Face au greenwashing, Mlle Pitch défend la com’ à impact vérifiée

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Avr 7, 2025 - 01:56
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Face au greenwashing, Mlle Pitch défend la com’ à impact vérifiée

Cette interview fait partie du numéro spécial RSE de notre newsletter.


Dans un paysage où la communication responsable est devenue un impératif plus qu’un argument, les marques se retrouvent confrontées à une exigence croissante de cohérence et de transparence. Pour éviter l’écueil du greenwashing, certaines choisissent d’être accompagnées par des agences rompues à l’exercice de la sincérité. C’est le cas de Mlle Pitch, fondée par Magali Faget, qui revendique un positionnement engagé, tant dans la sélection de ses clients que dans la façon de traduire leurs engagements en prises de parole crédibles.

À travers un audit systématique des actions réelles des marques, l’agence s’attache à ne communiquer que sur ce qui est fait – et non sur ce qui est simplement envisagé. Une méthode essentielle, dans un contexte réglementaire de plus en plus contraignant, mais aussi face à un public averti, prompt à dénoncer les dissonances. 

De plus en plus de marques intègrent des engagements RSE dans leur communication. Comment distinguer une démarche sincère d’un simple verdissement ?

M.F. : Dans un premier temps, lorsque l’on accompagne un client qui se revendique acteur de l’impact, on commence systématiquement par auditer l’existant : on regarde précisément ce que la marque annonce comme engagements, et ce qu’elle met réellement en œuvre. On complète cette analyse en interrogeant à la fois l’interne – collaborateurs, directions – et l’externe – partenaires, consommateurs, ONG – pour recueillir leurs perceptions sur ces actions.

À partir de là, on restitue nos observations au client avec des propositions d’actions concrètes, parfois en animant des ateliers de social design impliquant les équipes marketing, communication et direction. L’objectif est d’incarner les engagements sociaux et environnementaux par des actions réelles, de les lancer avant toute prise de parole. Ensuite, on formalise avec l’entreprise une charte RSE, qu’on l’invite à rendre publique sur son site. La communication se fait de manière progressive, une fois les preuves en place, pour éviter tout effet boomerang. Et surtout, on encourage les marques à rendre des comptes régulièrement, au minimum une fois par an, en publiant les résultats de leurs engagements.

Comment accompagnez-vous vos clients dans la traduction de leurs engagements RSE en prises de parole ?

M.F. : Nous veillons à une communication sincère, fondée sur des engagements concrets. Avant toute prise de parole, nous demandons à nos clients de lancer des actions mesurables. La communication se déploie ensuite par étapes : d’abord en interne, puis auprès de l’externe, selon les cibles – partenaires, collaborateurs, consommateurs. Chaque dispositif est ajusté : presse, digital, événementiel… comme pour KSB, acteur industriel engagé dans la décarbonation de ses sites, dont nous accompagnons la stratégie de communication depuis les preuves jusqu’à leur diffusion.

Notre valeur ajoutée repose sur notre double culture ONG et marque. Première agence à s’être dédiée aux grandes causes il y a dix ans, nous savons conjuguer expertise RSE, créativité et impact. Nous construisons des partenariats ONG/marques durables qui font sens pour les deux parties, comme celui entre Logis Hôtels et la Ligue contre le cancer pour sensibiliser à l’impact du bien-manger. Notre desk celebrity marketing nous permet également d’incarner ces engagements à travers des personnalités issues de la gastronomie ou des médias.

Enfin, nous nous appliquons les mêmes exigences que celles que nous fixons à nos clients. Chaque année, nous offrons une campagne et un plan média XXL à une ONG. Nous soutenons aussi des start-up à impact et assurons un relais RP solide. Parce qu’une communication responsable ne repose pas uniquement sur des intentions, mais sur des actes visibles et relayés de manière crédible.

Votre agence se spécialise désormais dans les entreprises à impact positif. Comment sélectionnez-vous les marques avec lesquelles vous collaborez ?

