Résister à l'extrême droitisation du débat public (tract)

Un tract pour les marches du 22 mars. - Racisme, antisémitisme, xénophobie, homophobie

Mar 21, 2025 - 11:53
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Résister à l'extrême droitisation du débat public (tract)

Un tract d'Acrimed pour les marches « contre le racisme et le fascisme » (22 mars). Disponible en pdf ici.

Mise en avant de Bruno Retailleau, banalisation du RN, « polémiques » incessantes sur le voile, discours anti-immigration, cabale contre l'humoriste Merwane Benlazar… Sécurité, islam, immigration, autorité : les obsessions de l'extrême droite et de la droite réactionnaire saturent l'agenda des grands médias.

De CNews à (feu) la chaîne C8 en passant par le JDD et le JDNews, Europe 1, Sud Radio, Valeurs actuelles ou Frontières, le pôle réactionnaire se consolide avec l'appui du capital – Vincent Bolloré en tête, puissant promoteur de « l'union des droites » – et influence d'autant plus facilement le reste du paysage médiatique que le barrage à l'extrême droite y est en carton-pâte.

La construction de « la peur de l'islam » est notamment loin d'être une nouveauté, à laquelle contribuent, depuis 2020, les cabales incessantes de la sphère politico-journalistique contre « l'islamo-gauchisme ». De logiques structurelles en routines professionnelles ordinaires, nombreux sont en effet les mécanismes qui, au sein des médias dit « respectables », contribuent depuis au moins quatre décennies à la banalisation de l'extrême droite, à la légitimation de mots d'ordre sécuritaires et identitaires… et de leurs représentants politiques. Éric Zemmour en aura largement profité, dont la candidature à l'élection présidentielle de 2022 a polarisé l'agenda journalistique. Le racisme ? Un formidable outil de carrière au sein des grands médias.

Orwellisation du débat

Face à la déprogrammation de C8, les estafiers de Bolloré s'érigent en « défenseurs de la liberté d'expression » et hurlent à la censure alors qu'Hanouna continue d'être diffusé sur les box et que l'extrême droite dispose d'autres fréquences audiovisuelles. La passivité de l'Arcom et des pouvoirs publics face à ce type d'outrances démontre la fragilité des « garde-fous » censés encadrer le débat public. Quand il ne s'agit pas, plus simplement, de complicité : loin d'opérer le moindre « cordon sanitaire » avec les médias Bolloré, les ministres d'Emmanuel Macron ont donné des interviews au JDD chaque semaine entre septembre et mars 2025, tout en figurant fièrement sur plus de la moitié des Unes de l'hebdomadaire à la même période.

Nous assistons donc ni plus ni moins qu'à la radicalisation (à droite toute) du champ politique et de la plupart des chefferies médiatiques ; à l'alignement croissant du « cercle de la raison » sur le pôle le plus réactionnaire de la vie publique, avec lequel il communie dans une fuite en avant autoritaire.

Entamé de longue date, ce processus se durcit et s'accompagne d'une diabolisation systématique de la gauche de rupture et des mouvements antiracistes. De CNews à Europe 1, la marche du 22 mars est assimilée à « une manifestation contre les juifs » (Europe 1, 19/03), une « manif antisémite » selon Plantu (X, 13/03), et La France insoumise est clouée au pilori alors qu'il y a quelques semaines, une large partie des médias s'interrogeaient gentiment sur la signification… du salut nazi d'Elon Musk. Bref, l'orwellisation du débat public bat son plein.

Palestine, symptôme et accélérateur

De ce point de vue, le traitement de la question palestinienne est absolument central et agit depuis un an et demi à la fois comme un symptôme… et un accélérateur. Il donne à voir l'état de déliquescence du débat public et les mécanismes par lesquels les médias dominants jouent structurellement contre la pensée critique… et contre la pensée tout court. Il met à jour l'impensé colonial et les œillères racistes qui structurent la lecture de cette guerre génocidaire, d'emblée pensée dans la plupart des grands médias comme « guerre de civilisation » de l'État d'Israël au nom de la défense des « valeurs occidentales ». De déshumanisation des Palestiniens en accompagnement de la propagande israélienne, le naufrage journalistique continue alors qu'à Gaza, des centaines de Palestiniens ont encore péri sous un tapis de bombes au cours des derniers jours.

Face au chaos orchestré par les (extrêmes) droites et leurs relais, il faut faire front et inclure de toute urgence la question médiatique à l'agenda des luttes. Revendiquer notre droit à une information réellement pluraliste et indépendante et mettre enfin à l'ordre du jour une transformation radicale des médias, contre la prédation des capitalistes de tout bord et la marchandisation de l'information !