La Bonne Mère en proie à LFI
Notre chroniqueur n’a jamais fait un mystère du fait qu’il habite Marseille, ville autrefois provençale livrée désormais à tous les vents du sud. Il n’est pas supporter de l’OM, et fréquente fort peu les églises. Pourtant, le voici défenseur de Notre-Dame-de-la-Garde, que les islamo-gauchistes locaux voudraient rayer de la ville… L’article La Bonne Mère en proie à LFI est apparu en premier sur Causeur.

Notre chroniqueur n’a jamais fait un mystère du fait qu’il habite Marseille, ville autrefois provençale livrée désormais à tous les vents du sud. Il n’est pas supporter de l’OM, et fréquente fort peu les églises. Pourtant, le voici défenseur de Notre-Dame-de-la-Garde, que les islamo-gauchistes locaux voudraient rayer de la ville…
Il y aura bientôt quarante ans, finissant un petit livre sur le Mont Saint-Michel (l’une de mes spécialités), j’avais assisté à l’envol de l’archange qui surmonte la flèche de l’église abbatiale. C’était la première fois depuis sa pose, un siècle auparavant, et la statue était rongée par l’air marin, qui prend ses aises par là-bas, et par les milliers d’impacts de foudre, puisqu’elle fait office de paratonnerre. Les archanges montent au ciel en hélicoptère.
L’opération a été reconduite en 2016. Il faut à chaque fois réparer la gangue de cuivre doré qui recouvre le fer de la statue. Doré à l’or fin : pour une statue d’une tonne, cela fait quelques feuilles d’or de 0,2 micron d’épaisseur chacune…
Moins toutefois que pour le Dôme des Invalides, restauré en 1989, dans le cadre des célébrations du bi-centenaire de la Révolution. Douze kilos d’or fin à chaque restauration, depuis la première, réalisée en 1715. Payés par le contribuable. Et alors ? C’est un monument historique, qui participe à la gloire de la France, tout comme le Mont Saint-Michel, l’un des sites les plus visités du pays.
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Marseille a donc décidé de redorer la statue de la Vierge posée tout en haut de la basilique néo-romano-byzantine qui surplombe la ville.
Mais ma ville a la spécificité d’abriter quelques-uns des plus exquis des élus LFI. Redorer la Vierge — une statue de plus de 11 mètres de haut ? Pas question ! s’insurgent ces braves gens. Après avoir fait les comptes (2,8 millions d’euros, dont 300 000 de la ville de Marseille, 400 000 du Conseil départemental, et 500 000 de la Région PACA), après avoir fait briller les yeux des analphabètes avec les 40 000 feuilles d’or fin nécessaires pour l’opération, nos vertueux élus s’emportent : « Les fonds publics doivent aller à l’école, au logement, au transport, à la réponse aux besoins de la population ! » Inutile de demander à quelles populations pensent messieurs Bompard et Delogu, les cadres intellectuels de LFI.
Et de souligner que c’est moins la loi de 1905 qui s’applique ici que celle de 1942, « loi du gouvernement de Vichy, collaborationniste avec les nazis, antisémite et raciste », qui « permet le versement d’argent public pour le financement de réparations aux édifices affectés aux cultes publics, qu’ils soient ou non classés monuments historiques » — ce que la Bonne Mère n’est pas, effectivement. Au passage, on est bien content d’apprendre que le parti de mesdames Panot, Obono and co. s’oppose à l’antisémitisme.
Notre-Dame-de-la-Garde, outre le fait d’être un spot touristique de premier ordre (chaque jour, un petit train sur roues y amène quelques milliers de visiteurs), est un site essentiel pour comprendre la ville ; il y a quelques années, on avait mis « la Ville » au programme de l’heptaconcours des IEP de province. J’avais donc traîné là-haut (et la montée est rude) mes élèves issus des « quartiers », comme on dit, qui n’y avaient jamais mis le pied, moitié paresse, moitié superstition, et furent tout étonnés de repérer leurs quartiers nord de naissance au sein de cette toile gigantesque qu’est la métropole marseillaise. Etonnés de lire sur les murs déchiquetés par les balles de mitrailleuse la trace des combats de 1944. Tout étonnés aussi de trouver dans la basilique elle-même tant de témoignages d’une foi vivace, à travers les milliers d’ex-voto célébrant l’intervention de la Vierge dans le retour des navires ou la résistance aux maladies mortelles.
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Mes étudiants musulmans, prenant sur eux d’entrer dans un lieu de culte catholique, conclurent que Dieu est partout — ou nulle part.
Je leur expliquai que la basilique actuelle a été construite sur les murs d’une ancienne chapelle du XIIIe siècle, déjà dédiée à la Vierge, patronne des marins et des pêcheurs. Que c’est de là-haut que François Ier, venu à Marseille en 1515 après Marignan, constata que la ville était mal défendue, et qu’il décida de construire le fort de l’île d’IF et d’englober l’église de la Vierge dans une structure militaire, qui forme aujourd’hui le soubassement de la basilique. Notre-Dame-de-la Garde est le résumé de l’histoire de la ville, le témoin de la ferveur populaire — comme l’est au fond la crèche provençale, que des laïques à jugement court veulent faire interdire, à Béziers et ailleurs (à Marseille, Jean-Claude Gaudin a pensé plus « citoyen » de la supprimer de lui-même il y a une vingtaine d’années). Un peuple a une histoire, et s’est inventé bien des façons de la célébrer — et c’est un athée convaincu qui vous le dit.
Personne n’est dupe : la protestation de LFI est en sous-main un appel du pied à tous ceux qui, dans cette ville, préfèrent voir fleurir des mosquées que redorer des Vierges. Mais elle est d’abord un affront à la mémoire populaire, quoiqu’on sache que chez certains de leurs supporters, l’histoire commence et finit en 622 à Médine avec l’avènement de l’islam et, en même temps, de la nuit.
Jean-Paul Brighelli, Entre ciel et mer, le Mont Saint-Michel, Gallimard, coll. Découvertes, 1987, 160 p.
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