« Der Freischütz » au TCE… et autres promesses du lyrique

L’opéra de Carl Maria von Weber était donné au Théâtre des Champs-Elysées, ce 30 avril. Un véritable « must », mais, une distribution malheureusement inégale, observe notre chroniqueur... L’article « Der Freischütz » au TCE… et autres promesses du lyrique est apparu en premier sur Causeur.

Mai 6, 2025 - 21:26
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« Der Freischütz » au TCE… et autres promesses du lyrique

L’opéra de Carl Maria von Weber était donné au Théâtre des Champs-Elysées, ce 30 avril. Un véritable « must », mais une distribution malheureusement inégale, rapporte notre chroniqueur.


Pour situer, Fidelio, l’unique et génial opéra de Beethoven, a été composé en 1804. Puis achevé dix ans plus tard dans sa version définitive. Der Freischutz – littéralement « Le franc-tireur », de Weber, autre chef d’œuvre lyrique fondateur du premier romantisme allemand, est quant à lui créé à Berlin en 1821. Sur un livret signé d’un poète alors fort renommé, Johann Friedrich Kind, à partir d’un vieux conte populaire germanique, les trois actes de cette fantasmagorie édifiante, dans la tradition du Singspiel, combinent balles magiques qui ne ratent jamais leur cible, pacte diabolique, fiancée sacrificielle protégée par le ciel, voix de la providence, rémission, exaucement par l’amour… L’opéra triomphe immédiatement dans l’Europe entière, et jusqu’à Paris où il est donné, en 1824, en français, sous le titre prometteur de… Robin-des-Bois.

Antonello Manacorda : gestique impeccable

Ce pur joyau mélodique traversé de chœurs sublimes et d’arias à fendre l’âme, ne perd rien, comme souvent, à se voir donné en version de concert, comme le Théâtre des Champs-Elysées s’en fait une spécialité – bientôt ce sera Mithridate, magnifique opera seria d’un Wolfgang encore adolescent. Concert unique, cette fois sous la direction de Christophe Rousset, à la tête de l’orchestre Les Talents lyriques, avec le ténor russe Sergey Romanovsky dans le rôle-titre.

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Pour en revenir à Der Freischutz, il convient de saluer comme il se doit la gestique suprêmement élégante, à la fois nette, implacable, suggestive, du chef turinois (et ancien premier violon) Antonello Manacorda, lequel dirige depuis dix ans cette fabuleuse Kammerakademie Postdam (qu’accompagne le RIAS Kammerchor, très ancienne institution berlinoise de haute tenue). Le maestro doit « rendre son tablier » en fin de saison 2025… On aura le bonheur néanmoins de le retrouver au pupitre de cette même salle, en septembre prochain, pour Le Sacre du printemps, chorégraphié par Pina Bausch. Puis en novembre pour un concert à l’enseigne de Berlioz et de Beethoven.  

Inégal

Un mot, pour finir, sur la distribution inégale, avouons-le, de cet incomparable must weberien : tout comme on avait déploré le manque de coffre de Charles Castronovo récemment sur la scène de l’Opéra-Bastille dans le rôle-titre de Don Carlos, de même ici le ténor américain de 49 ans a tendance à « barytonner » dans un emploi qui exigerait parfaite clarté dans le phrasé, et puissance de projection dans les aigus. Faiblesse passagère ? L’Opéra de Paris l’accueillera de nouveau en septembre prochain, pour la reprise de La Bohême (rôle puccinien repris ensuite par Joshua Guerrero jusqu’à la dernière représentation, le 14 octobre).

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On regrettera également qu’en lieu et place des récitatifs (en allemand, comme il se devrait), parti ait été pris de confier les « textes de Samiel » (le démon) – à une comédienne, Johanna Wokalek, laquelle de surcroît ne cesse pas de buter sur sa lecture…  Par contraste, si l’on peut dire, le cast vocal n’appelle ici que les plus vibrants éloges : tant Kaspar, chanté par le baryton basse Kyle Ketelsen, que Kilian, par Milan Siljanov, ou Ottokar, par le baryton hongrois Levente Pall. Ou encore le Coréen Jongmin Park, voix de basse appropriée à Kunot et à l’Ermite ! La palme revenant aux voix féminines :  Nikola Hillebrand magnifie le rôle de Annchen ; mais surtout, sa consoeur sud-africaine Golda Schultz campe une Agathe d’anthologie. Ainsi la généreuse soprano change-t-elle en or la sublime cavatine par quoi s’ouvre le troisième acte : « Und ab die Wolke sie verhülle, / Die Sonne bleibt am Himmerlszelt ; / Es Walter dort ein heil’ger Wille/ Nicht blinderm Zufall dient die Welt ! ». Traduction : « Et même lorsque les nuages le cachent, le soleil demeure dans le ciel. Une volonté sainte régit le monde ; il n’est pas esclave d’un hasard aveugle ». Foi de mélomane !


Der Freischutz, opéra de Carl Maria von Weber.
Donné en version de concert au Théâtre des Champs-Elysées le 30 avril.

Prochain opéra en version concert au TCE : Mithridate, de Mozart, dimanche 25 mai, à 17h. Durée : 3h30

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