Trouble obsessionnel compulsif (TOC) : une nouvelle étude identifie plusieurs centaines de gènes associés

En analysant l'ADN de plus de 53 000 personnes souffrant de TOC, des chercheurs ont identifié un grand nombre de gènes associés à ces troubles très envahissants.

Mai 14, 2025 - 23:40
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Trouble obsessionnel compulsif (TOC) : une nouvelle étude identifie plusieurs centaines de gènes associés
Le trouble obsessionnel compulsif n’est pas dû à un gène en particulier. Viktoria Ruban/iStock via Getty Images Plus

Les pensées intrusives et les compulsions auxquelles font face les malades atteints de TOC dégradent non seulement leur quotidien, mais raccourcissent aussi leur espérance de vie. De nouvelles recherches ont permis d’identifier de nombreux gènes impliqués dans ces troubles. Un premier pas vers une meilleure prise en charge.


De nombreuses zones d’ombres persistent dès lors qu’il s’agit de comprendre l’origine du trouble obsessionnel compulsif TOC) : ses causes exactes demeurent inconnues, tout comme les raisons de la grande variabilité des symptômes observés d’un malade à l’autre. On ne comprend pas davantage les raisons pour lesquelles certaines prises en charge, qu’elles soient pharmacologiques ou psychothérapeutiques, sont efficaces chez certains patients et non chez d’autres, ni leurs modes d’action précis.

Mes collègues et moi pensons toutefois avoir franchi une étape importante sur le chemin menant vers les réponses à ces questions. Nos travaux récents éclairent en effet d’un nouveau jour la génétique du TOC, ce qui pourrait permettre d’améliorer l’identification des personnes à risque, et mener à la mise au point de traitements plus efficaces.

Des troubles répandus

Les personnes souffrant de TOC sont victimes d’obsessions – pensées, peurs ou images mentales récurrentes, intrusives et indésirables – ainsi que de compulsions, c’est-à-dire de comportements répétitifs ou de rituels destinés à atténuer l’anxiété généralement suscitée par les obsessions. Par exemple, il n’est pas rare qu’un patient atteint de TOC se lave les mains des dizaines de fois, ou suivant un protocole précis pour éliminer des germes, même s’il a conscience que celui-ci est excessif.

Au niveau mondial, le TOC figure parmi les maladies les plus invalidantes. On estime qu’il affecte environ une personne sur cinquante, ce qui le classe parmi les dix principales causes d’années vécues avec un handicap.

Conséquence de leur trouble, les malades évitent souvent de se retrouver dans certains lieux ou certaines situations, soucieux de prévenir le déclenchement desdites obsessions et compulsions. Le TOC a donc des conséquences néfastes sur la capacité de travail, le fonctionnement quotidien et la vie familiale des personnes concernées.

Mais ce n’est pas tout : comparativement à la population générale, une personne atteinte de TOC présente un risque de mortalité prématurée accru de 30 % en ce qui concerne les causes naturelles (infections, autres maladies) et de 300 % pour les causes non naturelles (accidents, suicide).

Personne se lavant les mains dans un lavabo
Les personnes atteintes de TOC présentent des compulsions qui interfèrent de façon débilitante dans leur vie quotidienne. Jena Ardell/Moment via Getty Images

Influence du bagage génétique

Les causes exactes du TOC demeurent incertaines, mais les chercheurs s’accordent sur le fait que ce trouble survient sous l’influence conjointe de facteurs génétiques et environnementaux. Le TOC peut en effet être familial : on considère que 40 % à 65 % des cas peuvent être attribués à des facteurs héréditaires. En outre, le TOC d’apparition précoce (chez l’enfant) présente une empreinte génétique plus marquée que le TOC survenant à l’âge adulte.

Contrairement aux maladies monogéniques, comme la mucoviscidose ou la maladie de Huntington, le TOC est influencé par des centaines, voire des milliers, de gènes dont l’effet individuel sur le risque est minime.

Pour déterminer quels gènes sont impliqués, mes collègues et moi avons analysé l’ADN de plus de 53 000 personnes atteintes de TOC et de plus de 2 millions de personnes « témoins », ce qui constitue la plus vaste étude de ce type menée jusqu’à présent sur ce trouble.

Nous avons ainsi pu mettre en évidence l’existence de centaines de marqueurs génétiques potentiellement associés au TOC. Des données qui, à terme, pourraient améliorer l’identification des personnes à risque, et aider à la mise au point de traitements plus efficaces.

Étudier la génétique du TOC

Pour identifier les gènes impliqués dans le risque de survenue de TOC, nous avons mené une étude d’association pangénomique (en anglais Genome-Wide Association Study ou GWAS). Ces études comparent le génome de dizaines à plusieurs centaines de milliers de malades à celui de témoins non malades, à la recherche de différences infimes entre les individus. Ces différences sont appelées « variants génétiques », ou marqueurs.

