Marine Le Pen inéligible: sa colère froide

Pas à un seul instant, au cours de son interview hier soir dans le JT de TF1, Marine Le Pen ne s’est départie de son regard dur et de son ton sévère. Condamnée en première instance hier matin à deux ans de prison ferme et cinq ans d'inéligibilité avec application immédiate, la députée du Pas-de-Calais vient sans doute de vivre l’une des journées les plus cruelles de sa vie politique... L’article Marine Le Pen inéligible: sa colère froide est apparu en premier sur Causeur.

Avr 1, 2025 - 05:19
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Marine Le Pen inéligible: sa colère froide

Pas à un seul instant, au cours de son interview hier soir dans le JT de TF1, Marine Le Pen ne s’est départie de son regard dur et de son ton sévère. Condamnée en première instance hier matin à deux ans de prison ferme et cinq ans d’inéligibilité avec application immédiate, la députée du Pas-de-Calais vient sans doute de vivre l’une des journées les plus cruelles de sa vie politique.


« Des pratiques que l’on croyait réservées aux régimes autoritaires », a-t-elle cinglé au micro de Gilles Bouleau. Quelques heures après le prononcé des peines dans l’affaire des assistants parlementaires du FN, Marine Le Pen reste outrée. Pour elle, ce procès, « fait des adversaires politiques, est fondé sur des arguments qui ne tiennent pas la route. Il s’agit là d’un désaccord administratif avec le Parlement européen. Il n’y a pas d’enrichissement personnel, il n’y a pas de corruption, il n’y a rien de tout cela ».

Sévérité inattendue

Les condamnations – d’une sévérité inattendue – n’ont pas seulement provoqué une immense secousse dans la vie politique française. Ailleurs dans le monde, nombre d’observateurs se demandent si la France ne serait pas en train de devenir un de ces pays où les opposants subissent des sanctions exagérées de la part du pouvoir.

Marine Le Pen arrive au tribunal à Paris, le 31 mars 2025. Thibault Camus/AP/SIPA Numéro de photo : ap22947670_000004

Certes Marine Le Pen n’a pas encore été écrouée, contrairement à ce qui se passe en Turquie, où Ekrem Imamoglu, maire d’Istanbul et principal rival de Recep Tayyip Erdoğan, a été arrêté le 18 mars. Mais que diraient, à l’étranger, les amis du pluralisme et des libertés publiques si la femme politique la plus populaire de notre pays devait effectuer les deux ans de prison ferme prononcés hier matin ?

Évidemment plusieurs régimes « illibéraux » ont été prompts à critiquer la décision de justice parisienne. À Moscou, Dimitri Peskov, porte-parole du Kremlin, l’a qualifiée de « violation des normes démocratiques ». À Budapest, Victor Orban a tweeté « Je suis Marine » en guise de soutien. À Washington, la porte-parole du département d’État, Tammy Bruce a déclaré : « L’exclusion de personnes du processus politique est particulièrement préoccupante compte tenu de la guerre judiciaire agressive et corrompue menée contre le président Donald Trump ici aux Etats-Unis. »

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Pas sûr toutefois que Marine Le Pen ait apprécié ces marques de solidarité. Depuis quelques mois, la présidente du groupe RN à l’Assemblée nationale était en train de parachever sa dédiabolisation. En janvier, lors de la cérémonie d’obsèques de son père, elle a bien pris soin de ne pas revendiquer l’héritage politique gênant du fondateur du Front national. Début mars, elle a écarté les soupçons de trumpolâtrie en déclarant dans Le Figaro que l’attitude américaine envers l’Ukraine est « très critiquable ». Enfin la semaine dernière, son bras droit Jordan Bardella s’est rendu, sur invitation du gouvernement israélien, à Jérusalem, où il se recueille à Yad Vashem, le mémorial israélien des victimes juives de la Shoah, une première pour un représentant du parti à la flamme.

Justice : Le Pen, vite !

Au moment même où allait devenir une figure « fréquentable » de la vie politique française, Marine Le Pen voit donc fortement hypothéquer sa candidature à la prochaine présidentielle. Sans que son recours en appel, formulé aussitôt après, ne puisse suspendre l’exécution de la peine, la voilà déclarée inéligible jusqu’en 2030. Autrement dit, il faudrait que les juges d’appel se prononcent en un temps record (d’ici deux ans) et qu’ils décident de rétablir la députée du Pas-de-Calais dans la plénitude de ses droits politiques pour qu’elle puisse se présenter en fin de compte à la course à l’Elysée en 2027. Une hypothèse très incertaine, même si l’intéressée indique y croire encore, puisque, tout en se déclarant à nouveau innocente, elle a lancé un appel hier soir à la télévision à ce que la justice soit diligente.

Pour justifier l’application immédiate de l’inéligibilité, les magistrats du tribunal judiciaire ont invoqué un risque de récidive. Selon eux, les responsables du RN se sont montrés, durant la procédure, inconscients de leurs comportements fautifs et auraient ce faisant laissé penser qu’ils sont susceptibles de recommencer. Un raisonnement contesté par l’avocat de Marine Le Pen, Rodolphe Bosselut, qui rappelle que les accusés ont entièrement admis les faits reprochés – de sorte qu’on ne saurait parler de « déni » – et qu’ils se sont contentés d’en réfuter la gravité – ce qui s’apparente selon lui à une défense classique, ne préjugeant pas de l’avenir.

On est tenté d’entendre l’argument de Me Bosselut : Faut-il retirer son permis à un conducteur qui, arrêté pour excès de vitesse, reconnaîtrait avoir trop appuyé sur le champignon mais essaierait de se dédouaner en faisant valoir qu’il n’était pas le seul à rouler si vite ?

En attendant, interrogée par Gilles Bouleau sur l’hypothèse, désormais très probable, qu’elle ne puisse pas concourir à la prochaine présidentielle, Marine Le Pen a donné le nom de son potentiel remplaçant pour représenter les couleurs de son parti : « Jordan Bardella est un atout formidable pour le mouvement et je le dis depuis longtemps, a-t-elle confié. J’espère que nous n’aurons pas à user de cet atout plus tôt qu’il n’est nécessaire. »

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