Bouches cousues

Emilio, jeune artiste romain, assistant peintre, se retrouve plongé au cœur de nombreuses enquêtes suite à des crimes commis afin de dissuader le Roi Soleil de s'installer à Versailles. Une histoire captivante qui retrace les débuts de la police moderne, de la cour de Louis XIV jusqu'au pire quartier de la capitale... L’article Bouches cousues est apparu en premier sur Causeur.

Mar 23, 2025 - 17:08
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Bouches cousues

Emilio, jeune artiste romain, assistant peintre, se retrouve plongé au cœur de nombreuses enquêtes suite à des crimes commis afin de dissuader le Roi Soleil de s’installer à Versailles. Une histoire captivante qui retrace les débuts de la police moderne, de la cour de Louis XIV jusqu’au pire quartier de la capitale.


Jacques Forgeas ne m’est pas inconnu. Le roman de Philippe Sollers, Une curieuse solitude, a été adapté à la télévision sous le titre Un jeune français. Le scénario et les dialogues étaient de Forgeas. Les lecteurs fidèles de Causeur savent que j’ai longtemps fréquenté l’auteur de Femmes. À chaque fois que l’occasion m’est donnée, j’évoque l’écrivain. Je suis gâté en ce moment car je lis le nouveau livre de Jean-Paul Enthoven, Je me retournerai souvent, dont je parlerai lors d’un prochain article, où il est question de Sollers. Mais revenons à Jacques Forgeas qui publie Les fantômes de Versailles, un polar épatant se déroulant en l’an 1673.

Crime sordide

Versailles n’est pas encore Versailles. Il y a davantage de marécages et de bois que de beaux jardins dessinés par Le Nôtre. S’exiler de Paris et construire un extraordinaire château ruineux fait grincer les dents de la noblesse et de la bourgeoisie réunies. Mais Louis XIV est un grand monarque qui voit grand. Il veut s’installer à Versailles et personne ne pourra s’y opposer.

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Le lieutenant général de police du Roi Soleil l’a bien compris. C’est une sorte de Maigret en perruque et bas de soie qui apprécie le canard rôti accompagné de navets. Mais un crime sordide va bouleverser à la fois les méthodes d’investigation de la police et les médecins légistes. Le foie des victimes va délivrer ses secrets. Crime sordide, donc, d’une jeune femme assassinée sauvagement dans une rue de Paris à peine éclairée où prospèrent les rats – les détails sont précis, jamais anachroniques – à qui on a cousu la gourmande bouche. Cousue avec un fil de soie. Les inspecteurs Laruche et Torsac mènent l’enquête qui va réserver de nombreux rebondissements. Les crimes se succèdent et conduisent aux arcanes de la politique. C’est encore l’époque des poisons et celle de la guerre avec la Hollande. C’est également la période où Colbert est tout-puissant et contrôle une police secrète redoutable. Ajoutons à ce tableau, décrit avec brio par Forgeas – on voit qu’il est scénariste –, l’évocation de la duchesse de La Vallière, évincée par la nouvelle maîtresse du roi, la redoutable et jalouse Montespan. La Vallière s’apprête à entrer au couvent. Mais le roi exige du peintre Mignard de l’immortaliser. Comment va-t-il la représenter ? Le tableau mérite un décryptage, d’autant plus qu’intervient un jeune artiste romain, Emilio, amant de la comtesse de Cruissan. L’artiste est visiblement très doué, surtout pour dessiner les jeunes mortes aux bouches cousues. Il devient l’indic’ des services de La Reynie. Ce dernier, à l’intuition redoutable, veut connaître, sur les ordres royaux, les détails picturaux constituant le portrait de la femme mise au placard.

Réflexion sur l’art

Jacques Forgeas nous tient en haleine jusqu’au bout. Les dialogues sont aussi efficaces que ceux produits par les laboratoires hollywoodiens. Cela signifie qu’il n’y aucun remplissage psychologico-sociologique qui désespère le lecteur au bout de deux chapitres. Il y a, en revanche, une réflexion captivante sur l’art, avec un clin d’œil appuyé à Giotto. « Giotto, vois-tu, est l’inaccessible », dit Mignard à Emilio. L’artiste florentin est très au-dessus des espions, mouchards, sbires, de tous ces hommes sans existence totalement hors-la-loi, surnommés « les fantômes de Versailles. »

Jacques Forgeas, Les fantômes de Versailles, Albin Michel, 448p.

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