Production de semi-conducteurs aux États-Unis : la relocalisation fait face à une pénurie de compétences

Le retour de la fabrication de puces électroniques aux États-Unis est une priorité pour la sécurité nationale et l’économie. Une pénurie de travailleurs qualifiés menace de faire dérailler ce projet.

Mar 24, 2025 - 17:23
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Production de semi-conducteurs aux États-Unis : la relocalisation fait face à une pénurie de compétences

Le retour de la fabrication de puces électroniques aux États-Unis est une priorité pour la sécurité nationale et l’économie. Une pénurie de travailleurs qualifiés menace de faire dérailler ce projet.


Les semi-conducteurs sont au cœur de nombreux aspects de la vie moderne. On les trouve aussi bien dans les voitures, les smartphones, les appareils médicaux, ou encore dans les systèmes de défense nationale. Ces composants aussi minuscules qu’essentiels ont rendu possible ce qu’on appelait la société de l’information et ses nombreuses applications, des dernières avancées en matière d’intelligence artificielle à l’amélioration des performances de l’équipement hospitalier…

Longtemps, leur disponibilité n’a pas semblé être un problème… jusqu’à ce que les choses tournent mal. C’est ce qui s’est passé durant la pandémie de Covid-19 quand les principales faiblesses de la chaîne d’approvisionnement mondiale en semi-conducteurs sont devenues visibles par tous.

Pour ne citer qu’une seule conséquence, le secteur automobile a été un temps à l’arrêt car les nouveaux véhicules ne pouvaient pas être terminés : les puces produites à l’étranger n’étaient plus livrées. Des industries entières ont été perturbées par cette pénurie d’approvisionnement en semi-conducteurs, qui a coûté des centaines de milliards de dollars.


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Dépendance à un rival géopolitique

La crise a révélé une évidence : les États-Unis et leur économie dépendent fortement des pays étrangers, notamment de la Chine, un rival géopolitique, pour fabriquer des semi-conducteurs. Au-delà de la préoccupation économique, ceci constitue aussi un risque pour la sécurité nationale.

C’est pourquoi le gouvernement états-unien a pris des mesures pour investir dans la production de semi-conducteurs par le biais d’initiatives telles que le Creating Helpful Incentives to Produce Semiconductors (CHIPS) and Science Act, qui vise à revitaliser l’industrie manufacturière américaine. Ce texte a été adopté grâce à un soutien bipartite en 2022.

Alors que le président Donald Trump a récemment critiqué le CHIPS and Science Act, lui et son prédécesseur Joe Biden avaient vanté leurs efforts pour développer la fabrication nationale de puces ces dernières années. Pourtant, même avec un soutien bipartite pour ces nouvelles usines de puces, un défi majeur demeure : qui les fera vraiment tourner ?


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Un problème majeur : la main-d’œuvre

La volonté de ramener la fabrication de semi-conducteurs aux États-Unis se heurte à un obstacle important : une pénurie de travailleurs qualifiés. L’industrie des semi-conducteurs devrait avoir besoin de 300 000 ingénieurs d’ici à 2030, à mesure que de nouvelles usines seront construites. Sans une main-d’œuvre bien formée, tous les efforts déployés seront in fine insuffisants. Les États-Unis resteront dépendants de leurs fournisseurs étrangers.


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Ce n’est pas seulement un problème pour le seul secteur de la technologie : toutes les industries qui dépendent des semi-conducteurs, de la construction automobile aux entrepreneurs de la défense… sont évidemment concernées. Les communications, la surveillance et les systèmes d’armes avancés de l’armée reposent sur des micropuces. S’appuyer sur des nations étrangères – en particulier des adversaires – pour la technologie qui alimente leur armée, serait un choix ni durable ni sûr pour les États-Unis.

Pour sécuriser les chaînes d’approvisionnement et conserver le leadership technologique des États-Unis, il serait judicieux d’investir dans l’éducation et le développement de la main-d’œuvre, parallèlement à l’expansion de l’industrie manufacturière.

Des expertises multiples

Pour combler cette pénurie de main-d’œuvre, il faudra déployer des efforts de formation à l’échelle nationale d’ingénieurs et de techniciens dans la recherche, la conception et la fabrication de semi-conducteurs. Les programmes d’ingénierie visent à relever ce défi en introduisant des programmes spécialisés qui combinent une formation pratique et des cours axés sur l’industrie.

Les futurs travailleurs des semi-conducteurs auront besoin d’une expertise en conception de puce et en microélectronique, en science des matériaux et en génie des procédés, ainsi qu’en fabrication avancée ou encore en opération en salle blanche. Pour y parvenir, les universités devront travailler main dans la main avec les chefs de file de l’industrie pour s’assurer que les étudiants obtiennent leur diplôme avec les compétences dont les employeurs ont vraiment besoin.

À l’Université des sciences technologiques du Missouri, où je suis président du département science et génie des matériaux, nous avons lancé un diplôme spécialisé en génie des semi-conducteurs multidisciplinaire, l’automne dernier. D’autres universités à travers les États-Unis élargissent également leurs offres de formation avec la création d’options d’ingénierie des semi-conducteurs dans un contexte de forte demande de l’industrie et des étudiants.

BFM Business, 2022.

C’est bon pour la croissance économique

La reconstruction d’une capacité nationale de production de semi-conducteurs n’est pas seulement une question de sécurité nationale, c’est une opportunité économique qui pourrait bénéficier à des millions d’Américains. En élargissant les programmes de formation et les viviers de main-d’œuvre, les États-Unis peuvent créer des dizaines de milliers d’emplois bien rémunérés, renforcer l’économie et réduire la dépendance à l’égard des chaînes d’approvisionnement étrangères.

Et la course à la sécurisation des chaînes d’approvisionnement en semi-conducteurs n’est pas seulement une question de stabilité, c’est aussi une question d’innovation.

Les États-Unis sont depuis longtemps un leader mondial dans la recherche et le développement de semi-conducteurs, mais les récentes perturbations de la chaîne d’approvisionnement ont montré les risques inhérents à la fabrication à l’étranger.

Pour rester à l’avant-garde des progrès technologiques en matière d’intelligence artificielle, d’informatique quantique et de systèmes de communication de nouvelle génération, il me semble évident que les États-Unis auront besoin non seulement de nouvelles usines, mais aussi de nouveaux travailleurs pour prendre le contrôle de leur production de semi-conducteurs.The Conversation

Michael Moats ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.