Le Creaverse d’Agnès Cavard, BETC : « La deadline réveille notre instinct de survie »
Bienvenue dans le Creaverse, la rubrique qui explore l’univers créatif des esprits derrière les – meilleures – campagnes publicitaires, mais pas que. À chaque épisode, nous plongeons dans les sources d’inspiration, les méthodes et les idées parfois insolites qui alimentent les … Continuer la lecture → The post Le Creaverse d’Agnès Cavard, BETC : « La deadline réveille notre instinct de survie » first appeared on La Réclame.


Bienvenue dans le Creaverse, la rubrique qui explore l’univers créatif des esprits derrière les – meilleures – campagnes publicitaires, mais pas que. À chaque épisode, nous plongeons dans les sources d’inspiration, les méthodes et les idées parfois insolites qui alimentent les créatifs et créatives d’un secteur en perpétuelle évolution.
Pour ce nouvel épisode, immersion dans le cosmos d’Agnès Cavard, directrice artistique chez BETC, à l’origine des univers sensibles de Lacoste, Evian ou encore LEGO. C’est à elle que l’on doit la direction artistique minimaliste – mais « super forte » – de la campagne Lacoste, sacrée à l’unanimité par le jury du 50e Grand Prix de la Communication Extérieure. Une campagne jugée digne d’un musée, qui a littéralement « pris tout le monde de plein fouet ».
Entre intuition guidée, rigueur invisible et amour du « vrai », Agnès Cavard dévoile une méthode libre, sensorielle et exigeante, nourrie de la rue, d’imprimerie, d’images dénichées au hasard, et de chaises chinées sur lesquelles vous êtes priés de ne pas vous asseoir.
Vos campagnes pour Evian ou Lacoste donnent l’impression d’une fluidité créative, presque instinctive. Derrière cette apparente évidence, quelle est votre manière de faire émerger une idée ? Plutôt fulgurance ou processus structuré ?
Agnès Cavard : J’aimerais dire « fulgurance » mais je vais répondre plutôt « processus non structuré ». Je mélange tout : les mots des clients non filtrés de préférence et si possible à la virgule près, l’idée que je me fais d’une marque, de ce que je connais d’elle, de ce que je découvre au détour du brief, de ce que je vois dans la rue, dans la vie loin des réunions et des powerpoints, la sensibilité d’un photographe qui me touche et que je trouve juste, l’idée qu’une idée doit être pertinente au temps T, mais doit aussi pouvoir durer et raconter quelque chose de vrai sur une marque longtemps, dire quelque chose qu’on a jamais dit, dire autrement, surprendre, donner quelque chose de beau à voir, à ressentir.
Rester léger autant que faire se peut, essentiel le plus possible, simple et généreux. Ne pas prendre du temps aux gens si ce n’est pour rien leur donner.
Lorsque j’ai fini une campagne, je clean le bureau : j’ouvre un dossier « Vrac » et je mets tout dedans.
Ce qui rend les idées fluides et l’émotion possible, c’est aussi une réalisation la plus vraie possible. Le dresseur a quitté le set, la balle rouge a été enlevée, la lampe éteinte, le photographe – Grégoire Alexandre – a pris l’image. Rien n’a plus bougé ou presque après.
C’est un matin de juin, les bureaux sont vides, les fenêtres grandes ouvertes sur un air d’été, mais votre esprit reste embourbé dans ce projet stratégique pour une marque premium. Tout semble trop tiède, trop attendu. Qu’est-ce qui vous aide à faire surgir l’idée juste, celle qui remet tout en mouvement ?
A.C. : Avec Valérie Chidlovsky, conceptrice-rédactrice tellement brillante, avec qui j’ai eu la chance de travailler et avec qui j’ai réalisé beaucoup de campagnes, dont toutes les campagnes Evian, on avait pour habitude après un brief de se dire : « Bon, qu’est-ce qu’on aimerait bien voir et qu’on n’a jamais vu ? ». J’ai gardé de toutes ces années, où nous avons aussi bien rigolé, cette question et surtout cette envie.
