Et McDonald’s ressuscita les jouets « pour adultes » avec un menu pixélisé

En surfant sur le succès du jeu vidéo « Minecraft » et de la sortie du film du même nom, McDonald’s propose en mars 2025 un menu Minecraft. Décryptage de la stratégie de la chaine de restauration rapide.

Avr 7, 2025 - 12:43
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Et McDonald’s ressuscita les jouets « pour adultes » avec un menu pixélisé
Un logo pixélisé, un jouet en plastique... Avec _Minecraft_, McDonald’s joue la carte de la nostagie. McDonald’s tous droits réservés

Avec ces 170 millions de joueurs dans le monde, Minecraft ne pouvait qu’intéresser les marques. Ainsi, McDonald’s propose désormais un menu Minecraft. Décryptage de la stratégie de la chaîne de restauration rapide : quels sont les enjeux du retour des jouets en plastique chez McDo ?


À l’occasion de la sortie du film Minecraft, McDonald’s lance un menu avec jouets… pour adultes. De dimension internationale, cette opération de marketing concerne une centaine de pays. Elle s’inspire de la nostalgie du Happy Meal d’antan, tout en contournant, s’agissant de la France, l’interdiction des jouets en plastique…

Depuis le 25 mars 2025, les amateurs de pop culture et de souvenirs d’enfance peuvent retrouver chez McDonald’s France un menu d’un genre particulier : le menu Minecraft, inspiré de l’univers pixelisé du célèbre jeu vidéo et lancé à l’occasion de la sortie de Minecraft, le film, en salles le 2 avril 2025. Il est possible pour les amateurs du fast-food de commander les traditionnels menus Best Of ou Maxi Best Of, assortis d’une sauce inédite baptisée « Nether Flame » (du nom de la dimension infernale dans le jeu, ndlr) et, surtout, d’un jouet en plastique.

Un menu collector et régressif, lancé à un moment stratégique

Revisitées dans le design graphique de Minecraft, six figurines à collectionner sont proposées à l’effigie des mascottes historiques de McDonald’s (Grimace, Birdie, le Hamburglar) et des plats emblématiques, comme le Big Mac renommé Big Mac Crystal. Chaque figurine est accompagnée d’une carte collector et d’un code à scanner qui débloque un « Skin » spécial dans le jeu. Longtemps réservé aux enfants, le jouet fait donc ici son grand retour… mais dans une version pensée pour les adultes.

En parallèle, à partir du 2 avril 2025, le menu enfant a également adopté l’univers de Minecraft, tout en respectant la réglementation française : les jouets proposés sont en carton, et non en plastique.

Ce lancement intervient à un moment clé dans l’actualité de la licence Minecraft. Lors du Minecraft Live de mars 2025, ont été annoncées plusieurs évolutions majeures parmi lesquelles une refonte graphique ambitieuse (Vibrant Visuals), de nouvelles créatures et un événement in-game spécial pour célébrer la sortie du film.

En se greffant à cette actualité, McDonald’s ne se contente pas de surfer sur une tendance : il se positionne au cœur d’un écosystème culturel captant à la fois l’attention des fans du jeu comptant plus de 170 millions de joueurs mensuels dans le monde et celle des nostalgiques du Happy Meal.

La nostalgie comme ressort émotionnel et commercial

Ce « menu pour adultes » n’arrive pas sans signaux précurseurs. Le 20 février 2025, McDonald’s France lançait un message sur les réseaux sociaux Instagram et Facebook : « Je suis le seul à rêver d’un Happy Meal pour adulte ? »

Le ton était donné et le teasing lancé. Ce post a largement mis en émoi la communauté de fans de la marque demandant le retour des jouets de leur enfance.

Sur le compte Instagram, on pouvait notamment lire les commentaires suivants :

« Un Happy Meal, mais avec les vieux jouets qu’on avait avant, c’était génial », « Si McDo fait un Happy Meal adulte avec un jouet ou un livre, je prends ! »

ou bien encore :

« Faire un Happy Meal pour les adultes qui sont nés dans les années 1990 avec les jouets qui allaient avec ! »

Le 10 mars 2025, un nouveau post constitué d’une photographie d’un ancien jouet Tokio Hotel, accompagnée du message « Il y a 15 ans dans mon Happy Meal… » ravivait plus encore la flamme.

Tout cela participe d’une stratégie maîtrisée de marketing de la nostalgie, qui transforme les souvenirs en expérience de marque. En effet, pour toute une génération ayant grandi dans les années 1990 et 2000, les jouets Happy Meal faisaient partie intégrante de l’expérience McDo : figurines Disney, mini tamagotchis, gadgets loufoques… Autant de souvenirs qui, aujourd’hui, constituent des vecteurs émotionnels puissants.

