Faits divers contre faits de société
On dirait qu’il y a désormais des drames de droite et des drames de gauche, observe Elisabeth Lévy dans sa chronique... L’article Faits divers contre faits de société est apparu en premier sur Causeur.

On dirait qu’il y a désormais des drames de droite et des drames de gauche, observe Elisabeth Lévy dans sa chronique.
Les assassinats récents au couteau dans un lycée de Nantes et dans une mosquée à La Grande-Combe (près d’Alès) ont entrainé interprétations hâtives et instrumentalisations de tous côtés. Les deux crimes sont spectaculaires – de par le lieu où ils sont commis qui frappe l’opinion (un lycée et une mosquée, deux endroits qui devraient être épargnés par le fracas du monde). Il est donc normal qu’on veuille comprendre. Mais, il y a eu très vite un emballement interprétatif.
Après Nantes (le drame de la lycéenne assassinée), Bruno Retailleau parle de l’ensauvagement de la société, et des commentateurs embrayent. Mais cela ne va pas beaucoup plus loin.
Après Alès, tout le monde pense évidemment à un crime antimusulman. La gauche part en fanfare sur la supposée « islamophobie » de la France en général et de Bruno Retailleau en particulier. Jusqu’à cette manifestation honteuse à Paris, dont le député Jérôme Guedj est expulsé.
Or, dans les deux cas, soyons très prudents et écoutons la Justice, cela semble des actes qui paraissent plutôt relever du parcours individuel.
À Nantes, le texte du meurtrier semblait évoquer une haine du capitalisme et de la modernité. Mais, cela n’explique pas le passage à l’acte ; si vous avez des pulsions meurtrières, vous essayez toujours de les enrober en piochant dans ce que vous trouvez autour de vous. En tout cas, le crime ne semble pas imputable à la « crise de l’autorité ».
À Alès, d’après la procureure de Nîmes, il s’agit d’un crime « sans revendication idéologique. Les faits paraissent à ce stade construits autour de l’envie obsessionnelle de tuer une personne ». Donc, le tintouin sur l’islamophobie semble tout à fait à côté de la plaque.
Que conclure de ces faits divers ? On dirait qu’il y a des drames de droite et des drames de gauche. Ce qui est un fait divers pour les uns est un fait de société pour les autres. J’y vois le signe de la fragmentation ultime de la société : on ne pleure pas tous les mêmes victimes. Mais, je ne renverrai pas tout le monde dos à dos non plus : si tout le monde a pleuré Aboubakar Cissé, tout le monde n’avait pas pleuré Lola. Et dans l’affaire Cissé, même si ce n’est pas toujours vrai, le pompon du cynisme et de l’instrumentalisation revient bien à la gauche.
Nous avons du mal à admettre que certains crimes sont individuels. On veut toujours des explications sociales et politiques, comme si la capacité humaine à faire le mal ne nous suffisait pas (L’avocat de la famille Cissé veut ainsi à tout prix que ce soit un crime « terroriste »). Certes, il y a souvent des explications sociales et politiques. Quand un crime est commis par un migrant sous OQTF, par exemple, la responsabilité de l’État est factuelle. Refuser de le dire, ce n’est pas lutter contre l’instrumentalisation, c’est cacher la vérité.
Tout cela devrait inviter les politiques de tous bords à la décence et à la retenue. Et les commentateurs à la prudence. Quand on ne sait pas, il faut juste se taire.
Cette chronique a été diffusée sur Sud Radio
Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale
L’article Faits divers contre faits de société est apparu en premier sur Causeur.