Vietnam : un témoignage

Le Vietnam suit le modèle chinois d’il y a 20 ans et se développe à toute vitesse. Mais pourquoi si tard, alors qu’il aurait pu être la Corée du Sud ? Il a eu certes un passé tourmenté : la colonisation et une guerre cruelle avec intervention étrangère. Mais la Corée aussi ! La différence […]

Mar 20, 2025 - 22:04
 0
Vietnam : un témoignage

Le Vietnam suit le modèle chinois d’il y a 20 ans et se développe à toute vitesse. Mais pourquoi si tard, alors qu’il aurait pu être la Corée du Sud ?

Il a eu certes un passé tourmenté : la colonisation et une guerre cruelle avec intervention étrangère. Mais la Corée aussi ! La différence vient de la période économiquement communiste dont, comme la Chine, il s’est sorti tardivement;

Une histoire chinoise, puis française

Le Vietnam a été chinois pendant environ 1.000 ans et ne s’est libéré qu’en 938. Il en a gardé le bouddhisme et les traditions confucéennes.

600 ans plus tard arrivèrent des missionnaires français, qui introduisirent le catholicisme et l’alphabet latin. Ne pas confondre ces missionnaires français avec les colonisateurs qui ne sont arrivés qu’en 1858, soit deux siècles plus tard.

J’ai été le témoin indirect de cette colonisation française car, chez mes grands-parents, tout venait du Vietnam. Mon grand-père avait été directeur d’une petite usine, ce qui lui permit de fréquenter les élites locales. Communiste et anticolonialiste, il fréquentait des intellectuels vietnamiens qui partageaient ses opinions. J’ai donc eu d’abord une idée très négative de cette période coloniale.

Je n’en ai appris que plus tard la face positive, avec le développement économique apporté par les Français, qui faisait de « l’Indochine » la seule colonie française qui ne coûtait rien à Paris, alors qu’il fallait équiper à grands frais l’Afrique d’infrastructures coûteuses sans avoir grand-chose en échange.

Le discours « décolonial » actuel ignore ce poids financier supporté par Paris du fait des colonies, mais c’est un sujet différent dont je parle par ailleurs sur ce blog.

Autre différence avec l’Afrique, la bonne osmose entre Français et Vietnamiens de tous les niveaux sociaux, comme en témoignait le nombre de mariages mixtes.

Guerre coloniale ou « guerre froide » ?

La « guerre française » démarra en 1945, l’occupation japonaise ayant éliminé les Français et les communistes en ayant profité pour s’implanter avant leur retour. Elle connut des fortunes diverses, du fait des réticences d’une partie de la population vietnamienne envers les communistes, puis, en sens inverse, de l’engagement à partir de 1949 de la Chine communiste apporta notamment son artillerie par la frontière incontrôlable des forêts montagnardes du Nord.

Au Sud-Vietnam une alliance entre les nationalistes vietnamiens et les « commandos Ponchardier » de l’armée française chassèrent en 1945 les communistes du pays pour plus de 20 ans.

Quant au peuple vietnamien, il était très partagé et l’armée française comprenait plus Vietnamiens que de Français. Ce n’est que petit à petit, et au Vietnam Nord seulement, que le formidable appareil de propagande et de terreur du parti communiste local, appuyé par la Chine et la Russie a fait son effet.

Une paix de compromis fut signée en 1954 abandonnant le nord aux communistes et attribuant le sud aux nationalistes. Les civils français y restèrent jusqu’à la fin en 1976, y compris ceux qui avaient un rôle économique, illustrant des bons rapports entre les deux peuples.

La guerre américaine

Cette deuxième guerre a été contre le communisme et totalement déformée par la mode « décoloniale » actuelle. L’épisode de la bataille de Hué en 1968 en témoigne : le Viêt-Cong s’était infiltré dans la ville et avait demandé à la population de se soulever contre les Américains et le gouvernement du Sud. La consigne n’a pas été suivie et le Viêt-cong massacra les civils en représailles.

