Israël-Gaza : des associations israéliennes militant pour la paix offrent une lueur d’espoir
Le chercheur Yuval Katz s’est récemment rendu en Israël auprès d’activistes israéliens œuvrant pour la paix.

Alors que la guerre à Gaza bat son plein, qu’elle a fait plus de 50 000 morts palestiniens, que la population gazaouie subit un risque critique de famine après deux mois de blocage de l’aide humanitaire, que les familles des otages israéliens réclament une trêve, Benyamin Nétanyahou annonce un plan de conquête intensive et de déplacement de la population. L’enseignant-chercheur Yuval Katz (Université de Loughborough, Royaume-Uni) s’est récemment rendu en Israël dans le cadre de ses recherches. Il est allé à la rencontre du mouvement Standing Together, une association qui œuvre sur le terrain pour la paix.
Un footing : c’est la première chose que j’ai faite à mon retour en Israël. Après plus de deux ans passés à l’étranger, c’est un excellent moyen de me familiariser de nouveau avec le pays que j’ai quitté pour poursuivre ma carrière universitaire il y a plus de huit ans.
Bien entendu, je savais que plus rien ne serait pareil. Le 7 octobre 2023, des combattants du Hamas ont attaqué une zone frontalière de la bande de Gaza, tuant plus de 1 000 Israéliens et capturant plus de 200 otages. Ce fut le pire massacre de Juifs depuis l’Holocauste et un coup terrible porté à l’idée fondatrice de l’État d’Israël, créé pour servir de refuge au peuple juif persécuté depuis des millénaires.
Au cours des 18 mois suivants, je suis devenu de plus en plus critique à l’égard de la voie empruntée par Israël, celle de la vengeance, qui s’est soldée à ce jour par la mort de plus de 50 000 Palestiniens dans des frappes aériennes et des opérations terrestres.
Aujourd’hui, alors que de nombreux responsables gouvernementaux déclarent ouvertement qu’il n’y a « pas d’innocents à Gaza », des plans sont en cours d’élaboration pour vider Gaza de ses habitants palestiniens et d’encourager ces derniers à une « émigration volontaire_ ». Le gouvernement Nétanyahou est accusé de génocide – une accusation qui fait actuellement l’objet d’une enquête de la Cour internationale de justice.
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Pendant ce temps, les citoyens israéliens sont frustrés et épuisés. Leur sécurité n’est pas améliorée, et 58 otages sont toujours retenus à Gaza, dont 24 seulement seraient encore en vie. Ceux qui sont revenus vivants de leur captivité rapportent que les opérations militaires les tuent plutôt qu’elles ne les sauvent – beaucoup d’entre eux demandent au gouvernement israélien d’arrêter instamment la guerre.
Pendant mon jogging, j’ai été impressionné par l’ampleur de la campagne déployée en faveur de la libération des otages. Les visages des otages et leurs biographies sont omniprésents dans l’espace public : sur les affiches placardées aux murs et aux clôtures, sur les drapeaux, les autocollants de pare-chocs et les slogans peints en graffitis le long des autoroutes.
On ne peut pas échapper à la présence (ou à l’absence, devrais-je dire) des otages. En traversant le pays en voiture, j’entendais à la radio les animateurs mentionner, toutes les heures, le nom des otages des tunnels de Gaza. De peur qu’on les oublie.
Pourtant, l’envie folle de les libérer s’accompagne d’une impuissance accablante. Le gouvernement de Benyamin Nétanyahou – dont la faillite en matière de renseignement est pour beaucoup dans le 7-Octobre et dans cette guerre sans fin – est encore au pouvoir et de nombreuses personnes sentent qu’elles ne peuvent pas y faire grand-chose.
En quête d’espoir, je me suis tourné vers une organisation qui cherche à incarner une option alternative au cercle vicieux sans fin de la guerre.
Mon travail universitaire porte sur la manière dont les médias – qu’il s’agisse d’émissions de télévision populaires, d’activisme numérique ou de journalisme grand public – créent des espaces où Palestiniens et Juifs se rencontrent. Des endroits où ils peuvent aborder leurs traumatismes ensemble, de manière créative, grâce à l’art et à la narration, afin d’offrir de nouvelles possibilités pour une vie digne d’être vécue entre le Jourdain et la mer Méditerranée.
J’avais terminé la collecte des données en vue de l’écriture de mon livre avant le 7-Octobre. À mon retour, j’ai ressenti l’urgence de découvrir si la paix était encore possible au milieu de ce désespoir insoutenable.
Standing Together
Le mouvement Standing Together a été fondé en 2015 à la suite d’une série d’incidents violents. Constatant l’incapacité de la gauche israélienne et des associations de défense des droits humains à protéger les Palestiniens citoyens d’Israël face à un racisme croissant, quelques dizaines d’activistes avaient alors décidé d’organiser une manifestation rassemblant Palestiniens et Juifs, et créé une page Facebook pour les inviter à s’y joindre.
Depuis, le mouvement s’est considérablement développé : d’un groupe d’environ 20 militants, il est passé aujourd’hui à plus de 6 000 membres enregistrés, opérant dans 14 centres locaux à travers le pays, devenu est l’un des principaux organisateurs d’activités politiques sur les campus israéliens.
J’ai visité son siège à Tel-Aviv – le mouvement disposait initialement de quelques pièces et est aujourd’hui installé dans un étage entier d’un immeuble de bureaux, avec un personnel rémunéré qui gère ses données, son contenu médiatique, ses finances et ses relations avec les étudiants.
J’ai mené plusieurs entretiens avec les responsables de Standing Together, qui m’ont appris que les adhésions et les dons avaient augmenté de façon exponentielle depuis le début de la guerre. Ils m’ont également confié que de nombreux Palestiniens et Israéliens cherchaient à participer à des structures politiques déterminées à promouvoir la paix, l’égalité et la solidarité.
Les actions de Standing Together comprennent la mise en place de stands d’information qui collectent également de l’aide humanitaire pour Gaza et l’envoient de l’autre côté de la frontière, et la projection de films reflétant la dure réalité du confit israélo-palestinien tout en offrant une alternative à la violence perpétuelle.
No Other Land a remporté cette année le prix du meilleur documentaire aux Oscars. Ce film, qui décrit la dépossession de la communauté palestinienne de Masafer Yatta en Cisjordanie, a été interdit de diffusion commerciale en Israël, mais les réalisateurs et les militants pour la paix, pour qui changer la réalité politique à Masafer Yatta est plus important que tout, l’ont rendu visionnable gratuitement pour que tous les Israéliens puissent le voir.
Il a aussi été projeté lors du Memorial Day Service, une cérémonie commémorative organisée depuis des années permettant aux familles endeuillées des deux côtés de se rencontrer et d’appeler à un changement politique tel que plus aucune personne ne rejoigne cette communauté en souffrance.
Les personnes qui ont assisté à la projection d’une de ces cérémonies dans une synagogue dans la ville de Ra’anana à la fin du mois d’avril ont été attaquées par des militants d’extrême droite. Les représentants du gouvernement n’ont pas réagi et n’ont pas condamné ces actes.
Alors que les ténèbres menacent de consumer les peuples d’Israël et de Palestine sans se soucier de la vie humaine, des mouvements comme Standing Together répandent la lumière et apportent l’espoir.
Yuval Katz ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.