Paris : un appartement d’architecte pensé comme un laboratoire de création

Dans le 11e arrondissement, le nouvel appartement de Jasmine Keivanlo et Cyrus Ardalan est l’occasion de concrétiser leurs inspirations et de se prêter aux expérimentations créatives de ce dernier, architecte de profession.

Mai 5, 2025 - 08:03
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Paris : un appartement d’architecte pensé comme un laboratoire de création
Le meuble bureau-bahut bibliothèque est doté d’une grande porte en bois pivotant à 180 degrés pour révéler l’espace bureau. Fauteuil de Pierre Jeanneret. Lampe Shogun de Mario Botta, Artemide.

Après avoir entièrement remanié un appartement dans le 19e arrondissement de Paris, c’est dans le 11e que Cyrus Ardalan et Jasmine Keivanlo ont trouvé leur nouveau lieu de vie. Comme pour le précédent, l’architecte et la directrice du département visuel merchandising de la marque Chloé sont tombés sous le charme d’un bien situé dans une résidence du milieu des années 1960, dont la façade associe plaques de travertin et pâte de verre. « En plus de ses grandes huisseries en bois et en acier, nous avons apprécié son plan général, qui n’était pas trop étroit comme peuvent l’être les appartements traversants du milieu du siècle dernier », racontent-ils. D’abord devancés par d’autres acquéreurs, ils restent en veille et finissent par mettre la main sur un appartement situé juste au-dessus de celui qu’ils avaient visité initialement.

À l’intérieur, ils font table rase de l’existant pour repenser entièrement le plan et choisissent d’installer la cuisine côté rue, à l’opposé de sa position originale, afin d’aménager les deux chambres côté jardin. « Le fait qu’il n’y ait quasiment que des cloisons nous a permis de tout repenser, en favorisant une circulation fluide et en intégrant plusieurs usages dans les mêmes espaces », précise Cyrus.

Parure de lit Tekla. Chaise Standard de Jean Prouvé, Vitra.
Matériau signature de Cyrus, le contreplaqué est un des fils conducteurs de l’appartement, que l’on retrouve aussi bien dans les chambres que dans le couloir ou le salon.

Comme une signature, son travail du bois structure les volumes, apportant chaleur et continuité à travers des éléments menuisés en contreplaqué, cette fois-ci teintés dans une nuance plus sombre que celle de son précédent appartement, pour faire écho aux huisseries existantes. Pour structurer cet espace de vie, trois mobiliers intégrés en bois ont été imaginés. Le premier, un meuble multifonction — bureau, bahut et bibliothèque — s’ouvre sur le salon grâce à une grande porte pivotante à 180 degrés, permettant de dissimuler l’espace de travail de Cyrus lorsqu’il n’est pas utilisé. Le second, situé derrière l’un des canapés, combine rangement musical et bibliothèque, tandis que le troisième, aligné avec l’espace dinatoire en continuité avec la cuisine, fait office de cache-radiateur et de rangement. « Nous voulions aussi surélever les volumes pour laisser filer le sol peint en blanc, un élément de notre premier appartement que nous aimions particulièrement », confie-t-il.

L’îlot de la cuisine sur mesure et l’encadrement soulignant le passage de la cuisine sont recouverts de pâte de verre. SuspensionA110 Hand Grenade
d’Alvar Aalto pour Artek. Au fond, prototype de La petite chaise en bois dessiné par Cyrus pour la Villa Aram, au Sénégal. Au mur, œuvre de Maïlys Seydoux-Dumas.

Véritable terrain d’expérimentation, cet espace permet à Cyrus de travailler des matériaux qui le passionnent. Parmi eux, la pâte de verre, omniprésente dans l’architecture moderne et qu’il considère comme un véritable outil structurel et fonctionnel. Ici, elle vient mettre en relief et embellir la cuisine en soulignant une poutre maîtresse. « Nous avons utilisé la pâte de verre pour encadrer le passage vers la cuisine et la prolonger sur l’îlot central. Son tramage subtil permet d’intégrer discrètement les façades des tiroirs, créant ainsi un volume homogène. Quant au poteau, il assure la continuité visuelle en prolongeant le piétement du plan de travail, tout en matérialisant une séparation légère entre les espaces. » Cette recherche s’étend également à la table de salle à manger, la table basse et la douche, toutes revêtues de pâte de verre, offrant à Cyrus l’occasion d’explorer de nouvelles teintes et de prototyper ses propres créations.

Maquettes de La petite chaise en bois, du fauteuil-table Pourquoi-pas et du paravent issus de la Villa Aram, une maison bioclimatique au Sénégal que Cyrus Ardalan a développée et réalisée en 2022.
Autour de la table de salle à manger en pâte de verre, version laquée de La petite chaise en bois, le tout créé par Cyrus Ardalan. Vase d’Alvar Aalto. Au mur, Lampe de Marseille de Le Corbusier et œuvre de Maxime Bagni.

Adepte d’une simplicité et d’un certain minimalisme dans son rapport à l’objet, le couple parsème son intérieur de pièces de mobilier et d’objets chinés au fil des années, en opérant une sélection parmi sa collection. Ceux qui y sont présentés ont été soigneusement choisis pour s’harmoniser avec l’espace : une chaise Standard de Jean Prouvé, des luminaires signés Alvar Aalto et Charlotte Perriand, ou encore des œuvres d’art, dont Figurantes, un tableau de Maxime Bagni acquis spécialement pour cet appartement. Chaque pièce dialogue avec l’architecture intérieure, soulignant une approche où le choix du mobilier devient un prolongement naturel de la conception spatiale. On retrouve également un prototype de chaise dessiné par l’architecte pour la Villa Aram, une maison bio-climatique qu’il a conçue et réalisée en 2022 au Sénégal, et commencé à produire en bois laqué. Une autre manière de faire de leur intérieur un véritable terrain d’expérimentation.