Que font ces taureaux assyriens sur une école du Marais ?

En vous promenant dans le Marais, vers les célèbres rues du Rosier et des Francs-Bourgeois, avez-vous déjà remarqué ces deux têtes de taureaux en bronze, placées sur la façade d’une école primaire ? Et si oui, vous êtes vous déjà demandé pourquoi de telles sculptures à cet emplacement ? À première vue, leur présence et […]

Mai 14, 2025 - 14:30
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Que font ces taureaux assyriens sur une école du Marais ?

En vous promenant dans le Marais, vers les célèbres rues du Rosier et des Francs-Bourgeois, avez-vous déjà remarqué ces deux têtes de taureaux en bronze, placées sur la façade d’une école primaire ? Et si oui, vous êtes vous déjà demandé pourquoi de telles sculptures à cet emplacement ? À première vue, leur présence et leur style assyrien intriguent. Pourtant, bien avant qu’ils ne veillent sur une école, ces taureaux ont connu une époque bien différente : on vous raconte leur histoire !

Les vestiges d’une halle de marché

La boucherie du marché des Blancs-Manteaux en 1852. Aquarelle d'Amlin
La boucherie du marché des Blancs-Manteaux en 1852. Aquarelle d’Amlin

Rue des Hospitalières-Saint-Gervais, on aperçoit deux têtes de taureaux sur la façade d’une école primaire… Voilà un décor pour le moins inattendu. Mais si aujourd’hui, la façade sur laquelle veillent les taureaux cache un préau dans lesquelles les enfants se passent la balle, elle n’a pas toujours été destinée à cela. Pour comprendre la présence de ces imposants animaux, il faut remonter en 1811, année pendant laquelle Napoléon 1er ordonne la construction de cinq marchés couverts et pérennes dans le quartier. L’un deux, le marché des Blancs-Manteaux est construit dès 1813  à l’emplacement du couvent et hospice des religieuses de Saint-Anastase (ou Saint-Gervais), dont l’ordre fut dissous pendant la Révolution. Sa construction s’achève en 1819, et le marché est inauguré le 5 juin 1823.  En face de la halle principale du nouveau marché -aujourd’hui l’Espace des Blancs-Manteaux, une annexe de 434m² voit le jour, pour abriter la boucherie. Par soucis d’hygiène, on y vend la viande dans une halle à l’écart des autres denrées -une nouveauté à l’époque. C’est sur la façade de cette halle, fermée en 1910 et devenue depuis l’école primaire des Hospitalières de Saint-Gervais, que veillaient les deux taureaux -et on comprend mieux leur présence devant une boucherie. 

Une touche d’Assyrie au cœur de Paris

Sculpture de taureau assyrien, ancienne fontaine du marché des Blancs Manteaux - Wikicommons
Sculpture de taureau assyrien, ancienne fontaine du marché des Blancs Manteaux – Wikicommons

Ces taureaux en bronze sont l’œuvre d’Edme Gaulle, qui était également un des 30 sculpteurs chargés de la décoration de la colonne Vendôme. À l’origine, les deux taureaux faisaient partie de fontaines qui encadraient l’entrée de la halle de la boucherie. L’eau s’écoulait de leurs mufles, dans deux bassins demi-circulaires aujourd’hui disparus. Des fontaines, ont peut encore apercevoir les frontons triangulaires au-dessus des bovidés. Mais ce qui intrigue surtout, c’est leur style oriental : avec leurs bijoux, les taureaux sont tout droit inspirés de l’art antique assyrien. En Assyrie -ancienne région du nord de la Mésopotamie, le taureau -ailé- était placé à l’entrée des palais et cités, comme un symbole de protection et de puissance. Pourquoi un tel choix ? La décision du sculpteur s’inscrit sans doute dans le sillage de la vague orientaliste déclenchée par les campagnes d’Égypte menées par Napoléon en 1798 et 1801 – même vague qui mena l’empereur à imaginer un gigantesque éléphant place de la Bastille ou une pyramide imposante au cimetière du Père-Lachaise. 

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