Emmanuel Macron, le droit à mourir d’ennui

Le président de la République était convié hier soir sur TF1 à une grande soirée de débats avec Gilles Bouleau, Cécile Duflot, Robert Ménard, M. In Shape, Melle Saqué, Mme Binet… Qui sera le maillon faible? Céline Pina a regardé ce joli moment de télévision. L’article Emmanuel Macron, le droit à mourir d’ennui est apparu en premier sur Causeur.

Mai 14, 2025 - 14:24
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Emmanuel Macron, le droit à mourir d’ennui

Le président de la République était convié hier soir sur TF1 à une grande soirée de débats avec Gilles Bouleau, Cécile Duflot, Robert Ménard, M. In Shape, Melle Saqué, Mme Binet… Qui sera le maillon faible? Céline Pina a regardé ce joli moment de télévision.


« Tout ça pour ça » pourrait être le titre de chacune des messes cathodiques que nous inflige régulièrement notre président. Il faut dire que le sermon est aussi long qu’ennuyeux et s’il se caractérise par une chose, c’est le manque d’inspiration, de souffle et de vision. Que retenir des plus de trois heures de la nouvelle séance d’autosatisfaction qui nous fut infligée hier soir sur TF1 ? A part l’ennui incommensurable qui en résulte pour le spectateur, pas grand-chose. L’exercice est répétitif et l’acteur principal se complait dans le monologue sans avoir le talent nécessaire pour transmettre quoi que ce soit. On imagine même les conseils du responsable du média-training :

  • Il faut que l’on te sente concerné, habité. Les Français souffrent, ils ont peur, montre-leur que tu es conscient de l’ampleur de leurs attentes ! On doit le lire sur ton visage. Essaie !
  • Sinon, tu peux aussi froncer les sourcils et prendre un air revêche.

On eut donc droit à un premier Macron en mode « conscient des obligations de la charge ». Donc sourcils froncés. Il faut dire qu’il abordait son sujet préféré : montrer que l’on appartient à la cour des grands en montrant ses biceps face à la Russie et en jouant au va-t-en-guerre, mais en mode « retenez-moi où je fais un malheur ». Ou pas.

Guerre en Ukraine : rodomontades et absence de vision

Seul problème, derrière l’empilement de bla-bla justificatif, c’est surtout l’immense faiblesse des Européens qui apparait. Derrière la nécessité de l’ambigüité mise en avant par Emmanuel Macron, c’est l’irrésolution et le manque de moyens que l’on sent. Sorti du prêchi-prêcha, rien ne tient la route, à commencer par la question des sanctions contre la Russie. On aimerait bien que quelqu’un se dévoue pour expliquer à nos dirigeants ce que la mère d’un enfant de trois ans saisit assez vite sans avoir besoin de faire Saint-Cyr : « N’agite pas une sanction que tu n’es pas prêt à exécuter ». Et avant de menacer, commence par savoir jusqu’où tu es prêt à aller… Faute de respecter ces règles de base, une fois la séquence dépouillée de l’amoncellement de mots et de circonvolutions verbales qui caractérisent la parole présidentielle, il ne restait rien à se mettre sous la dent. La menace russe est décrite avec force détails, les nécessaires investissements, sacrifices et contraintes que la proximité du danger implique, eux, restent flous et ne sont pas à la hauteur des peurs agitées.

Silence sur la menace islamiste, tir à boulets rouges sur Israël

La menace islamiste, elle, a été évacuée sous le biais de « nos services maitrisent le risque terroriste ». Fermez le ban. La menace géopolitique et intérieure que cette idéologie représente a été écartée des sujets. Elle ne sera même pas effleurée. Il faut dire que lorsqu’un président choisit de reprendre en creux la lecture islamo-gauchiste de ce qui se passe à Gaza, pour valider, tout en ayant l’air de ne pas y toucher, le terme de génocide, il commet une faute politique. Mais il y est encouragé par un Gilles Bouleau qui prétend que cette qualification a été validée par des juristes et des historiens.

