courage ! — est-ce qu’on ne reconnaît pas bien là le porte-parole d’Alain Juppé, l’austère mais brillant libéral, l’humaine incarnation de l’aile « droite » de la majorité présidentielle ? Même le président de la République s’y opposait : qu’à cela ne tienne, Édouard a bravé Macron !

© ALLILI MOURAD / SIPA

Certes, les gilets jaunes ont eu raison de sa vaste loi, celle dans laquelle il avait mis toute son âme, toutes ses forces ; il a fallu revenir en arrière ; maintenant, la limitation maximale des routes secondaires est à la discrétion d’on ne sait qui, et même les GPS s’embrouillent — mais quoi, il fallait bien faire des concessions.

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On cherchera, en vain, d’autres réformes d’envergure ; il n’en existe pas qui soient personnelles au glorieux maire du Havre. Napoléon, après avoir instauré les masses de granit, était parti conquérir l’Europe : Édouard Philippe aura juste démissionné après avoir administré les routes, et avec quel talent ! Me jugera-t-on sévère ? Cherchez dans son bilan ses accomplissements : il n’a fait que conduire avec une admirable passivité les grandes réformes du Mozart de la finance, sur la SNCF, sur les retraites, sur que sais-je. Ce ne sont pas ses résultats qui l’ont rendu un temps si populaire (le pays est foutu, de toute façon), mais ses bons mots. Avec les gilets jaunes, avec le Covid, il a montré comment on assume une gestion de crise, quand on est un vrai politique : en gérant son risque juridique, et en achetant la paix sociale ; puis, il est parti, emportant, de ses quelques années passées à Matignon, des souvenirs qui lui auront laissé des cheveux blancs — mais dans la barbe.

On le dit fils de docker ; on en fait déjà un exemple de la méritocratie. Par petite ambition, il sait obéir aux puissants, même quand il n’est pas d’accord (il l’a prouvé avec la PMA et l’âge du départ à la retraite) ; la bien-pensance bobo-progressiste coule dans ses veines, comme la foi coulait dans celles de Pascal ; beaucoup trop à droite pour les gauchistes, il n’en demeure pas moins faussement libéral en matière d’économie, et sur le reste, un vrai socialiste. Hosanna ! le Messie nouveau est arrivé !

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