M.F. : Il y a ceux qui sont vrais et ceux qui nous paraissent faux. Dans ce cas-là, on a un devoir, parce qu’on est très observés par les ONG – qui restent quand même dans le spectre de nos clients –, on a le devoir de vérifier et d’accompagner des gens qui sont vraiment engagés. Nous, on va s’intéresser à des thématiques comme la santé, l’antigaspillage, le Made in France, le bien-être animal. Ce sont des choses qu’on peut mesurer et qui sont concrètes.

On accompagne aussi des acteurs engagés dans l’agriculture, comme des fédérations professionnelles qui défendent l’agriculture bio et raisonnée, pour aider à reconvertir certains agriculteurs. On les aide à mutualiser du matériel, à structurer des dispositifs qui facilitent leur transition vers une production plus responsable. Par exemple, on accompagne un fonds de dotation qui lutte pour le pouvoir d’achat en zone rurale en installant des épiceries solidaires : plus de 600 ont vu le jour en cinq ans. Ces projets génèrent un cercle vertueux pour les habitants, mais aussi pour les petits producteurs locaux, en favorisant les circuits courts et en réduisant le panier moyen.

Notre credo : l’impact positif sera la norme des marques de demain. La communication à impact répond à une attente forte des consommateurs. Près de quatre Français sur cinq se disent préoccupés par les enjeux sociétaux et environnementaux : 77 % pour les premiers, 83 % pour les seconds. Ils attendent des marques qu’elles s’expriment avec transparence et authenticité, en s’appuyant sur des preuves tangibles, comme des labels indépendants. Les campagnes portant sur l’environnement – climat, gestion des déchets… – améliorent la perception de l’engagement des marques et renforcent leur différenciation. Celles qui valorisent le Made in France ou les circuits courts activent une image de proximité, d’innovation et de dynamisme local. Autant de leviers pour conjuguer sens, impact et préférence de marque.

Quelles sont les erreurs les plus fréquentes que vous observez chez les marques lorsqu’elles communiquent sur leurs engagements sociétaux ou environnementaux ?

M.F. : Il faut faire très attention à ce que ce ne soit pas du greenwashing, juste pour répondre à une vague, et que ce ne soit pas incohérent avec leur politique sociale, environnementale, ou vis-à-vis de leurs salariés. Il ne faut pas que ce soit uniquement de la communication un peu mode et tendance pour essayer d’attirer. Ce qui manque souvent, ce sont des actions concrètes d’engagement.

Par exemple, si je suis une marque de soutien-gorge, je peux décider de faire quelque chose pour le cancer du sein. Mais faire quelque chose pour le cancer du sein, ce n’est pas juste organiser une petite opération pendant Octobre Rose. Parce que ça, c’est de la com’. Ce qu’il faut, c’est un véritable engagement dans la durée, sur le long terme, mesurable, sur lequel je vais pouvoir rendre des comptes régulièrement. Est-ce que c’est tous les ans ? Est-ce que c’est à un autre rythme ? En tout cas, il faut dresser un bilan de l’impact positif des actions que je porte dans le cadre de ma politique RSE.

Avez-vous récemment observé un bon exemple et un mauvais exemple de communication RSE ?

M.F. : Un mauvais exemple, ça ne me vient pas en tête là tout de suite. Un bon exemple, il y a ce que fait Darty avec son service après-vente, pour réparer les vieux produits d’électroménager qui ont été achetés chez eux. Il y a aussi ce qu’a fait La Redoute, il y a quelque temps, avec la vente de seconde main. Je trouve que ça paraît cohérent, et que ce n’est pas fait pour pousser à la surconsommation.

