Un conclave pour enfumer…
Il semble que le conclave sur la réforme des retraites ne va pas durer... Cette discussion, initiée par François Bayrou, avec pour volonté de discuter sans « tabou » de tous les sujets, n'a pas eu beaucoup d'effets, sinon le retrait progressif de la plupart des syndicats qui participaient aux discussions. Le récent refus du Premier ministre de revenir à un âge légal de départ à la retraite de 62 ans est la goutte d'au qui a fait déborder le vase, provoquant l'indignation et la colère chez les négociateurs. Un conclave pour rien ? Et si c'était le but... L’article Un conclave pour enfumer… est apparu en premier sur Causeur.

Il semble que le conclave sur la réforme des retraites ne va pas durer… Cette discussion, initiée par François Bayrou, avec pour volonté de discuter sans « tabou » de tous les sujets, n’a pas eu beaucoup d’effets, sinon le retrait progressif de la plupart des syndicats qui participaient aux discussions. Le récent refus du Premier ministre de revenir à un âge légal de départ à la retraite de 62 ans est la goutte d’au qui a fait déborder le vase, provoquant l’indignation et la colère chez les négociateurs. Un conclave pour rien ? Et si c’était le but…
« Non ! » au retour à un âge de départ à la retraite à 62 ans. Entendre François Bayrou, père spirituel du « en même temps » et incarnation ultime de l’immobilisme politique, prononcer ce simple mot défiait tous les pronostics… De mémoire d’homme (et de femme), qui donc a souvenir d’avoir assisté à une prise de position aussi franche de la part de notre actuel Premier ministre – ou à une prise de position tout court ? Ce vocable choc a d’ailleurs été repris par tous les quotidiens de notre pays tout en se voyant auréolé de jolis guillemets, une rareté pour un seul mot, a fortiori composé d’une malheureuse syllabe. Cela cache forcément quelque chose : ce conclave ne serait-il pas, par le plus grand des hasards, une vaste fumisterie ?
Marylise Léon en a gros sur la patate
Que les âmes sensibles se rassurent, cette épreuve de force a été immédiatement suivie d’un exercice de rétropédalage plutôt maladroit en provenance de Matignon. Selon l’entourage du Premier ministre, il ne s’agirait que de son point de vue, le donner soulignant simplement « l’importance qu’il y a à faire vivre la démocratie sociale »… Ainsi, tout resterait possible, car ce sont bien les organisations syndicales et patronales qui gardent la main, toujours selon l’entourage du Premier ministre.
Ce désormais fameux « Non ! » a suscité de toutes parts des commentaires très virulents. Certains y ont même vu la fin du conclave. Les oppositions et les syndicats se sont relayés pour évoquer tantôt un « scandale », tantôt des « propos incompréhensibles » voire même une preuve que l’on « ne peut pas faire confiance à François Bayrou » (Denis Gravouil, CGT). Jean-Luc Mélenchon, avec l’élégance qu’on lui connait bien, a quant à lui parlé d’un « foutage de gueule ».
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Soyons sérieux : qui avait imaginé un seul instant qu’un retour sur l’âge de départ à la retraite avait la moindre chance d’aboutir ? Absolument personne, sauf la CGT qui a finalement claqué la porte. Sophie Binet, secrétaire générale du syndicat, est même allée jusqu’à accuser François Bayrou d’avoir « trahi sa parole » mais aussi « des millions de salariés », couplant cette terrible accusation d’une menace aussi glaçante qu’inattendue : une mobilisation. Heureusement, il y a une « adulte dans la pièce » en la personne de Marylise Léon, secrétaire générale de la CFDT, selon… Léon Marylise. Mais, qu’on se le tienne pour dit, elle en a « assez » ! Le ton est tout de suite plus sérieux : « Il faut un peu siffler la fin de la récréation » car « on ne fait pas des canons avec des salariés qui sont en souffrance ». La tension monte, puis, le couperet tombe enfin : « On ferme le conclave retraite tel qu’il existe, et on en ouvre un autre ». Le coup est rude.
Des motivations fumeuses
La France, dotée d’un budget qui ne rassure personne, se paie en plus le luxe d’être à la traine sur l’âge de départ à la retraite alors que les autres pays européens procèdent tous à une hausse de celui-ci. L’Allemagne, l’Espagne et les Pays-Bas ont fixé l’âge de départ à 67 ans. L’Italie envisagerait même de faire travailler ses fonctionnaires jusqu’à 70 ans. Imaginez la réaction de nos travailleurs de la Fonction publique… Vite, changeons de sujet !
Mais alors, pourquoi convoquer un conclave alors que tout le monde sait qu’il ne débouchera sur aucune décision majeure ? Pour gagner du temps, pardi ! Car, outre le fait d’avoir tordu le bras du président de la République pour obtenir le poste de Premier ministre au détriment de Sébastien Lecornu (est-on certain que nous ayons gagné au change ?) et d’avoir endormi tout le monde en débitant des discours lénifiants sur Henri IV, le seul fait d’arme de François Bayrou à Matignon à ce jour est d’avoir survécu à la motion de censure déposée à la suite du 49.3 utilisé pour faire passer le budget 2025.
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Ce conclave faisait-il partie d’un deal pour amadouer les troupes socialistes d’Olivier Faure ? Si c’est le cas, comment imaginer que ces dernières aient pu être suffisamment naïves pour imaginer obtenir gain de cause sur un point aussi bloquant que l’âge de départ ? Si la motivation du Premier ministre est clairement de s’accrocher à son poste comme une moule à son rocher, quelle peut bien diable être celle des socialistes à participer à ce conclave ? Outre le goût pour les discussions stériles et interminables cher à tout social-démocrate qui se respecte, on peut se demander si la participation à ce conclave fictif n’est pas pour eux l’occasion de se démarquer d’un Nouveau Front populaire aux fondations friables.
En effet, beaucoup d’électeurs du centre gauche sont complètement perdus au sein de cette coalition aussi absurde qu’opportuniste. Cela n’a pas échappé aux têtes pensantes socialistes qui espèrent se faire bien voir de ces électeurs en vue de municipales qui approchent à grands pas. Les candidats de la gauche molle espèrent peut-être ainsi profiter de ce conclave pour briller et démontrer à cet électorat qu’ils entendent bien gérer leurs villes d’une main de fer dans un gant de velours, comme d’habitude en somme. Des villes qui deviendraient ou resteraient alors des paradis pour les bobos adeptes de chevauchées à dos de trottinettes électriques, de bières sans gluten et de discussions à rallonge sur un monde sans frontières, bien sûr.
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