Trouble allégeance
En pleine crise entre la France et l’Algérie, ils sont nombreux, en France, à prendre le parti d’Alger. « Influenceurs », imams, élus, militants… forment une cinquième colonne idéologique dont la nouvelle figure de proue est Rima Hassan. Mais s’il y a des influenceurs, il y a des influencés qui se recrutent d’abord parmi les Franco-Algériens. Reste à savoir combien... L’article Trouble allégeance est apparu en premier sur Causeur.

En pleine crise entre la France et l’Algérie, ils sont nombreux, en France, à prendre le parti d’Alger. « Influenceurs », imams, élus, militants… forment une cinquième colonne idéologique dont la nouvelle figure de proue est Rima Hassan. Mais s’il y a des influenceurs, il y a des influencés qui se recrutent d’abord parmi les Franco-Algériens. Reste à savoir combien.
Rima Hassan restera dans l’Histoire. Comme l’un des 24 parlementaires européens – et des quatre Français – à avoir voté contre la résolution exigeant la libération immédiate de Boualem Sansal, ce qui revient à proclamer que les Algériens ont le droit, et même bien raison, d’embastiller un écrivain français. On a abondamment et légitimement commenté l’abjection humaine de ce vote, beaucoup moins le fait qu’il constitue une spectaculaire proclamation d’allégeance au régime d’Alger, alors que la France est en crise ouverte avec l’Algérie.
Rima Hassan a de la chance d’être une citoyenne française (la réciproque est moins vraie). Elle a le droit de défendre les intérêts de l’Algérie contre ceux de son pays. Arrogance, fanatisme et sottise en moins, c’est pour avoir, comme elle le fait aujourd’hui, pris le parti d’un pays étranger, le Maroc, contre le sien, que Boualem Sansal est incarcéré (et aussi comme otage pour emmerder les Français). Dans un pays libre, le patriotisme n’est pas une obligation. Même si nous étions en guerre avec l’Algérie, Madame Hassan pourrait déclarer « je souhaite la victoire de l’Algérie ». En Algérie, elle n’essaierait même pas.
Bien sûr, nous ne sommes pas en guerre. Les services français ont tenu à faire savoir que, derrière l’agitation politique et diplomatique, les affaires sérieuses continuent, particulièrement la coopération antiterroriste : ils ont donné une publicité inhabituelle au déplacement du patron de la DGSE. Côté français, on n’en finit pas de promettre qu’on va voir ce qu’on va voir, mais à part des protestations énergiques – et semble-t-il, quelques tracasseries à Roissy, c’est le minimum syndical – on n’a pas vu grand-chose. Avec les Algériens, on devrait peut-être essayer la méthode Trump. Mais je m’égare.
Une cinquième colonne idéologique dont Rima Hassan est le porte-étendard ?
Les Français ont récemment découvert une bande d’abrutis de compétition qui vocifèrent sur les réseaux sociaux, dégurgitant une bouillie de mensonges historiques, de ressentiment et de menaces explicites à l’égard de la France où ils appellent à commettre divers crimes – ce qui a permis d’en arrêter plusieurs qui seront jugés. Ces « influenceurs » sont en quelque sorte la piétaille numérique d’une cinquième colonne idéologique dont Rima Hassan est le porte-étendard. D’autres grenouillent dans l’entourage de la Mosquée de Paris, courroie de transmission essentielle du pouvoir algérien en France (voir l’article de Jean-Baptiste Roques dans notre dossier). Sans compter les multiples professionnels de la combine capables de monnayer là-bas un pouvoir, réel ou imaginaire, sur le cours des choses ici. Peu importe qu’ils soient stipendiés ou se contentent de la gloire d’être « un soldat dormant de l’Algérie » comme un certain Onizatrek. Comme tous les pays d’origine de doubles-nationaux, l’Algérie prétend exercer une surveillance idéologique de sa diaspora, particulièrement de ses opposants. Cependant, il n’est pas prouvé qu’elle tire les ficelles des « influenceurs ».
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Précisons pour les partisans du premier degré qu’il n’y a pas en France de groupes organisés et téléguidés qui s’apprêtent à prendre les armes le jour J, d’ailleurs il n’y a pas de jour J. Le succès de ces primates tiktokeurs ne signifie pas que des milliers de nos compatriotes soient prêts à commettre des viols et tueries de masse en France, même si on ne peut plus exclure un fanatique plus zélé que les autres.
N’empêche, s’il y a des influenceurs, il y a des influencés : tous ces Français qui prennent pour parole d’évangile les imprécations de Rima Hassan et Imad Tintin (également appelé « Bledar de luxe »). À quoi s’ajoutent les ravages de décennies de câlinage victimaire : à force d’entendre du matin au soir qu’ils étaient maltraités par une France raciste, colonialiste et esclavagiste, des Français de troisième génération nés cinquante ans après les accords d’Évian se targuent obsessionnellement de niquer le pays d’accueil de leurs grands-parents, tandis qu’une partie heureusement minoritaire de la jeunesse des quartiers (qu’on désigne pudiquement par « les jeunes ») se sent autorisée à casser du flic ou brûler les médiathèques (qu’elle fréquente moins que les magasins Nike).
Dans « les quartiers », « Français » est une insulte
C’est, logiquement, parmi les Franco-Algériens que recrutent les relais de l’islamo-nationalisme algérien. Reste à savoir dans quelle proportion. La question, qui taraude pas mal de Français, semble particulièrement sensible à l’intérieur de nos services de sécurité. Place Beauvau, la consigne, c’est silence radio. Et preuve qu’il y a un enjeu de taille, la consigne est suivie, aucun de nos auteurs n’ayant réussi à faire parler ses contacts habituels. Faute d’études et même de sondages indiquant l’état d’esprit de cette population spécifique, on ne peut que s’appuyer sur des témoignages et impressions. Qui aboutissent nécessairement à un tableau impressionniste. Ce n’est pas parce qu’une réalité échappe à la mesure statistique qu’elle n’existe pas.
Il serait injuste et désastreux de faire porter le soupçon sur l’ensemble des Franco-Algériens dont la majorité (on le suppose et on l’espère) aspirent seulement à être des Français comme les autres, même s’ils passent leurs vacances au bled (comme nombre de juifs). Beaucoup, et pas seulement les Kabyles, sont horrifiés par la vindicte antifrançaise du régime, autant que par le comportement de certains de leurs compatriotes. La pression du groupe est telle que peu osent afficher leurs convictions, de peur d’apparaître comme des traîtres à l’Algérie et à l’islam (voir les articles de Driss Ghali et Charles Rojzman dans notre dossier). Dans « les quartiers », « Français » est une insulte.
Que les Français d’origine algérienne aiment le pays de leurs parents est parfaitement légitime. L’ennui, c’est que dans la bulle cognitive (un bien grand mot) où vivent nombre d’entre eux, la France a commis un génocide en Algérie, les Français sont racistes, et les « sionistes » dirigent le monde. On en conviendra, pour le vivre-ensemble, ce n’est pas idéal.
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