Donald Trump ou la « destinée manifeste » américaine
Le feuilleton entre Trump et le Canada ne fait que commencer... La menace étasunienne pousse donc son voisin à demander de l'aide auprès des Européens… L’article Donald Trump ou la « destinée manifeste » américaine est apparu en premier sur Causeur.

Le feuilleton entre Trump et le Canada ne fait que commencer… La menace étasunienne pousse donc son voisin à demander de l’aide auprès des Européens…
Alors, Josué ordonna aux scribes du peuple : « Parcourez le camp, donnez cet ordre au peuple : “Préparez des provisions, car dans trois jours vous passerez le Jourdain que voici, pour aller prendre possession de la terre que le Seigneur votre Dieu vous donne en héritage.”
Josué : 10-11.
Sa Majesté orange propose d’intégrer aux États-Unis le canal de Panama, le Groenland et, pièce de résistance, le Canada. Rien de moins1.
Esprit fripon
Ces idées furent d’abord accueillies par l’opinion internationale comme de simples boutades émanant d’une personnalité bien connue pour son esprit fripon, mais force est de constater qu’elles ne doivent pas être prises à la légère. En fait, l’offensive a déjà commencé contre l’éventuel futur 51e État par l’arme économique. Une façon d’« attendrir la viande », qui rappelle, mutatis mutandis, l’agression économique diligentée par le président Nixon en 1970 contre le Chili de Salvador Allende et les récentes offres faites à l’Ukraine, qu’elle ne peut pas refuser.
Cette agressivité étonne de prime abord car il semblait, surtout depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, que le monde était entré dans une ère post-coloniale, où la notion de conquête de territoires était devenue obsolète. Mais puisque l’aspirant Imperator Caligula Trumpus a pour ambition de ressusciter un passé glorieux, ce n’aura peut-être été qu’un hiatus. Ce retour aux sources est-il étonnant si l’on se met dans une perspective historique ?
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Le Canada est, en effet, le fruit congelé d’un hasard de l’histoire. Cette colonie fut cédée par la France en 1763 à l’Angleterre et les États-Unis ne purent s’en emparer ni en 1775, ni lors de la guerre anglo-américaine de 1812.
L’expression Manifest destiny (en v.o.) née en 1845, puisée dans la doctrine Monroe de 1823, fut le slogan justifiant la conquête de l’Amérique du Nord par les États-Unis, arguments bibliques à l’appui. S’ils finirent par se résigner à mettre de côté les colonies anglaises septentrionales, ils se rabattirent sur l’ouest du continent, mais… pour lequel ils durent faire concurrence avec l’Angleterre, surtout à partir de 1867, lorsque naquit le dominion du Canada. Si les quatre provinces d’origine (Ontario, Québec, Nouveau-Brunswick, Nouvelle-Écosse) formaient un ensemble géographique pas trop incohérent, il en résulta une frontière rectiligne suivant le 49e parallèle nord, que Trump qualifie, à juste titre, de purement « artificielle », d’autant plus que de nombreux Canadiens des quatre provinces de l’ouest concernées sont les descendants d’agriculteurs américains à qui le gouvernement offrait des terres (s’ils étaient blancs, bien entendu); un partage de territoire on ne peut plus colonial, digne de ce qui fut effectué sur une carte de l’Afrique lors de la conférence de Berlin de 1885, même si, au nord, le décalage culturel actuel se traduit de nos jours par de moins nombreuses églises pentecôtistes et armureries; pour Justin « Blackface » Trudeau, c’est ça ne pas être américain. Et ce n’est pas faux.
Le réel dépassera-t-il la fiction ?
À noter que le chemin de fer Canadien Pacifique, mièvre élément du roman national du Canada anglais (on a les mythes fondateurs qu’on peut), gouffre financier perpétuel, créant une unité économique non américaine est-ouest factice, fut entaché dès sa conception, donc bien avant le premier coup de sifflet, de scandales financiers impliquant le premier Premier ministre fédéral, le poivrot Sir John A. Macdonald, préfigurant le scandale de Panama.
Les Américains, pratiquant leur nouveau sport national, la chasse à l’Autochtone et au bison, mirent le grappin sur le Texas, l’Oregon, même Hawaii … ; l’Amérique latine leur fournit aussi un butin : Porto-Rico, le canal de Panama (État fantoche arraché à la Colombie par la force des armes américaines), et des zones d’influence sans annexion formelle : Cuba, Haïti, Nicaragua…
Même sans le Canada, il y avait de quoi faire.
Mais aujourd’hui, le Caudillo Trump conteste les frontières canado-américaines consacrées notamment par le traité de 1908, comme il conteste le droit du sol constitutionnel, manifestant de manière générale une grande liberté d’esprit en ce qui concerne les textes juridiques.
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Le Canada est une terre promise vu sa richesse en minéraux, mais surtout en eau, plus précieuse encore que le lait et le miel, qui suscite la convoitise des États du sud-ouest des États-Unis, cruellement assoiffés par l’enfer climatique; cependant, le Canada rejette l’idée que l’eau est une simple « marchandise » au sens de l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM). L’annexion rendrait la question caduque.
Mais il serait injuste de ne pas tenir compte de l’attachement sentimental de Donald Trump pour la contrée où bon-papa fit ses débuts dans le monde des affaires. La gestion des maisons closes est très formatrice et ouvre beaucoup de portes, surtout dans l’immobilier.
Il est encore trop tôt pour dire si le Canada fera l’objet d’une invasion militaire en bonne (si l’on ose dire…) et due (si l’on ose dire) forme. Une telle promenade prendrait une journée : on n’est plus en 1812. Rectification : elle prendrait une matinée et, pour faire bonne mesure, sur cette lancée, un largage de quelques paras assurerait la maîtrise du Groenland voisin en une ou deux heures supplémentaires.
Alors, comment l’Ontario (qui est, en pratique, le Canada) peut-il éviter de devenir le 51e État, d’une manière ou d’une autre?
Le magazine The Economist avance la solution de l’adhésion du Canada à l’Union européenne. Le Québec lui, pourrait songer à opter pour l’annexion par la France2.
- Relire l’analyse de Gerald Olivier NDLR : Panama, Groenland, Canada: quand Donald Trump ravive la Doctrine Monroe
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