Après, sur tout ce qui est produit dans l’alimentation, il faut être très prudent. Certaines marques s’affichent avec certaines valeurs, et puis quand on regarde les composantes de leurs produits, ou le packaging, ce n’est pas en phase avec les valeurs qu’elles affichent. Si je prends Saint-Môret, par exemple, ils ne sont pas très forts sur l’éco-conception de leur packaging, alors qu’ils veulent s’afficher comme une marque à responsabilité sociale engagée. Donc en tout cas, ils ne devraient pas aller sur le terrain de l’environnement, parce que là, ils pourraient se faire tacler direct.

Concernant les exemples de greenwashing : 
– Certains fournisseurs d’énergie verte qui ne sont pas si vertes que cela et se fournissent avec le nucléaire et pas uniquement aux énergies renouvelables ;
– Les marques d’œufs qui affichent sur leur packaging “élevés en plein air”, mais qui ne spécifient pas en combien de temps l’animal est élevé avant d’être tué ; 
– L’étiquette verte de Coca-Cola Life qui, avec 66% de sucres, était loin d’être une marque saine pour la santé ;

– Les visuels verts et slogans du packaging du liquide vaisselle Rainett qui prétend être écologique alors que rien ne le prouve ;

– Les fausses revendications de neutralité carbone de Delta Airlines ; 

– Les marques qui affichent l’inclusivité dans le casting de leur pub et qui ne l’intègre pas dans leur politique salariale ;
– Ajax qui a verdi ses packagings pour donner l’impression d’une marque plus écologique ;

– IKEA qui détruit des forêts protégées pour produire ses meubles en hêtre.

Face à un consommateur de plus en plus averti, voire méfiant, comment maintenir un lien de confiance durable à travers la communication ?

M.F. : Je pense que c’est ce que je disais tout à l’heure : il faut être sincère, s’engager dans des actions concrètes, et rendre des comptes régulièrement sur son bilan. Sur ce qu’a apporté sa politique, que ce soit en termes sociaux, environnementaux, de respect du pouvoir d’achat, de respect des petits producteurs, du prix juste… Il faut dresser des bilans réguliers, et surtout s’engager dans la durée. Pas juste sur un coup comme ça.

Les secteurs les plus attendus en termes de responsabilité sociétales par les consommateurs :
– Assurance
La prévention des risques reste la priorité absolue du secteur, suivie par le mécénat, le soutien aux initiatives locales et l’attention portée au bien-être des salariés ;
– Automobile
La sécurité routière, la baisse des émissions polluantes, ainsi que sur la fiabilité et la durabilité des véhicules ;
– Beauté
La composition des produits cosmétiques et leur innocuité pour la santé. En 2024, l’égalité progresse et se hisse à la troisième place des attentes, devant le Made in France (en tête en 2022). Le packaging et les tests sur les animaux restent également scrutés ;
– Télécoms
Trois piliers restent inchangés depuis 2022 : l’accès au haut débit, l’économie circulaire et la sécurité des données personnelles. Le bien-être des employés gagne en importance, tout comme le recours au reconditionnement des téléphones et équipements informatiques ;
– Tourisme
Les enjeux d’égalité, de lutte contre les discriminations à l’emploi et de respect des cultures locales prennent désormais le pas sur la seule question du tourisme durable, qui dominait encore en 2022 ;
– Agroalimentaire
Les attentes se concentrent sur le bien manger : origine France, alimentation bio, végétale ou vegan, respect de la saisonnalité, et réduction de l’empreinte environnementale des emballages ;
– Grande distribution
Le respect des producteurs, le développement des marques distributeurs responsables, les prix accessibles sur les produits de base, la lutte contre le gaspillage alimentaire, la traçabilité, les circuits courts, et l’élargissement de l’offre végétale ;
– Décoration & électroménager
Les consommateurs attendent une gestion responsable des ressources, notamment via la protection des forêts pour le mobilier en bois, la vente de produits de seconde main et une meilleure durabilité des appareils électroménagers ;
– Mode
L’origine et les conditions de fabrication, le recyclage des textiles, l’upcycling, l’usage de teintures naturelles et le refus de toute forme d’exploitation des femmes ou des enfants dans les chaînes de production.