Le problème c’est que ce n’est pas le cas et que les spécialistes de la question, eux, disent clairement qu’il n’y a pas de génocide. Même le Hamas a reconnu que la plupart des victimes (70%) étaient des combattants, ce qui met le ratio civil/combattant tué au niveau de n’importe quelle guerre moderne. Mais qui reprochera à un président une séquence émotion surjouée, larme à l’œil et lippe tremblante, quand est mise en avant la mort d’enfants ? En revanche le président est moins disert quand il s’agit de remonter à la source de cette guerre, d’évoquer clairement pourquoi le pogrome a eu lieu, à quel point la haine des juifs est culturelle dans la région et est structurante dans l’idéologie islamiste ; et à quel point l’instrumentalisation de ce conflit et la bêtise des politiques a des conséquences sur la vie quotidienne des juifs de France.

La séquence Gaza avait tout des figures imposées du patinage artistique. Mais derrière les sourcils froncés de l’homme concerné, la vacuité de l’analyse était totale. C’était de la captation de bienveillance à usage clientéliste ; alors pour faire passer la pilule, après avoir versé de l’huile sur le feu, le président a bien entendu déploré l’antisémitisme. En même temps.

Lors de ce grand exercice d’émotion contenue, perlant sous la cuirasse sans risquer de la rouiller, il y a portant eu un grand oublié. Emmanuel Macron n’aura en effet pas eu un seul mot pour un de nos compatriotes qui subit l’injustice et la violence d’un régime autoritaire. Boualem Sansal, arbitrairement emprisonné dans les geôles algériennes est un symbole de l’écrivain dont la tyrannie veut faire taire la voix. Visiblement ce sont là préoccupations trop triviales pour notre Grande conscience.

Des invités censés bousculer le président, aussi prévisibles que peu passionnants : le cas Binet

Disons-le franchement, si je n’avais pas été missionnée pour écrire cette analyse ce matin, je n’aurais probablement pas tenu jusque-là. Entre le chanoine Gilles Bouleau, dégoulinant d’onctuosité et de bons sentiments, tellement porte-manteau de la bien-pensance qu’il confine à l’insignifiance, et un Emmanuel Macron professoral et pontifiant, la séquence « Poutine va tous nous tuer » était déjà rasoir alors même qu’elle était censée être existentielle. Mais, le reste allait s’avérer pire. La séquence Sophie Binet était caricaturale – et elle doit avoir le même spécialiste des médias qu’Emmanuel Macron :

  • Montre que tu incarnes la mobilisation des travailleurs et travailleuses, Sophie !
  • Sinon tu peux aussi froncer les sourcils.

Alors Sophie va froncer les sourcils toute la séquence. En même temps, c’est ce qu’elle maitrise le mieux. Parce que niveau connaissance des dossiers, il y a de grosses lacunes. Le passage sur l’Espagne aura été un moment plutôt amusant tant il témoigne de l’inanité de la posture de la Secrétaire générale de la CGT. Sophie Binet, en vantant l’exemple espagnol, se tire une balle dans le pied avec une efficacité rarement atteinte : arguant de l’augmentation du salaire minimum espagnol, elle oublie juste au passage que celui-ci reste bien inférieur au Smic français, que le redressement économique espagnol s’est fait après des réformes drastiques que n’a jamais essuyé notre pays et que ces réformes ont fait hurler à la mort la CGT à l’époque, justement. Emmanuel Macron a beau jeu de la mettre en face du réel et de la laisser le nez dans ses déjections.

Ce moment n’aide pas à crédibiliser la parole de la dirigeante de la CGT qui apparait peu inspirée dans le choix de ses arguments et se perd sur des questions de détails sans que l’on arrive à bien comprendre les objectifs de cet échange. Elle est sur ce point-là bien aidée par un Emmanuel Macron qui produit de l’échange filandreux et interminable comme l’araignée, sa toile. A ce stade de la soirée, je reconnais avoir eu du mal à fixer mon attention tant l’émission ronronnait et tant j’avais l’impression d’être enfermée dans une boucle temporelle : cette émission ressemblait à toutes celles qui l’avaient précédée et n’en finissait plus de ne pas s’achever.

Une séquence Ménard qui sort du ronronnement !

