Nahel: la dinguerie judiciaire actuelle a une histoire

Refus d'obtempérer. Le parquet de Nanterre a requis un scandaleux renvoi aux assises du policier ayant tiré sur Nahel en juin 2023, estimant qu'il a volontairement donné la mort à l’adolescent. Les policiers contestent cette décision, affirmant que Florian M. a agi dans le cadre de la loi et que le tir mortel résulte d’une déviation involontaire de l’arme... L’article Nahel: la dinguerie judiciaire actuelle a une histoire est apparu en premier sur Causeur.

Mar 7, 2025 - 11:56
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Nahel: la dinguerie judiciaire actuelle a une histoire

Refus d’obtempérer. Le parquet de Nanterre a requis un scandaleux renvoi aux assises du policier ayant tiré sur Nahel en juin 2023, estimant qu’il a volontairement donné la mort à l’adolescent. Les policiers contestent cette décision, affirmant que Florian M. a agi dans le cadre de la loi et que le tir mortel résulte d’une déviation involontaire de l’arme.


On peut parler de dinguerie judiciaire lorsque le peuple de France au nom de qui est rendue la justice ne se reconnaît plus dans les décisions qui sont prises. Non seulement il ne s’y reconnaît pas, mais il les subit comme autant de coups de poignards dans le dos.

Ainsi de la décision d’un procureur de la République de renvoyer devant les assises sous la qualification de meurtre le policier dont le coup de feu a entraîné la mort d’un jeune garçon, auteur lui, notamment, d’un refus d’obtempérer. On connaît les faits.

Dévoiement

Une telle violence judiciaire est en effet incompréhensible. Incompréhensible, révoltante, inadmissible, alors que dans le même temps on voit des forceurs de barrages ayant tué gendarmes ou policiers n’être poursuivis que pour homicide involontaire quand ce n’est pas tout bonnement pour « coups et blessures ayant entraîné la mort sans intention de la donner ».

Incompréhensible, en effet, du moins tant qu’on se dispense d’aller chercher la source historique de ce dévoiement volontaire et quasi permanent de la justice. 

Nous sommes en 1974. Un magistrat, Oswald Baudot, substitut du procureur de la République à Marseille et – faut-il préciser, militant du Syndicat de la Magistrature – se fend d’un texte qu’il adresse à une centaine de nouveaux confrères, frais émoulus de l’école de Bordeaux.  Cet écrit, destiné à les guider dans la mission qui les attend, est resté célèbre sous l’appellation un rien ronflante de « Harangue de Baudot ».

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Ce qui y est écrit – et donc prescrit – nous livre clef en main les outils de compréhension des aberrations que nous n’avons de cesse de constater chez nous et de déplorer ces dernières années.

Monsieur le substitut du procureur n’y va pas par quatre chemins.

« Soyez partiaux, recommande-t-il (…) Ayez un préjugé favorable pour la femme contre le mari, pour l’enfant contre le père, pour le débiteur contre le créancier, pour l’ouvrier contre le patron, pour le voleur contre la police, pour le plaideur contre la justice… »  Et d’ajouter plus loin, cette pure merveille : « La loi s’interprète, elle dira ce que vous voulez qu’elle dise (…) Il y a des tâches plus utiles que de chasser ce papillon, la vérité. »

Vous pouvez bien évidemment décliner la litanie mentionnée ci-dessus et ainsi la faire mieux coller à notre actualité, ce qui donnerait,  par exemple, « Ayez un préjugé favorable pour le squatter contre le propriétaire, pour l’OQTF à machette contre le promeneur débonnaire, pour le forceur de barrage contre le policier, le gendarme, etc. »

Monter au créneau

Je l’ai dit, nous sommes en 1974. Qui est au pouvoir ? Et quelle réaction va avoir ce pouvoir face à cette remise en cause des fondements même du droit, de notre justice ? Face à ce qu’il faut bien qualifier de menée subversive ?

La réaction ? Questionnais-je. Rien. Ou si peu. Alors que c’est dès ces premiers coups de boutoir contre l’institution qu’il aurait fallu prendre le taureau par les cornes, se montrer intransigeant, impitoyable, monter au créneau et, en marge de la nécessaire répression, imposer le combat d’idées, mener la lutte idéologique.

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Au lieu de cela, rien. Le garde des Sceaux ministre de la Justice de l’époque, le centriste Jean Lecanuet, tête molle archétypique,  surtout remarquable par son sourire de VRP chez Colgate, va-t-il dégainer le glaive, lâcher la foudre et les chiens féroces ? Que non pas. Il envisage une sanction disciplinaire, une petite tape sur la main, pour – tenez-vous bien ! – « manquement à l’obligation de réserve ». Un point c’est tout. Et encore, il n’ira pas au bout, puisque face à la menace de mobilisation des camarades de l’harangueur, il renonce à toute éventuelle sanction.

Désertion en rase campagne. Comment dès lors au Syndicat de la Magistrature ne serait-on pas senti pousser des ailes ? À preuve, en 1985, ce même syndicat affirmait très officiellement « la nécessité de la suppression à terme de la prison. » On ne peut être plus clair.

Ainsi, tout s’explique.

L’infortuné policier renvoyé injustement devant les assises pour meurtre paie en vérité un demi-siècle de lâcheté d’État, cette lâcheté qui a produit la dinguerie judiciaire à laquelle, impuissants, nous assistons mais – pire encore ! – dont nous risquons – tous autant que nous sommes – de faire les frais un jour ou l’autre.

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