Dans un contexte réglementaire en évolution, avec la loi Climat et Résilience et la loi contre le greenwashing (au niveau européen également), comment les annonceurs doivent-ils adapter leurs discours ?

M.F. : Il faut déjà se mettre aux normes, et ça prend du temps. Il ne faut surtout pas se précipiter dans la communication tant que les process n’ont pas été alignés avec les exigences réglementaires. Cela implique souvent de profondes remises en question dans les politiques internes des entreprises. Ça demande de l’adaptabilité, de l’agilité, mais aussi des investissements structurants sur le long terme. Il n’y a pas de solution toute faite pour accompagner les annonceurs, mais cela commence par une veille active sur les réglementations, un travail de pédagogie, et surtout un accompagnement à la transformation en interne avant toute prise de parole.

Avec les nouvelles directives internationales, en particulier les récentes injonctions venues des États-Unis sur les questions d’inclusivité, les marques vont devoir faire preuve de vigilance et d’engagement. On ne peut pas, d’un côté, revendiquer des valeurs d’inclusivité en Europe, et de l’autre, céder à des pressions commerciales qui vont à l’encontre de ces principes sous prétexte de préserver un marché américain. Cela va exiger du courage de la part des entreprises, et dans certains cas, nécessiter de faire des choix stratégiques : rester ou renoncer à certains marchés.

Ces évolutions peuvent aussi ouvrir de nouvelles opportunités. Elles obligent les marques à renforcer leurs engagements, à relocaliser certaines productions en Europe, à faire du Made in France un levier de communication fort, ou à affirmer leur positionnement en se retirant de marchés jugés non compatibles avec leurs valeurs. Cela encouragera aussi une redéfinition des priorités : sortir de certains territoires d’exportation pour en conquérir de nouveaux, plus alignés avec une politique RSE cohérente. Cette période est certes contraignante, mais elle offre aussi l’occasion de se réinventer avec plus de sens.

Quelles tendances de fond observez-vous aujourd’hui en matière de communication responsable, comment pensez-vous qu’elles vont évoluer dans les prochaines années ? Sentez-vous un fléchissement du côté des entreprises sous la pression de la nouvelle présidence américaine ?

M.F. : Je pense que les entreprises prennent conscience, en tout cas par certaines choses qui se passent au niveau du contexte, qu’il soit international ou national – avec la crise économique, le pouvoir d’achat, etc. –, qu’il est important de sortir d’une logique uniquement basée sur le profit et la marge absolue, en arrêtant d’externaliser systématiquement leurs unités de production ailleurs.

En ce moment, il y a quand même une démarche de réappropriation de l’industrialisation de leurs produits. En tout cas, de les faire revenir, dans la mesure du possible, dans la zone euro. Ça ne va pas se faire du jour au lendemain, mais c’est une tendance.

Par rapport aux États-Unis, il y a eu des notes envoyées à certaines entreprises américaines sur l’inclusivité. Quand j’ai entendu ça, je me suis demandé ce que ça impliquait. Est-ce que c’est la loi américaine qui s’applique quand on est une entreprise dont le siège est en Europe ? Ou est-ce que c’est la loi du pays dans lequel l’entreprise est implantée ? En tout cas, les entreprises vont être observées.

On ne peut pas appliquer une politique d’inclusivité dans la majorité des pays, et ne pas la respecter sous prétexte qu’on exporte aux États-Unis. Ce ne serait pas cohérent par rapport aux engagements de l’entreprise. Je pense qu’il va y avoir une bataille juridique pour déterminer ce qui fait loi. Je ne pense pas que les Américains puissent imposer à des entreprises dont le siège social n’est pas chez eux de tout changer.

Mais je ne suis pas juriste, je n’ai pas les réponses à tout ça. En tout cas, ça mérite d’être regardé, et ça peut amener certaines entreprises à revoir leur stratégie commerciale, voire à changer leur politique d’exportation selon les pays.

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