Les dix ans du syndicat «la Cocarde étudiante»: la rupture du jeune

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Avr 1, 2025 - 21:53
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Les dix ans du syndicat «la Cocarde étudiante»: la rupture du jeune

Nous nous sommes immiscés au colloque des 10 ans du syndicat étudiant.


Comme le temps passe… En 2015, ils avaient 20 ans. Étudiants dans le Quartier latin, ils étaient jeunes, idéalistes, fougueux, fêtards, bavards intellectuels… Dimanche 29 mars, ils se sont retrouvés sous les lustres du Salon des Miroirs (Paris 9e), devant 300 militants, pour célébrer les dix ans du syndicat étudiant La Cocarde, qui a su s’imposer dans le paysage universitaire français. Comme l’exprime Alexandre Loubet : « La Cocarde vieillit bien et a beaucoup d’enfants. » Alors que les initiatives étudiantes disparaissent souvent avec le départ de leurs fondateurs, La Cocarde en est déjà à son quatrième président. Elle compte plusieurs dizaines de sections et d’élus en province et peut remplir une salle à Paris. « Une pensée, en ce dixième anniversaire, pour Olivier V. (Olivier Vial, le président de l’UNI, syndicat étudiant de droite concurrent de La Cocarde NDLR), qui nous donnait deux ans d’existence… » s’amuse Quentin Limongi, ancien président du syndicat. L’UNI, longtemps organiquement liée au RPR, à l’UMP puis à LR, pâtit du déclin des partis de droite classique. Et La Cocarde ne correspond pas au stéréotype de l’extrême droite universitaire d’autrefois : pas de gilets en cuir ni d’actions coup de poing, tout se passe ici entre jeunes gens de bonne compagnie.

En ce temps-là, j’avais 20 ans…

Plusieurs moments d’émotion ont marqué cet anniversaire. « Nous avons vieilli, mon cher Pierre Gentillet », concède Alexandre Loubet au jeune avocat médiatique et figure tutélaire de La Cocarde. Tout à son humeur lyrique, M. Gentillet retrace au passé simple les âges du mouvement et de ses quatre présidents successifs. Plus intériorisé, plus nostalgique, Pierre-Romain Thionnet, du RNJ, confie à propos de ses premiers engagements militants : « C’est cette jeunesse que je ne retrouverai pas, que je ne pourrai plus retrouver », avant d’ajouter : « Mais ça donne des amis. »

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Sarah Knafo, Pierre Gentillet, Pierre-Romain Thionnet, Alexandre Loubet… Ces figures montantes de la droite nationale ont été maintes fois décrites dans la presse ou dans des ouvrages. L’extrême droite, nouvelle génération, publié en juillet 2024 chez Denoël par Marylou Magal et Nicolas Massol, offrait une véritable radiographie de cette jeunesse. « Nous avons commencé cette histoire rue des Canettes », rappelle Alexandre Loubet, allusion aux bistrots où toute une génération de jeunes cadres de la droite s’est forgée. Jordan Bardella consacre d’ailleurs un chapitre entier à ces années de formation dans son propre livre. « On a beaucoup écrit sur nous », feint de s’étonner Sarah Knafo, avant d’enchaîner sur des anecdotes de jeunesse : « Ces jeunes gens qui refaisaient le monde, parlaient jusqu’à l’aube de Michéa ou d’Henri Guillemin, et rêvaient de l’Union des droites… Ils étaient alors loin d’imaginer jusqu’où cela les mènerait. »

Déracinés, mais déjà recasés

Au-delà des retrouvailles et des anecdotes, les idées restent présentes. Plusieurs intervenants ont exprimé leurs visions et ambitions. Marion Maréchal et Sarah Knafo ont pris la parole successivement, évitant soigneusement de se croiser. La députée européenne conservatrice et fondatrice de l’ISSEP en a profité pour rappeler l’importance du combat intellectuel et l’engagement dans un secteur encore hostile, où subsistent « des étudiants trotskystes et des profs mao ».

