Trump 2.0 : des politiques économiques à double tranchant pour les États-Unis et pour le monde

Passage en revue des mesures économiques que Donald Trump entend prendre durant son second mandat et de leur impact sur les États-Unis et sur le reste du monde, au regard des enseignements tirés de son premier mandat.

Fév 16, 2025 - 11:34
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Trump 2.0 : des politiques économiques à double tranchant pour les États-Unis et pour le monde

Passage en revue des mesures économiques que Donald Trump entend prendre durant son second mandat et de leur impact sur les États-Unis et sur le reste du monde, au regard des enseignements tirés de son premier mandat.


Le retour à la Maison Blanche de Donald Trump semble annoncer une nouvelle ère de tensions commerciales et de ruptures avec les institutions multilatérales. Ses choix économiques renforceront-ils la puissance américaine ou, au contraire, provoqueront-ils un effet boomerang par les représailles commerciales et politiques qu’ils ne manqueront pas de susciter ?

Un retour sur ses mesures lors de son premier mandat (2017-2021) éclaire l’impact potentiel de sa politique sur l’économie américaine et mondiale.

Les politiques économiques de Trump

Protectionnisme commercial

Pendant son premier mandat, Trump a imposé des tarifs douaniers sur l’acier et l’aluminium, principalement en provenance de Chine, du Canada, du Mexique et de l’Union européenne. Il a également taxé 360 milliards de dollars de marchandises chinoises, déclenchant une guerre commerciale avec Pékin, mais aussi des tensions avec d’autres partenaires commerciaux comme l’Union européenne et le Japon.

Son retrait du Partenariat transpacifique (TPP), dès janvier 2017 et la renégociation, finalisée en 2018, de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), devenu USMCA (pour United States-Mexico-Canada Agreement), ont illustré sa volonté de donner la priorité aux accords bilatéraux. Ces politiques ont entraîné une hausse des coûts de production et des prix à la consommation non seulement aux États-Unis, mais aussi dans les pays exportateurs touchés par les tarifs douaniers, qui ont répercuté ces coûts sur leurs propres chaînes d’approvisionnement. Elles ont également eu pour effet un ralentissement du commerce mondial.

En outre, les tensions commerciales entre les États-Unis et la Chine ont conduit de nombreuses entreprises à diversifier leurs chaînes d’approvisionnement, créant ainsi des opportunités pour des pays comme le Vietnam et le Mexique. Ces nations bénéficient de leur position stratégique et de leurs accords commerciaux favorables, attirant des investissements et des activités manufacturières autrefois concentrées en Chine.

Le Vietnam est ainsi devenu un maillon essentiel des chaînes d’approvisionnement mondiales, accueillant des géants technologiques tels qu’Apple et Samsung. Des zones industrielles, comme Deep C II à Hai Phong, voient une demande accrue de la part de fournisseurs internationaux.

De son côté, le Mexique a surpassé la Chine en tant que principal partenaire commercial des États-Unis, notamment dans les secteurs de l’automobile et de la machinerie. Sa proximité géographique avec les États-Unis et sa main-d’œuvre qualifiée en font une destination privilégiée pour le « nearshoring ».

D’autres pays, tels que Taïwan, l’Inde, la Thaïlande et la Malaisie, profitent également de cette reconfiguration des chaînes d’approvisionnement mondiales, chacun cherchant à attirer des investissements et à renforcer sa position dans le commerce international.

Depuis son retour au pouvoir en janvier 2025, Donald Trump a mis en œuvre des mesures protectionnistes significatives. Il a imposé des droits de douane de 25 % sur toutes les importations d’acier et d’aluminium aux États-Unis, affectant des partenaires commerciaux clés tels que le Canada, le Mexique et la Chine.

De plus, il envisage d’étendre ces tarifs à d’autres secteurs stratégiques, notamment les semi-conducteurs, les produits pharmaceutiques et les métaux essentiels à l’industrie de la défense, dans le but de rapatrier la production sur le sol américain.

Ces politiques protectionnistes risquent d’accentuer les tensions commerciales et d’avoir des répercussions sur l’économie mondiale, comme en témoignent les mesures de rétorsion déjà annoncées par le Canada et le Mexique.

Déréglementation

Trump I a également supprimé de nombreuses réglementations environnementales afin de soutenir les combustibles fossiles américains ; ses détracteurs estiment que, ce faisant, il a entravé la transition des États-Unis vers les énergies renouvelables, faisant ainsi manquer aux industries américaines des opportunités économiques significatives dans le secteur des technologies vertes.