Ce n’est d’ailleurs pas la première incursion de McDonald’s dans cette logique. En 2022, aux États-Unis, l’enseigne avait lancé un « Happy Meal pour adultes » avec la marque Cactus Plant Flea Market. En 2024, en Espagne, une édition spéciale proposait des figurines inspirées de la série Friends. La même année, un menu Squid Game était proposé en Australie.

Zone grise réglementaire

En France, ce retour du jouet revêt une dimension particulière. L’article 81 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire impose, depuis le 1er janvier 2022, la fin de « la mise à disposition, à titre gratuit, de jouets en plastique dans le cadre de menus destinés aux enfants ». En ciblant – sur le territoire français – les seuls adultes, McDonald’s joue habilement sur une zone grise réglementaire, tout en assumant une stratégie générationnelle.


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L’opération fonctionne comme une passerelle entre deux territoires de nostalgie : celui de McDonald’s lui-même, marque intergénérationnelle aux codes affectifs puissants, et celui de Minecraft, jeu culte qui parle autant aux enfants d’hier qu’aux gamers d’aujourd’hui. En conciliant ces deux univers, l’enseigne réussit à capter l’attention d’un large public.

Le succès du menu Minecraft ne se fait pas attendre. Sur les réseaux sociaux, les réactions enthousiastes affluent, mêlant incrédulité « Genre c’est un vrai jouet, genre un truc en plastique ? ? ? » et enthousiasme nostalgique « Comment ça fait plaisir d’avoir des jouets physiques ! Continuez à faire des Happy Meal pour adultes s’il vous plait ». En réactivant le plaisir régressif, McDonald’s touche une corde sensible : celle d’une nostalgie réconfortante, bienvenue dans un monde traversé par l’anxiété, les incertitudes et les tensions. Dans un quotidien souvent pesant, ces petits rappels de l’enfance offrent un refuge émotionnel, léger mais puissant.

YouTube, Fiouze, 2025.

Un retour en enfance… qui interroge nos contradictions de consommateurs

Cette opération marketing n’est pas exempte d’ambiguïtés. En réintroduisant des jouets en plastique, certes pour adultes, la marque ouvre un débat que l’on pensait clos : celui de la pertinence d’objets à usage court dans un contexte de transition écologique. Bien sûr, les adultes font le choix d’acheter ces figurines (elles peuvent être acquises indépendamment du menu au tarif de 3 euros), souvent pour les collectionner. Mais une question se pose : le jouet en plastique est-il plus acceptable lorsqu’il est assumé et destiné à un public majeur ?

Dans l’esprit des nostalgiques du jouet plastique, les jouets en carton présents désormais dans les menus destinés aux enfants sont un objet de débats. En lien avec l’écho nostalgique ressenti suite à la diffusion par McDonalds France du visuel d’une enceinte musicale Tokio Hotel dont plusieurs nostalgiques disaient qu’ils l’avaient conservée et qu’elle fonctionnait toujours, on pouvait notamment lire :

« Si vous voulez faire un vrai geste écologique, supprimez carrément les jouets en carton et les livres. Ils finissent tous à la poubelle contrairement aux jouets plastiques gardés des années. Ok pour l’écologie mais intelligente ! »,

ou encore :

« La France entière réclame le retour des vrais jouets. Les cadeaux actuels finissent à la poubelle pour encore plus de déchets finalement… »

À travers ces réactions se dessine une critique implicite : en voulant supprimer le plastique à tout prix, on aurait favorisé une surconsommation d’objets perçus comme bas de gamme et moins durables, créant in fine… plus de déchets.

En attendant le retour de Diddl

Au-delà de la tension écologique, on observe un glissement dans notre culture de consommation. L’enfance devient un territoire commercial réinvesti, non plus pour les enfants eux-mêmes, mais pour les adultes qui cherchent à revivre ce qui les faisait rêver. Le phénomène dépasse largement le cas McDonald’s : le retour du chocolat Merveilles du Monde ou encore l’attachement persistant des adultes à des univers comme Hello Kitty, les Bisounours ou les Polly Pocket en témoignent.

Ces icônes de l’enfance n’ont jamais vraiment disparu, mais elles font aujourd’hui l’objet d’un véritable marché générationnel, assumé, cultivé et souvent nostalgique. Le retour de Diddl en 2025, très attendu par les trentenaires et quadragénaires, illustre également cette dynamique. À l’heure où la consommation est de plus en plus expérientielle voire émotionnelle, la nostalgie reste l’un des leviers les plus puissants du marketing. S’agissant de McDonald’s, il semble s’agir de la parfaite recette pour retrouver la frite !The Conversation

Sophie Renault ne travaille pas, ne conseille pas, ne possède pas de parts, ne reçoit pas de fonds d'une organisation qui pourrait tirer profit de cet article, et n'a déclaré aucune autre affiliation que son organisme de recherche.