Deux féminismes irréconciliables

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Mar 11, 2025 - 14:31
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Deux féminismes irréconciliables

La veille du 8 mars, la marche féministe radicale organisée à Paris a suscité une polémique en raison de la participation de collectifs pro-palestiniens, tels que Samidoun et Urgence Palestine, qui ont scandé des slogans pouvant être perçus comme antisémites, notamment «De la mer au Jourdain, la Palestine aux Palestiniens». Initialement interdite par le préfet de police pour risque de troubles à l’ordre public, la manifestation a finalement été autorisée par la justice, rassemblant environ 3 500 personnes. Depuis quelques années, un féminisme revanchard qui adore les bannissements et les dénonciations s’oppose par ailleurs au féminisme universaliste, explique Elisabeth Lévy.


Ce 8 mars a été l’occasion de règlements de comptes entre féministes. D’habitude, c’est plutôt un festival de pleurnicheries sur le sort terrible des Françaises… Mais, depuis deux ans, ces pleurnicheries sont un peu éclipsées par la compromission d’une partie des féministes avec l’antisémitisme.

De curieuses résistantes

Vendredi soir, une marche nocturne féministe radicale était ainsi organisée à Paris par des crypto-djihadistes proches du FLP, très relayée par Insoumis. D’abord interdite par la Préfecture, la manifestation a finalement été autorisée par la Justice. Le mot d’ordre ? Intifada, libération de la Palestine de la mer au Jourdain !

Samedi, c’était la grande manif de la gauche, décrite comme un grand mouvement de «Résistance féministe» par Libération. Malheureusement, ce magnifique mouvement s’est débrouillé pour expulser « Nous vivrons » (qui défend les victimes du 7-Octobre) ou Némesis, collectif extrême-droitisé parce qu’il dénonce les agressions sous OQTF. L’association d’Alice Cordier ne peut apparemment pas se dire féministe et de droite, mais on peut tout à fait se dire féministe et insulter les victimes du 7-Octobre, violées et suppliciées parce que juives. Précisons toutefois que Marine Tondelier et Sandrine Rousseau sont beaucoup plus claires sur le 7-Octobre que leurs camarades insoumises Danièle Obono ou Ersilia Soudais.

https://twitter.com/CordierAlice2/status/1898783654408565059

Nouvelle génération

Ce féminisme post-Metoo défend les footballeuses voilées, mais il est très timide pour les Iraniennes, les Afghanes et les Françaises subissant la loi du quartier. Selon lui, le danger pour les femmes n’est pas l’islam radical mais l’instrumentalisation de l’extrême-droite et de l’Internationale réactionnaire. Ce féminisme dénonce le patriarcat là où il a disparu, et ne le voit pas là où il sévit. Sa principale boutique s’appelle « Nous toutes ». Pas moi !

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Mais, il y a aussi d’autres voix, comme celles des signataires d’un texte dans la Tribune Dimanche. La tribune, initiée notamment par Agnès Jaoui, Caroline Fourest et Delphine Horvilleur, est intitulée Un autre féminisme est possible[1] – et elles n’y vont pas de main morte.  Selon elles, le féminisme est  instrumentalisé de façon caricaturale et sectaire. « Au nom de l’indigénisme et d’une prétendue intersectionnalité, ou par pur esprit partisan, un féminisme totalitaire tend à parler au nom de toutes ». Elles en appellent donc à un « féminisme universaliste » qui dénoncerait tous les oppresseurs et agresseurs, même quand ils sont « racisés » et qui respecterait la présomption d’innocence. Sans la nommer, les signataires attaquent évidemment la députée Sandrine Rousseau, qui n’en démord pas : même innocenté par la Justice, Julien Bayou demeure selon elle coupable.

Comme il y a deux gauches irréconciliables, il y a donc aujourd’hui deux féminismes irréconciliables.

D’un côté, le féminisme universaliste, celui des signataires de cette tribune et d’Elisabeth Badinter. Certes, elles sont peut-être toujours un peu trop soucieuses de montrer qu’elles sont de gauche, elles refusent de condamner MeToo et ne sont selon moi pas assez attachées à la différence des sexes. Mais, elles ne jouent pas les éternelles victimes. Malgré ces divergences, leur féminisme est le mien et aussi celui de millions de femmes et d’hommes nés dans le monde de l’égalité.

De l’autre côté, un néo-féminisme victimaire, pleurnicheur et revanchard, imprégné d’islamo-wokisme, ne veut pas la justice mais la revanche. Si des groupuscules militants subventionnés sont très bruyants et influents dans la jeunesse, les médias ou nos universités, ce féminisme est en réalité minoritaire. Mais, il parvient quand même à faire de l’entrisme institutionnel. J’en veux pour preuve cette vidéo ahurissante du Service d’information du Gouvernement pour célébrer le 8 mars. On y voit trois hommes équipés d’un simulateur de règles qui leur fait mal quand ils répondent mal à des questions sur les femmes. C’est un curieux message féministe qui assimile les règles à une malédiction. Au-delà de mes impôts, si c’est ça l’égalité, rendez-moi le patriarcat !


Cette chronique a d’abord été diffusée sur Sud Radio. Retrouvez Elisabeth Lévy dans la matinale de Jean-Jacques Bourdin


[1] https://www.latribune.fr/la-tribune-dimanche/opinions/opinion-un-autre-feminisme-est-possible-par-agnes-jaoui-caroline-fourest-et-delphine-horvilleur-1020143.html

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