À Montmartre, une cité d’artistes cachée où peignaient Renoir et Bonnard

Bien sûr, on connaît la plus légendaire : le Bateau-Lavoir. Mais non loin de là, nichée au cœur de la butte Montmartre, une autre cité d’artistes a vu passer quelques-uns des plus grands noms de l’art moderne : la Cité des Fusains. Au 22 rue Touraque, sur une petite maison à colombages, une inscription en […]

Mai 15, 2025 - 17:34
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À Montmartre, une cité d’artistes cachée où peignaient Renoir et Bonnard

Bien sûr, on connaît la plus légendaire : le Bateau-Lavoir. Mais non loin de là, nichée au cœur de la butte Montmartre, une autre cité d’artistes a vu passer quelques-uns des plus grands noms de l’art moderne : la Cité des Fusains. Au 22 rue Touraque, sur une petite maison à colombages, une inscription en annonce l’emplacement : Les Fusains. Juste à côté, une grande verrière laisse deviner un monde à part – celui d’un lieu caché qui a abrité des figures majeures de la scène artistique au temps de la bohème de Montmartre, fin XIXe et début XXe. 

Renoir, Bonnard, … un lieu d’effervescence artistique

 

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Construite entre 1900 et 1910 sous la direction de l’architecte Robert Bourdeau, la Cité des Fusains se compose d’abord d’ateliers modestes, faits avec les moyens du bords, c’est à dire à partir de matériaux de l’Exposition universelle de 1889, récupérés à prix modiques lors du démontage des stands. Ce système de débrouille n’est d’ailleurs pas un cas à part : d’autres cités d’artistes parisiennes, comme la Ruche, ou la Cité Falguière, doivent elles aussi beaucoup aux expositions universelles ! Au début du XXe siècle donc, la crème des avant-gardistes s’installe à la Cité des Fusains, rue Steinlen. André Derain, pionnier du fauvisme, y installe son atelier dès 1906, où il peint notamment ses Baigneuses, avant de partir fin août 1910.

Baigneuses, Derain, 1908
Baigneuses, Derain, 1908

Pierre Bonnard s’y installe en 1913, et gardera son atelier jusqu’à sa mort en 1947. Renoir, quant à lui, y a même peint le portrait de Berthe Morisot, et Georges Joubin y a installé son atelier en 1912. Dans les années 1920, la Cité des Fusains s’agrandit et se prolonge jusqu’à la rue Tourlaque, où est transférée l’entrée. Elle attire d’autres grands noms, ceux du surréalisme : Max Ernst (de 1925 à 1935), Sophie Taeuber et Jean Arp (de 1920 à 1926), ou encore Joan Miró (en 1927). Magritte, Dalí, et même l’écrivain Paul Eluard y feront également quelques passages.

Le charme discret des ateliers

 

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Aujourd’hui, le promeneur curieux pénètre difficilement dans cette cité d’artistes, désormais réservée aux résidents pour éviter les vols qui y devenaient trop fréquents… Faute de visite, comptez sur nous pour vous en faire une idée. Derrière les grandes verrières aux allures de serres et les façades à colombage que l’on aperçoit depuis la rue, la Cité des Fusains abrite un univers unique, un véritable labyrinthe de petits bâtiments imbriqués aux tailles et styles variables, certains accessibles par des escaliers étroits et d’autres le long d’allées verdoyantes et sinueuses. Un véritable petit village bucolique s’y déploie, avec en son cœur, un vieux puit du XVIIe, et, disséminées un peu partout, des sculptures que les plantes grimpantes enlacent avec grâce. Inscrite à l’inventaire des sites pittoresques en 1965, la Cité des Fusains échappe de peu à la ruine : dans les années 1950, elle était proche de l’insalubrité. Depuis, elle a peu à peu été restaurée, et, si quelques artistes y travaillent encore, la plupart des ateliers ont été transformés en logements, vendus à prix d’or. Refuge bohème aux loyers dérisoires hier, elle est aujourd’hui une enclave convoitée, le théâtre de transactions immobilières aux montants faramineux.

 

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Quand Montmartre était le cœur du Paris artistique

Dans la rue Touraque, cette simple inscription “Les fusains”, évoque à elle seule un temps où Montmartre était le cœur battant de la vie artistique parisienne. Dès le milieu du XIXe, ce village aux airs champêtres -avant peuplé majoritairement de meuniers, laboureurs, et vignerons- attire les artistes, séduits par l’esprit bohème qui se dégage de ses nombreuses guinguettes et cabarets (et par les loyers !).

Vue de Montmartre et de ses moulins, Van Gogh,1886 Musée Kröller-Müller, Otterlo, Pays-Bas : à l'époque ou la Butte était encore très rurale
Vue de Montmartre et de ses moulins, Van Gogh,1886 Musée Kröller-Müller, Otterlo, Pays-Bas : à l’époque ou la Butte était encore très rurale

Degas, Matisse, Toulouse-Lautrec, Renoir, Van Gogh, Picasso, Manet, Pissaro… tous ont trouvé sur la butte leur inspiration, y installant leur propre atelier où se retrouvant dans ces cités d’artistes. Il y souffle un vent de liberté et de création effervescente, du Bateau-Lavoir à la place du Tertre – lieu mythique de Montmartre qui vibre encore aujourd’hui au rythme des pinceaux et des chevalets. Entre les différents ateliers, les artistes se croisaient, échangeaient, s’inspiraient. Derain, par exemple, très proche de Picasso, aimait lui rendre visite au Bateau-Lavoir depuis la Cité des Fusains. Une atmosphère d’effusion artistique qui n’a jamais vraiment quitté les rues de Montmartre ! 

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Cité des Fusains – © @nicobuisson sur Instagram