Je ne sais pas quand je trouve, mais j’ai toujours une petite idée de ce que je cherche. Il faut déjà que ça me plaise et que j’ai envie d’y passer les 9 prochains mois avant d’imaginer que ça puisse plaire à d’autres. On trouve rarement à l’endroit où l’on cherche… bureau compris. La deadline réveille toujours notre instinct de survie.
Dernièrement, quel objet visuel, son ou scène du quotidien a réveillé votre œil de directrice artistique ?
A.C. :
Et à l’inverse, une image, une idée ou un détail qui vous a déroutée ou laissée perplexe ?
A.C. : Ce qui me rend perplexe ? Pas mal de choses. Je passe.
Budgets serrés, temps de production raccourcis, frein ou accélérateur de créativité ?
A.C. : On s’adapte à tout heureusement et parfois malheureusement. On sait tous et ce n’est pas non plus très compliqué à comprendre quand même, qu’il faut du temps, des moyens et du talent pour bien faire les choses.
La fulgurance d’une idée, c’est autre chose, la réaliser à moindres frais, c’est intéressant si ça fait partie de son process créatif. Sinon, dépenser un peu, mais pas assez, c’est toujours trop dépenser.
Musées, comptes YouTube ou Instagram, podcasts, fenêtre sur cour… Quelles sont vos inspirations quotidiennes ?
A.C. : Un peu de tout ça mélangé à des litres de café.
Pour LEGO, j’ai fait un dossier Pinterest totalement compulsif sur tout ce que m’inspirait la marque. Je l’ai imprimé pour avoir tout en même temps sous les yeux.
J’aime découvrir des films dont on ne parle plus, lire des livres par hasard, être décalée de toute temporalité culturelle et de rencontrer les choses, les œuvres quand c’est mon moment. Les rencontres sont plus justes pour moi et me semblent plus vraies. Je fais des photos de ce qui m’amuse, j’écris des notes dans mon téléphone que je ne relis pas vraiment.
C’est bien de regarder en l’air, mais c’est aussi bien de regarder par terre.
La rue est évidemment un théâtre formidable. Les gens qui s’assemblent et se ressemblent me touchent particulièrement. Ça marche aussi dans l’agence.
C’est bien de rencontrer les gens qui nous inspirent.
J’ai découvert les toiles de Kerry James Marshall à la Bourse de Commerce. Une claque.
J’ai découvert Martha Argerich par hasard et je ne sais plus comment. Nous avons des outils formidables tout autour de nous, même dans nos poches, c’est bien.
Pouvez-vous nous envoyer une photo d’un lieu qui vous inspire ?
A.C. : Les lieux qui m’inspirent sont les lieux où je respire. Privacy.
Nous sommes saturés de stimuli visuels et autres messages quotidiens, mais est-ce qu’une chose a réussi à s’extraire de la masse et faire vibrer votre cœur ?
A.C. : J’ai envie de vous parler de ce moment particulier du BAT – bon à tirer – d’une affiche. Je conseille à tous les directrices – directeurs artistiques d’aller rencontrer et de travailler avec ces personnes si formidables que sont les imprimeurs et plus particulièrement les conducteurs de machine. Dans une imprimerie, ça sent bon, ça sent bon le travail bien fait.
En interprétant, le cromalin, lui-même issu d’un travail méticuleux, pour que soit restitué au point près le visuel shooté et choisi par le photographe, partagé par l’agence et acheté par les clients, les conducteurs sont les dernières personnes à apporter leur savoir-faire si précieux au regard du nombre d’heures passées par chacun et de la seule chose finalement qui va être vue par tous.
Quel a été votre premier prompt ? Et le dernier ?
A.C. : Le premier et le dernier sont intimement liés, car je n’ai pas encore commencé.
Y a-t-il un.e réalisateur.rice dont vous admirez la capacité à traduire une idée en émotion visuelle, et avec qui vous rêveriez de collaborer ?
A.C. : Je n’ai pas trop de rêves, je rencontre les gens ou pas. Récemment, j’aurais bien aimé rencontrer Spike Lee.
Point de croix, collection de dés à coudre, voix de baryton ou de soprano : avez-vous un talent caché ou passe-temps honteux ?
A.C. : Je peux siffler sans les doigts assez fort. Je m’en suis servi quelquefois autour de terrains de sport ou bien sur des tournages pour dire qui j’étais ou qui je n’étais pas
Lire plus