Mortels rodéos: moins de mots, plus d’actes

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Mai 13, 2025 - 05:13
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Mortels rodéos: moins de mots, plus d’actes

Samedi matin, un pompier volontaire était projeté sur plusieurs mètres après avoir été délibérément percuté par un jeune « sauvageon » s’adonnant à un rodéo urbain.


Le sergent-chef Scardi est pompier volontaire à Évian (74). Il est marié et a un fils de sept ans. Dans le civil, il est chauffeur routier dans les travaux publics. Pompier volontaire, cela signifie qu’il consacre deux week-ends par mois et deux nuits par semaine pour assurer les gardes, les permanences, et, avant tout, secourir les populations en cas de besoin. Y compris les petits cons qui, plus ou moins bourrés ou shootés, se plantent en auto ou à moto lors d’un de ces désormais stupides rodéos qui pourrissent le quotidien des riverains et mettent en danger des dizaines de vies. À commencer par celles des pseudo-cascadeurs du samedi soir, de ces risque-tout à deux balles et des gogos, des bas-de-plafond qui se précipitent et s’agglutinent en bord de bitume pour – probablement dans l’espoir d’un crash bien saignant – assister au spectacle. Il paraît que le fin du fin serait de toucher de la main les bagnoles en pleine vitesse, en plein drift (dérapage) ! Sans commentaire.

Samedi dernier, vers six heures de matin, ce n’est pas le sauvetage d’un de ces guignols irresponsables qui attend le sergent-chef Scardi, mais une tentative de meurtre contre sa personne. Alors qu’il s’apprête à réintégrer les locaux de sa caserne avec trois de ses collègues après qu’ils sont sortis pour photographier les plaques d’immatriculation de véhicules en folie, le chauffeur d’une Golf le cible délibérément, le percute par derrière à pleine vitesse – attaquer par derrière est comme on le sait la marque d’un indéniable courage ! – La volonté de tuer est manifeste.

La jeune ordure – 19 ans – qui a commis cette tentative de meurtre ne s’en tient pas à cela. Le gars fait demi-tour, revient à l’endroit précis, baisse la vitre du véhicule et crache en direction de la victime, étendue au sol. Entre la vie et la mort, le sapeur-pompier va être transporté à l’hôpital d’Annecy. Pendant que ses camarades de corps s’affairent pour le sauver, le chauffard-assassin reste à proximité, « pour narguer », précise un témoin. Il sera arrêté quelque temps plus tard. Taux d’alcoolémie positif et shoot au protoxyde d’azote. Ce n’est pas un inconnu pour les autorités. Conduite sans permis, sans assurance, sous l’emprise de l’alcool. Et avec ça, dealer, bien sûr. Il a été condamné à dix-huit mois de prison : à la clef – seulement-  six jours d’incarcération suivis d’un aménagement de peine en jours-amendes et sous bracelet électronique. Au résultat pathétique obtenu ce samedi matin, on vérifie une fois encore combien ce genre de sanctions sait être dissuasif. Face de tels actes de barbarie, il serait temps de trouver autre chose.

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C’est ce que nous servent les ministres concernés, du moins dans leurs déclarations. La veille-même du drame, M. Darmanin, ministre de la Justice, dans la foulée d’un rodéo monstre à Bordeaux (500 véhicules, 3000 badauds-débiles) déclarait, péremptoire : « Les procureurs devront saisir systématiquement les véhicules impliqués dans des rodéos et comme la loi le permet (loi de 2018) les vendre ou les faire détruire avant même le jugement. Stop à l’impunité ! » M. Retailleau, ministre de l’Intérieur, accouru sur place à Évian, établit quant à lui – une fois encore, une fois de plus – le constat que le pays verse dans une insécurité quasi systémique. Il se déclare naturellement « solidaire devant cette tentative d’homicide épouvantable » et met en exergue l’opposition entre « la France qui s’engage et la France qui s’ensauvage ». Il appelle ensuite de ses vœux une révolution de la politique pénale pour les mineurs délinquants.

On attend évidemment les actes. Mais on ne s’empêchera pas de penser que si la loi de 2018 avait été effectivement mise en application dans toute sa rigueur, le sergent-chef Scardi serait rentré tranquillement chez lui retrouver sa femme et son fils ce samedi matin. Et la France qui s’engage aurait une ignoble agression et une victime de moins à déplorer.

Faire les bons constats, c’est très bien, assurément. Mais c’est aussi très insuffisant. Et la France en a sérieusement marre de devoir se contenter de joli discours et d’habiles formules. Nos ministres, nos autorités judiciaires seraient bien inspirés de passer à leur tour au rodéo. Vous savez-celui des westerns où il s’agit de prendre pour de bon le taureau par les cornes. On les attend à cet exercice. Nous sommes tout disposés à applaudir.

La France qui s’engage mérite protection. Et la France qui s’ensauvage mérite, elle, autre chose que des jours-amendes. Ce dispositif qui ne peut dépasser en durée trois cent soixante jours et en montant mille euros. Une petite tape sur la mimime du délinquant dealer qui, dans son business de mort, empoche le double ou le triple en un claquement de doigts.

Télescopage assez navrant : dans le même temps, la mission d’urgence diligentée par l’ex-ministre de la justice Didier Migaud sur la surpopulation carcérale livrait ses conclusions et préconisations. La plus notable : une réduction de peine exceptionnelle générale pour tous les détenus, sauf exceptions. Pour la France qui s’ensauvage, c’est plutôt une bonne nouvelle. Pour celle qui s’engage au service de la nation et des citoyens, ce l’est beaucoup moins, me semble-t-il.

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