Dans une GWAS telle que celle que nous avons menée sur le génome de patients atteints de TOC, chaque marqueur – parmi les millions qui se trouvent répartis sur l’ensemble du génome – est testé statistiquement afin de déterminer s’il est significativement plus fréquent chez les personnes atteintes que chez les témoins. Il s’agit ensuite de déterminer à quels gènes ces marqueurs statistiquement associés au TOC se rattachent, où ils s’expriment dans l’organisme et comment ils pourraient contribuer au développement du trouble : directement, ou par des voies plus détournées.

Les études GWAS recherchent des associations génétiques (vidéo en anglais).

Cette approche nous a permis d’identifier 30 régions du génome liées au TOC, lesquelles se sont avérées regrouper un total de 249 gènes d’intérêt. Parmi ceux-ci, 25 gènes sont susceptibles de contribuer directement au développement de TOC. Fait intéressant, les trois gènes les plus significatifs de cette pathologie sont également impliqués dans d’autres troubles cérébraux tels que la dépression, l’épilepsie et la schizophrénie.

Plusieurs autres gènes d’intérêt pour le TOC se situent dans une région du génome jouant un rôle dans l’immunité adaptative, une région qui a également été associée à d’autres pathologies psychiatriques.

Il est essentiel de souligner qu’aucun gène ne peut, à lui seul, prédire ou provoquer le TOC. Des études antérieures ont montré que les gènes connus impliqués dans le risque de développer ce trouble sont répartis sur les 23 paires de chromosomes que possède l’être humain.

De nombreux gènes impliqués

Puisque la contribution de chaque marqueur ou gène au risque est très modeste, les GWAS ne permettent pas, pour un patient donné, d’attribuer une cause génétique spécifique au TOC dont il souffre. Elles éclairent cependant le fonctionnement cérébral des personnes atteintes et révèlent l’existence d’éventuelles racines partagées avec certaines des comorbidités les plus fréquentes.

Nous avons notamment constaté que les marqueurs associés au TOC s’expriment fortement au niveau de plusieurs régions cérébrales impliquées dans la planification, la prise de décision, la motivation, la détection d’erreur, la régulation émotionnelle, ainsi que dans la peur et l’anxiété. Autant de fonctions susceptibles de dysfonctionner dans le TOC.

Nous avons également mis en évidence un lien avec l’hypothalamus, région cérébrale convertissant les émotions (peur, colère, anxiété, excitation) en réponses physiologiques. Bien que l’hypothalamus n’ait pas encore été directement associé au TOC, il fait partie d’un réseau cérébral susceptible de contribuer à ses symptômes.

De plus, nous avons mis en évidence une association forte entre certains types cellulaires – en particulier les neurones épineux de taille moyenne du striatum – et les gènes que nous avons identifiés comme associés au TOC. Ces neurones jouent un rôle crucial dans la formation des habitudes, processus par lequel un comportement devient automatique (à l’instar des compulsions). Plusieurs récepteurs de ces neurones sont d’ailleurs des cibles pharmacologiques parfois utilisées pour traiter le TOC.

Gros plan sur une personne se rongeant les ongles
De nombreuses personnes souffrant de TOC présentent également des troubles anxieux. triocean/iStock via Getty Images Plus

Les résultats de notre étude permettront de mieux comprendre les relations entre le TOC et d’autres affections. Nous avons par exemple constaté des associations génétiques entre le TOC et plusieurs troubles psychiatriques, notamment l’anxiété, la dépression, l’anorexie et le syndrome de Tourette. À l’inverse, le développement de TOC s’accompagne d’un risque génétique moindre pour des comportements à risque et la dépendance à l’alcool, ce qui est confirmé par l’analyse du profil clinique des patients souffrant de TOC, qui sont souvent prudents et averses au danger.

Plus étonnant, nous avons découvert l’existence de recouvrements génétiques entre le TOC et certaines pathologies immunitaires. Nous avons notamment identifié une augmentation du risque d’asthme et de migraines, ainsi qu’une diminution du risque de maladies inflammatoires de l’intestin. Ces constats pourraient ouvrir de nouvelles pistes de réflexion quant au rôle du système immunitaire et de l’inflammation dans la santé cérébrale.

Vers des traitements plus efficaces

Le TOC est un trouble complexe, dont l’expression peut beaucoup varier d’un individu à l’autre. La compréhension des facteurs génétiques et biologiques qui le sous-tendent contribue à rendre plus précis les diagnostics, à optimiser les traitements, voire à mieux cibler la prévention.

En tant que psychiatre clinicienne et chercheuse, j’ai consacré ma carrière à élucider les mécanismes du TOC et à améliorer la vie des personnes concernées. En poursuivant les recherches et en menant d’autres études de ce type, sur des cohortes de plus en plus vastes, mon équipe et moi-même espérons un jour être en mesure d’associer à des symptômes précis des profils biologiques spécifiques.

Cela pourrait alors permettre de mieux personnaliser les traitements pour les rendre plus efficaces, et ainsi améliorer le quotidien des millions de personnes qui vivent avec un TOC partout dans le monde.The Conversation

Carol Mathews est financée par les National Institutes of Health. Elle est membre des conseils consultatifs scientifiques de la Family Foundation for OCD Research et de l'International OCD Foundation, et consultante pour l'Office of Mental Health de l'État de New York.