Au cours de son second mandat, Trump prévoit d’étendre la déréglementation à pratiquement tous les domaines, une tâche confiée à Elon Musk et Vivek Ramaswamy, nommés à la tête du nouveau Département de l’efficacité gouvernementale (DOGE).


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Technologies numériques et réglementation des crypto-monnaies

L’administration de Trump considère que l’IA et la blockchain sont des leviers stratégiques pour renforcer la compétitivité américaine. Au cours de son premier mandat, il a augmenté les investissements fédéraux dans l’IA. Son approche des crypto-monnaies est alors restée prudente : il a notamment renforcé la réglementation sur les échanges de crypto-monnaies et les Initial Coin Offerings (ICO).

Les projets de Donald Trump pour son second mandat incluent l’expansion de l’IA et de la blockchain, ainsi que la promotion des crypto-monnaies. En janvier 2025, il a signé un décret exécutif visant à soutenir la croissance de l’industrie crypto aux États-Unis, signalant une approche favorable à l’innovation dans ce secteur. Cependant, trouver un équilibre entre innovation technologique et stabilité financière reste un défi.

Restrictions à l’immigration et défis pour le marché du travail

Donald Trump affirme que la restriction de l’immigration protège les emplois et les salaires américains. Son premier mandat a été marqué par l’interdiction de se rendre aux États-Unis promulguée à l’encontre des ressortissants de plusieurs pays musulmans, une hausse des expulsions et des restrictions sur les visas H-1B, destinés aux travailleurs qualifiés dans des domaines spécialisés pour le travail temporaire aux États-Unis, qui ont affecté des secteurs clés comme la technologie et la santé. Les critiques font valoir que les restrictions à l’immigration réduisent l’accès aux talents mondiaux, étant donné que 16 % des inventeurs américains et 23 % des résultats de l’innovation proviennent d’immigrants. Il existe un lien entre les restrictions à l’immigration et le ralentissement de la croissance du PIB.

Depuis le début de son second mandat en janvier 2025, le président Trump a intensifié le contrôle des visas et réduit les quotas de réfugiés. Il a suspendu le programme d’admission des réfugiés aux États-Unis et cherche à restreindre l’accès aux visas, y compris pour les travailleurs hautement qualifiés. Ces mesures suscitent des inquiétudes parmi les chefs d’entreprise américains, qui dépendent de l’expertise internationale pour rester compétitifs.


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Réforme fiscale et compromis économiques

La réforme fiscale de 2017 pendant le premier mandat de Trump a réduit l’impôt sur les sociétés de 35 % à 21 %, stimulant les bénéfices mais creusant le déficit fédéral à plus de 1 000 milliards de dollars. Pour son second mandat, Trump propose de réduire l’impôt sur les sociétés à moins de 20 %, dans le but de stimuler l’investissement, mais cela risque d’aggraver les déséquilibres budgétaires.

Les impacts des politiques de Trump sur le monde

États-Unis

Les tarifs douaniers, la déréglementation et les réductions d’impôts de Trump peuvent accroître les bénéfices des entreprises, mais risquent aussi d’augmenter les coûts, d’aliéner les partenaires commerciaux et d’exacerber les inégalités. Des tarifs plus élevés augmentent les prix à la consommation, tandis que les restrictions à l’immigration réduisent la disponibilité de la main-d’œuvre qualifiée.

Si les investissements dans l’IA et la blockchain renforcent la position des États-Unis en tant que leader technologique, une régulation excessive des cryptomonnaies pourrait inciter les entreprises à s’implanter ailleurs, fragilisant leur compétitivité mondiale.

La dérégulation pourrait donner à certains électeurs de Trump l’impression d’être laissés pour compte. Les réductions d’impôts peuvent stimuler l’investissement et la création d’emplois, mais aussi limiter le financement public des infrastructures et des programmes sociaux, entraînant un mouvement de redistribution perçu par certains comme nécessaire et par d’autres comme un fardeau économique injuste, risquant d’alimenter les tensions sociales.

Europe

Les politiques commerciales de Trump désorganisent les chaînes d’approvisionnement européennes, tandis que la baisse des impôts pour les entreprises aux États-Unis risque d’attirer les investissements au détriment de l’Europe, en particulier dans les secteurs du numérique et de l’industrie. Cette concurrence fiscale pourrait entraîner des tensions commerciales et des mesures de rétorsion.