L’abandon américain ne provenait pas d’une défaite militaire mais de leur politique intérieure : des célébrités, dont certaines communistes comme Angela Davis, ayant fait campagne pour : « nous ne voulons pas que nos enfants aillent mourir dans ce pays ».

Le communisme dogmatique

Le régime communiste au nord a commencé en 1954.

Comme ailleurs, le parti avait fait miroiter aux paysans la distribution des terres. Et ce fut in fine la nationalisation sur le modèle des kolkhozes russes. Les paysans se révoltèrent et furent écrasés, comme en Ukraine en 1932.

Les catholiques du nord se réfugièrent au sud.

Mon grand-père vit arriver ses anciens amis communistes fuyants ce nouveau régime et trop contents d’être accueillis par l’ancien colonisateur qu’ils avaient combattu. J’ai été témoin de leur déception face au « communisme réel ».

Au sud, les communistes prirent le pouvoir en 1976 après le départ des Américains.

Comme dans les autres pays communistes, le Vietnam s’appauvrit rapidement, la famine se répandit et je me souviens des campagnes faisant appel aux dons : « aidez les enfants vietnamiens affamés ».

Une partie de la population s’enfuit dans des embarcations de fortune en mer de Chine du Sud. Une partie disparut, une autre fut recueillie par des navires occidentaux, dont celui envoyé par Médecins sans frontières. D’autres furent la proie des garde-côtes thaïlandais qui massacrèrent les hommes et dirigèrent les femmes dans les bordels qui étaient la grande industrie de ce pays

Le rattrapage économique depuis 1989

Je suis allé plusieurs fois Vietnam à partir de cette année-là.

La Chine avait pris son virage économiquement « libéral » et le Vietnam eut la bonne idée de l’imiter. Les paysans eurent droit de vendre leur récolte, la famine cessa instantanément et on ne savait plus où stocker le riz.

Les paysans dépensèrent leur argent en ville, et ces dernières ressuscitèrent. En 1989, Saïgon était misérable et le soir les trottoirs défoncés et sans lumière vous faisaient tomber dans les égouts.

Aujourd’hui, comme vous pouvez le constater à la télévision, les villes sont impeccables, les bâtiments neufs sont nombreux, ainsi que les scooters et les camions.

À mon avis, comme en Chine il ne s’agit pas d’un miracle, mais d’un rattrapage : une population sérieuse et scolarisée, mais appauvrie par une longue guerre et un pilotage économique désastreux se redresse très vite (au Vietnam, une multiplication par sept ans 30 ans du PIB par tête) dès que les dirigeants lui accordent la liberté de commercer et d’entreprendre et assurent l’ordre public.

La Chine en témoigne, mais on peut également citer le Japon, la Corée du Sud, l’Allemagne d’après 1945 etc.

De plus, pendant les décennies de guerre et de ruine de l’économie, le reste du monde a progressé et l’ouverture aux investisseurs étrangers permet d’intégrer toutes les nouveautés techniques et d’organisation qui se sont accumulées entre-temps.

Autrement dit, le pays accède au niveau auquel il aurait dû se trouver. Ensuite, il se met à croître à un rythme normal.

Le Vietnam reste bien sûr communiste, donc dictatorial et corrompu. La liberté économique reste étroitement contrôlée politiquement et doit assez souvent s’acheter.

L’aveuglement communiste

Une fois de plus, je reste sidéré par les dégâts que les communistes imposent à leurs propres pays, malgré les leçons répétées de l’histoire. Ils ont tous connus, et pour les mêmes raisons, des famines à répétition, avec des dizaines de millions de morts dans le cas de la Chine. Et cela pour des raisons de pure fidélité au dogme.

En Chine, Den Xiaoping a eu le mérite d’en sortir, mais seulement après des dizaines d’années de famine. Le Vietnam a suivi, mais après 36 ans de disette au nord et 14 ans au sud !

Et aujourd’hui encore le Venezuela et Cuba sont sous-alimentés, alors que la Russie et l’Ukraine, une fois sortie de ce système, sont redevenus des exportateurs massifs de blé.