Le sondeur et cadre du RN, Jérôme Sainte-Marie, a débattu avec le président de Radio Courtoisie, Pierre-Alexandre Bouclay. Ce dernier plaide pour l’acceptation d’une France qui se communautarise (« La France risque d’être communautarisée dans 50 ans, il faut nous y préparer. Je rêve d’un politique qui voit les défis de l’avenir comme Jean-Marie Le Pen l’avait fait »), tandis que M. Sainte-Marie préfère une stratégie d’union du bloc populaire face à l’Union des droites (« Quand on se proclame de droite aujourd’hui, la seule certitude, c’est de passer un excellent après-midi sur la place du Trocadéro dans l’entre-deux tours et un triste dimanche après-midi au résultat des élections »).

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Quelques conseils pratiques pour les militants : le sénateur de Seine-et-Marne Aymeric Durox vante les mérites du métier d’enseignant, qui « laisse du temps pour la politique ». Pendant ce temps, des étudiants jouent des coudes pour obtenir un demi de bière, mais Pierre Gentillet, ascète de la bande, interdit d’ouvrir la tireuse avant la fin de la conférence. Petit privilège toutefois pour les délégations étrangères : on a vu des membres des fraternités étudiantes hollandaises aller et venir, des canettes à la main…

La Cocarde : un Erasmus réactionnaire

L’Europe était présente. Autrichiens, Italiens, Flamands, Hollandais, Espagnols… La Cocarde n’est pas si chauvine et cocardière et s’est trouvé des interlocuteurs européens qui ont fait le déplacement.

Né d’un élan souverainiste, le mouvement a réussi à élargir sa vision. David Zimmerbauer, représentant du Ring Freiheitlicher Studenten (RFS), organisation étudiante liée au FPO autrichien reconnait que le thème de l’identité « est désormais prioritaire » en France comme en Autriche, ce qui ouvre de larges convergences entre partis. L’identité vire parfois au folklore : avec sa rigueur toute germanique, il affiche des ambitions précises et chiffrés : « Nous espérons passer de 3 à 6% des voix au conseil national étudiant (l’organisme représentatif des étudiants autrichiens). » Elan méridional du côté de l’Alternativa Estudiantil espagnole, fondée en 2023 par Fdedro Beigi, qui adopte un discours sans détour : « Luttez contre la gauche ». Riccardo Combina, étudiant en économie à Turin et membre du FUAN-Azione Universitaria, rappelle les liens historiques entre les mouvements français et italiens, héritiers d’une collaboration ancienne. Son mouvement agit autant au niveau des élections étudiantes, du militantisme politique que dans les stades. Lennert Von Hawverweirer, étudiant en philosophie, arbore fièrement l’uniforme traditionnel de la Katholiek Vlaams Hoogstudentenverbond (KVHV!), fraternité étudiante flamande. Dans le monde germanique, ces structures, qu’il s’agisse des fraternités flamandes ou des Burschenschaften allemandes, jouent un rôle central. Plus que de simples associations étudiantes, elles offrent hébergement, vie communautaire et festivités, tissant des liens souvent informels avec les partis de droite ou nationalistes dont elles constituent un vivier de recrutement.

Initialement souverainiste, La Cocarde a infléchi sa position. Pierre-Romain Thionnet, aujourd’hui au Parlement européen, défend une Europe-puissance qui ne fait pas forcément l’unanimité dans son parti le Rassemblement national. De son côté, Pierre Gentillet, lors d’un échange récent avec François Asselineau, a choisi de mettre en avant la défense de l’identité, avec ou sans Frexit.

Entre Internationale des enracinés et Erasmus réactionnaire, ces jeunes Européens partagent une ambition : construire une alliance continentale. Et ils rêvent d’un vaste congrès réunissant les mouvements étudiants identitaires et nationalistes de toute l’Europe. La Cocarde, née dans un élan souverainiste, a su évoluer et s’ouvrir. Une génération nouvelle s’agrège autour de souvenirs, de textes et de verres partagés. Aujourd’hui, tous ces trentenaires ne sont plus seuls, rejoints par une jeunesse de la vieille Europe qui se réunit autour de l’instinct d’une appartenance profonde. Plus que les programmes, ce sont ces liens qui forgent la matrice du pouvoir.

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