Les entreprises européennes opérant aux États-Unis et en Chine sont confrontées à une incertitude accrue due aux tensions commerciales entre les deux pays. En réponse, l’Europe pourrait renforcer des réglementations comme le RGPD pour contester l’influence des entreprises américaines et attirer des travailleurs qualifiés affectés par les barrières à l’immigration des États-Unis. Ironiquement, les politiques d’immigration restrictives de Trump pourraient donc stimuler la compétitivité de l’Europe en réorientant les talents mondiaux vers le Vieux continent.

Asie

Lors du premier mandat de Trump, les États-Unis ont imposé des droits de douane élevés à la Chine, entraînant des mesures de rétorsion et renforçant les partenariats économiques de Pékin avec l’UE, la Russie et l’Asie, notamment après le retrait américain du TPP. De plus, l’accent mis par Trump sur les combustibles fossiles a permis à la Chine de dominer les énergies renouvelables. Pékin a également offert des incitations à des entreprises américaines comme Apple, Amazon et Tesla, les encourageant à développer leurs activités en Chine.

Les politiques de Trump ont également eu un impact sur d’autres pays asiatiques : la Corée du Sud a été confrontée à des perturbations de la chaîne d’approvisionnement ; le Japon a dû faire face à des coûts de défense et à des tarifs douaniers plus élevés ; le Vietnam et la Malaisie se sont positionnés comme des centres alternatifs pour les entreprises délocalisées de Chine, remodelant ainsi les chaînes d’approvisionnement régionales.

Le second mandat de Trump intensifiera les tensions commerciales entre Washington et Pékin. Face aux restrictions américaines, la Chine pourrait consolider son indépendance technologique et ses alliances stratégiques, remodelant ainsi l’équilibre du commerce mondial.

Moyen-Orient

En réduisant la dépendance énergétique des États-Unis, Trump fragilise les économies du Golfe, poussant certains pays à diversifier leurs alliances économiques et stratégiques.

Depuis son retour en janvier 2025, il a suspendu pour 90 jours l’aide américaine au développement, aggravant l’isolement économique de la région. Il maintient aussi des restrictions financières ciblées et envisage un renforcement des interdictions de voyage, bien que leur application reste incertaine. Ces mesures pourraient accélérer un réalignement géopolitique des pays visés vers la Chine et la Russie.

Iran

Les sanctions américaines contre l’Iran remontent à la crise des otages de 1979, mais elles se sont intensifiées sous le premier mandat de Donald Trump, en particulier après son retrait de l’accord sur le nucléaire iranien de 2015. Son administration a imposé des sanctions radicales aux secteurs énergétique, bancaire et industriel de l’Iran afin de paralyser son économie et de limiter son influence régionale.

Les sanctions de Trump ont entraîné une chute spectaculaire des exportations pétrolières iraniennes, qui sont passées de 2,5 millions de barils par jour en 2017 à seulement 0,4 million en 2020. Sous Biden, un assouplissement des restrictions a permis une remontée à 1,4 million en 2023 et 1,5 million en 2024, la Chine, principal acheteur, captant 90 % de ces exportations.

Le second mandat de Trump, avec une augmentation de la production pétrolière américaine et des sanctions plus strictes, freinera la réintégration de l’Iran dans les marchés mondiaux. Cette pression approfondira son isolement économique, alimentera des tensions internes et renforcera son rapprochement stratégique avec la Chine et la Russie.

Les contrecoups du principe « America First »

La doctrine « L’Amérique d’abord » reste au cœur du second mandat de Trump, mais elle risque d’avoir des conséquences inattendues qui pourraient compromettre ses objectifs.

Le protectionnisme peut augmenter les coûts nationaux et perturber les chaînes d’approvisionnement mondiales, déclenchant le mécontentement et des mesures de rétorsion.

Les restrictions à l’immigration pourraient priver des secteurs clés de talents internationaux, ce qui affaiblirait la compétitivité des États-Unis.

Le soutien aux combustibles fossiles peut augmenter les revenus à court terme mais ralentir la transition vers les énergies renouvelables, ce qui affecte la compétitivité à long terme.

La position de Trump pourrait entrer en conflit avec l’approche mondialiste d’Elon Musk, créant des tensions internes, et sa préférence pour les dirigeants autoritaires pourrait remettre en cause l’influence mondiale des États-Unis.

La doctrine « America First » de Trump est confrontée à un test fondamental : peut-elle s’adapter aux réalités d’une économie numérique interconnectée à l’échelle mondiale, ou entraînera-t-elle de nouveaux défis économiques et géopolitiques pour les États-Unis ?The Conversation

Djamchid Assadi ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.