Cet élégant château aux portes de Bordeaux a reçu Louis XIII, Richelieu ou encore Louis XIV avant de devenir une prison pour femmes
À quelques encablures de Bordeaux se trouve un château ducal qui incarne l’ascension et la fortune de celui qui en commanda la construction : Jean Louis de Nogaret de La Valette. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’histoire du monument est aussi mouvementée que celle de son concepteur… Reflet de la puissance […]

À quelques encablures de Bordeaux se trouve un château ducal qui incarne l’ascension et la fortune de celui qui en commanda la construction : Jean Louis de Nogaret de La Valette. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’histoire du monument est aussi mouvementée que celle de son concepteur…
Reflet de la puissance d’un illustre personnage de la noblesse française
Né simple cadet de Gascogne mais grand favori d’Henri III, celui-ci est, pendant trois règnes (Henri III, Henri IV et Louis XIII), l’un des principaux personnages de la noblesse française. S’il meurt en disgrâce sous Louis XIII, à qui il fournit des gardes pour fonder en 1622 la première compagnie des Mousquetaires, l’image de ce grand seigneur animé par une mentalité aristocratique traditionnelle en ont inspiré beaucoup sur l’affermissement d’un État impartial au-dessus des individus et autres corps organisés. Et pour un tel personnage, il fallait bien un château à la hauteur de la renommée. Bâtie à Cadillac-sur-Garonne à partir de 1599, cette résidence d’apparat constitue l’un des premiers exemples d’architecture à la française. Il est un témoin de la fin de la Renaissance et annonce déjà le classicisme du XVIIe siècle. Surtout, en véritable archétype du Gascon orgueilleux, fier et bagarreur, ce château incarne la toute-puissance de ce duc, qualifié de “Demi-Roi”, ayant amassé honneurs et richesses. Pour le bâtir, une partie de la ville fortifiée est rasée. À l’origine, le château est flanqué de deux ailes monumentales et de quatre pavillons d’angle qui entourent la cour d’honneur fermée par un mur d’enceinte. Toutefois, les ailes, les pavillons et ce mur de clôture seront démontés au milieu du XVIIIe siècle et leurs pierres vendues. Digne d’un palais, le château conserve de riches décors intérieurs qu’illustrent particulièrement ses cheminées monumentales ou la quarantaine de tapisseries historiques, sans oublier également la plus importante collection de tentures d’époque au sein des monuments nationaux.
Du palais somptueux à l’enfer carcéral
Saisi pendant la Révolution française, le château de Cadillac connaît un tout autre destin au XIXe siècle, puisqu’il sert de prison. Un contraste total pour cette demeure autrefois prestigieuse qui reçut entre ses murs Louis XIII, Anne d’Autriche, Richelieu, Mazarin ou encore Louis XIV (à qui l’on doit la fondation de cette jolie ville en bord de mer). Comment en-est on arrivé là ? En 1820, on décide en fait d’ouvrir à Cadillac la première prison pour femmes. Les conditions de détention y sont particulièrement difficiles : jusqu’à 500 femmes y seront incarcérées simultanément et, au total, 10 000 prisonnières y séjourneront, le tout avec un taux de mortalité atteignant les 20 % par an. Une “reconversion” qui a également des conséquences sur l’aspect du monument, avec l’édification des deux ailes actuelles et une conciergerie. Dès 1880, le monument devient une école de préservation de jeunes femmes. Là encore, les jeunes filles y résident parfois dans des situations cruelles, certaines étant incarcérées à la demande de leur père pour avoir une bouche en moins à nourrir ou d’autres n’ayant commis que de simples vols. C’est finalement un incendie et la restitution du monument par l’administration pénitentiaire au secrétariat aux beaux-arts, puis au ministère de la Culture, qui viendront mettre fin à ce chapitre plus sombre du château.
Une visite qui fait office de voyage instantané dans le temps
Fortement marquée par plus de cent ans d’occupation carcérale, cette demeure girondine continue néanmoins d’illustrer avec éclat la devise du duc d’Épernon : Adversis clarius ardet, soit “C’est dans l’adversité qu’il brille le plus.” Après plusieurs années de restaurations qui l’ont métamorphosé, les intérieurs monumentaux et raffinés du château de Cadillac sont ouverts toute l’année, sauf jours exceptionnels, pour une visite qui vaut assurément le détour. En pénétrant dans ce château au charme intemporel, on peut donc y admirer des plafonds à la française, des volets intérieurs peints, des cheminées monumentales à la française et une série de tapisseries des XVIe et XVIIe siècles, qui rendent compte des fastueuses collections des ducs d’Épernon. Entre guerres de Religion, début du règne des Bourbons, Fronde et jusqu’à l’avènement du règne personnel de Louis XIV et la fin prématurée de la lignée des Épernon, c’est un véritable voyage dans le temps qui se met en place. Sans oublier l’arrière, où un jardin d’agrément restitué à la fin du XXe siècle, accessible depuis la ville, voit sa surface être limitée par les fortifications de la ville. Depuis 2019, le château de Cadillac s’est enrichi de nouveaux espaces à la visite : les combles. C’est dans cette ancienne partie dortoir que se trouvait des cages à poule plus conformément appelé les chambrettes. Ces cages à poule, qui étaient délimitées par un espace de 1,5 m sur 2m, ne se fermaient que d’une seule façon : il fallait abaisser une manette et toutes les cellules se fermaient alors. À l’intérieur, on y trouvait un lit en métal ou en bois, un matelas et deux couvertures, un vase de nuit et un broc à eau.
Château de Cadillac
4 Place de la Libération
33410 Cadillac-sur-Garonne
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Image à la une : Château de Cadillac © Adobe Stock