Robert Ménard allait secouer enfin le cocotier, mettant les pieds dans le plat avec des exemples précis, exprimant clairement l’exaspération des Français sur les questions de sécurité et d’immigration. Quelques engagements concrets et précis en ressortent, comme une position a priori claire sur la situation de ces maires qui se retrouvent devant les tribunaux pour avoir refusé de marier une personne sous OQTF, en situation de récidive. Situation concrète à laquelle est confronté le Maire de Béziers. Hormis sur ce point, la séquence montre à quel point les questions d’immigration restent taboues en France, et à quel point elles mettent Emmanuel Macron mal à l’aise.

Salomé : le péril jeune

S’ensuit alors la séquence « jeunes ». Arrive Salomé Saqué. Elle aussi a recruté le conseiller médias d’Emmanuel Macron et de Sophie Binet, figurez-vous…

  • Tu représentes la jeunesse dans sa diversité, il faut qu’on te sente habitée par ta mission !
  • Sinon tu peux aussi froncer les sourcils.

Salomé Saqué tient à montrer qu’elle sait garder ses distances face à l’ennemi de classe et le démontre en conservant un visage constipé censé probablement signifier l’incorruptibilité, la rigueur et l’intransigeance… Tout cela, pour finalement dérouler un argumentaire geignard sur la santé mentale des jeunes, victimes de la méchante société.

Elisabeth Levy résume la séquence dans un tweet percutant où elle rappelle cette injonction de Kennedy à la jeunesse américaine : « Avant de te demander ce que ton pays peut faire pour toi, demande-toi ce que tu peux faire pour ton pays ». Et c’est ce que l’on aurait aimé entendre dans la bouche d’Emmanuel Macron, tant la logorrhée victimaire de la journaliste du média d’extrême gauche Blast était pénible à écouter, surtout dans un des pays les plus protecteurs qu’il soit. Et si justement choisir l’action plutôt que la plainte permanente était une réponse politique concrète ? On aurait aimé voir un adulte remettre à sa place une Salomé Saqué tout en récriminations adolescentes, mais avec un Gilles Bouleau en chœur de pleureuses à lui tout seul, c’était difficile !

Last but not least

L’émission se referme sur ce par quoi elle a débuté, une référence à la guerre. Après la longue marche de la récrimination, vous reprendrez bien un peu de doute existentiel pour la route ?

Elle se clôt enfin, au terme de plus de trois heures dont on aurait pu se passer, avec un moment où le ridicule le dispute à la prétention : la séquence où le président doit écrire un engagement fort sur une tablette prêtée par l’émission. Cela aboutit à une phrase d’une terne banalité, sans aucun intérêt, dont la vacuité résume parfaitement cet interminable moment. « Rester libres : une armée plus forte, une économie plus indépendante, une jeunesse protégée et éduquée. Nous y arriverons ». « On est pour le bien et contre le mal » devait être déjà pris, mais c’est du même niveau ! Pathétique. Non que les objectifs soient contestables, mais qui croit que nous fournissons les efforts nécessaires ? Une fois de plus, seul l’effet d’annonce est recherché et seul l’effet d’annonce sera atteint.

Et le référendum me direz-vous ? Allez savoir… Notre majesté attend les propositions de son gouvernement. Il s’engage néanmoins à en faire un sur la loi du droit à l’aide à mourir. Il faut dire que l’extrait montrant la situation de Charles Bietry, atteint de la maladie de Charcot, était déchirant. Mais la séquence était manipulatoire. Comment rester factuel face à une telle émotion ? Et pourtant. La maladie de Charcot et les maladies neurodégénératives entrent dans le champ de l’aide à mourir, et ne suscitent pas de levée de boucliers. Ceux qui s’inquiètent des dérives de la loi actuelle le font au regard des amendements qui souhaitent élargir l’accès à l’euthanasie des personnes souffrant de maladies mentales, par exemple, des amendements qui interdisent que l’on examine les pressions qui peuvent être exercées sur les malades, qui interrogent le fait de mettre en place l’euthanasie avant que de réels engagements sur le déploiement des soins palliatifs aient été pris… etc.

Mais il faut reconnaitre que les trois heures d’émission ayant accouché d’une accumulation de clichés et de sermons et de pas grand-chose de concret, il fallait bien trouver une idée pour placer Emmanuel Macron au-dessus de la vulgate et le montrer capable d’exaucer au moins une attente des Français. Pour cela, il a choisi la guerre et l’aide à mourir. De bien belles perspectives collectives !

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