Patrick Grainville s’attaque à un géant
L’académicien relève le défi : oser – comme le peintre l’avait fait avec le célèbre naufrage – disséquer le tableau Le Radeau de la Méduse, de Géricault. Une prouesse sur une prouesse et un livre, La nef de Géricault, ou 300 pages de bonheur... L’article Patrick Grainville s’attaque à un géant est apparu en premier sur Causeur.

L’académicien relève le défi : oser – comme le peintre l’avait fait avec le célèbre naufrage – disséquer le tableau Le Radeau de la Méduse, de Géricault. Une prouesse sur une prouesse et un livre, La nef de Géricault, ou 300 pages de bonheur.
Une prouesse sur une prouesse. Voilà ce que vient de réaliser l’académicien Patrick Grainville (prix Goncourt 1976 avec Les Flamboyants, aux éditions du Seuil) qui n’a peur de rien. Avec son dernier livre La nef de Géricault (qui tient autant de l’essai, du roman et du récit), il s’attaque à l’un des plus célèbres tableaux du monde : Le Radeau de la Méduse. Il raconte par le menu comment le peintre a mené à bien cette œuvre monumentale. Théodore Géricault est âgé de 26 ans quand il commence à mettre en scène picturalement un redoutable fait divers : le naufrage de La Méduse qui s’est déroulé deux ans plus tôt, en 1816. Il fait l’acquisition d’une toile de sept mètres de large pour cinq de haut.
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Boire le pipi du mousse
En 1818 et 1819, il dessine, peint, réfléchit, se documente, s’angoisse, dévoré par le doute. Il faut rappeler que cette période correspond à la fin de la passion amoureuse et puissamment charnelle qui l’unissait à sa tante par alliance : l’appétissante Alexandrine. Elle est l’épouse de son oncle bien aimé ; Géricault se consume dans un brasier des remords. Cela joue sur sa création et sur l’œuvre dont il tente de venir à bout. « La sublime porcherie du réel » le hante ; il y a de la colère : « Je vous emmerde à l’avance, les néoclassiques de la Villa Médicis ! » Le réel, parlons-en : « On y naît, on y défèque, on y copule, on y coupe les têtes. C’est éclaboussé de sang, de sperme. » La Révolution n’est pas loin, avec sa guillotine ; les artistes sont divisés. Certains sont libéraux ; d’autres favorables au roi. Napoléon dépérit à Sainte-Hélène.
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Le roman-récit de Patrick Grainville cerne à la fois l’élaboration de la toile, et le naufrage de la Méduse. On dit qu’on y a pratiqué le cannibalisme, bu de l’urine humaine : « On comparait, on trinquait, parfois c’était acide, épais, le pipi du mousse de treize ans était le meilleur, mais Coudein, son protecteur, le gardait jalousement pour lui, du petit lait ! » Les descriptions foisonnent ; la nature est barbare. Il y a des culs partout ; ceux des femmes, des hommes, des chevaux. Des chevaux, il y en a partout aussi. Ils sont robustes, musculeux. Et autour du « rafiot des crevés », les requins tournent…
Le style de Patrick Grainville est étincelant ; on est dans la folie du baroque. Ce texte vous emporte par son ton exalté, ses excès, sa démesure. Du grand art littéraire qui vous remue les sens.
La nef de Géricault, Patrick Grainville ; Julliard ; 305 p.
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