Les 4 piliers de la transformation réussie d’une agence avec l’IA

Face à l’essor fulgurant de l’IA générative, les agences de communication se retrouvent à un carrefour : comment intégrer durablement ces technologies sans dénaturer leur valeur ajoutée ? Comment transformer l’IA en levier de performance créative et organisationnelle, plutôt qu’en … Continuer la lecture → The post Les 4 piliers de la transformation réussie d’une agence avec l’IA first appeared on La Réclame.

Avr 28, 2025 - 09:10
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Les 4 piliers de la transformation réussie d’une agence avec l’IA

Face à l’essor fulgurant de l’IA générative, les agences de communication se retrouvent à un carrefour : comment intégrer durablement ces technologies sans dénaturer leur valeur ajoutée ? Comment transformer l’IA en levier de performance créative et organisationnelle, plutôt qu’en simple tendance gadget ? Après plusieurs articles consacrés à l’impact de l’IA en agence, nous avons souhaité prolonger cette réflexion à l’occasion d’un échange avec Marie Robin.

Fondatrice de Fleet Forward, une offre de conseil en accompagnement et pool de talents indépendants en IA générative, Marie Robin a interrogé plus de 50 dirigeants d’agences et responsables IA côté annonceurs sur leurs pratiques. Une restitution partagée lors d’un webinar en avril dernier et qui a permis de revenir sur les enseignements majeurs de cette enquête. Quelles différences entre agences pionnières et retardataires ? Quels nouveaux modèles de facturation à inventer ? Quels pièges éviter ? Autant de questions abordées à travers une méthodologie en quatre piliers pour réussir sa transformation avec l’IA.

Vous avez interrogé plus de 50 dirigeants et directeurs de création sur leurs pratiques IA. Quelles différences majeures avez-vous observées entre les agences les plus avancées et celles qui s’estiment prêtes, mais ne le sont pas ?

M.R. : Une intuition était – et cela s’est confirmé depuis – que les agences ont parfois une propension à sauter sur la dernière innovation venue pour montrer qu’elles sont dans le coup. « Nous avons été les premiers sur Tiktok », « Les premiers à avoir notre lab IA », etc. Mais quand on gratte un peu, ce lab est en fait un freelance DA IA qui récupère toutes les demandes sur le sujet, sans plus d’investissements en interne. Après, comme les demandes de ce type sont en croissance, il arrive qu’on demande au DA de devenir formateur pour les DA de l’agence…  Certaines sont au final plus dans la réactivité que dans l’anticipation, malgré le discours affiché.

Ce que j’ai découvert en creusant, c’est qu’il y a au mieux un effort sur la maîtrise des outils créatifs, mais peu d’agences créatives qui saisissent l’opportunité de s’attaquer au sujet dans ses dimensions organisationnelles et business.

Or l’IA générative n’est pas un simple nouvel outil créatif comme il y en a tant d’autres. C’est une innovation qui challenge les workflows pour plus de productivité, qui autonomise les annonceurs – et qui oblige à repenser les façons de faire pour rester compétitifs. 

Certaines agences ont tout de même réussi à mettre l’IA au centre de leur organisation. Lors de votre webinar, vous avez cité Brainsonic, Jellyfish ou VML… Qu’est-ce qui fait que ces agences semblent avoir un train d’avance ?

M.R. : Le point commun est un leadership technophile qui a su voir où l’IA générative irait avant que les outils ne soient à la hauteur.

Par exemple, Mathieu Crucq chez Brainsonic me disait que dès la sortie de Midjourney en 2022, il avait anticipé que cela allait devenir énorme, grâce à son potentiel, à sa communauté et à tous les financements qu’il y aurait derrière. Il s’y est mis tout de suite. Il a eu cette démarche de « building in public », de personal branding aussi, qui sert à la fois sa visibilité et celle des réflexions et des avancées de l’agence sur ces sujets. Cela leur a permis d’être identifiés au moment où les marques ont commencé à se poser des questions et à chercher des partenaires pour se former. Tout le temps que Mathieu et le reste de l’équipe ont consacré en amont à explorer, tester, mobiliser des ressources pour expérimenter avant même que ce soit rentable, l’agence a pu ensuite le rentabiliser par cette activité de formation.

Plusieurs agences ont ainsi développé une activité formation en parallèle de leurs activités habituelles. Cela finance l’innovation et leur a permis d’avoir un pied chez les clients pour identifier des cas d’usage porteurs, générer de la confiance et devenir incontournables à un moment clé.

Au-delà de la formation, ce qui distingue ces agences est qu’elles ont su investir tôt dans l’IA, en mettant des moyens humains et financiers sur la table. Elles ont su voir que cela ne concernait pas simplement la création, mais aussi la productivité, la performance et la relation client. Et elles en récoltent les fruits en remportant certains briefs plus facilement, ou en étant briefées sans compétition, en s’évitant des recrutements supplémentaires…

Lors de votre webinar, vous évoquiez quatre piliers pour réussir l’intégration de l’IA en agence. Le premier est « le brief augmenté ». En quoi consiste-t-il ?

M.R. : Une des matérialisations du brief augmenté est la possibilité de créer des personas avec l’IA. On peut chatter avec son persona, filtrer des idées créatives par rapport à toutes les informations qu’on a sur la cible, sur l’historique du client, ou sur ses concurrents. Un humain seul peut avoir des trous dans la raquette. Mais en s’augmentant avec une IA, d’un coup, il peut avoir une vision beaucoup plus large et identifier beaucoup plus rapidement les pistes vraiment porteuses et différenciantes. On peut nourrir des assistants IA avec tout ce que l’on veut en termes de données marché, données audience, données client, formats prioritaires… un dossier sur la Réclame évoquait d’ailleurs l’usage des données Kantar / GWI / Ipsos par Monks pour des personas IA ! Cela change aussi la composition des briefs, car maintenant, les clients arrivent parfois avec leurs propres intentions créatives. Cela bouleverse tout et il faut trouver son edge, son avantage concurrentiel, en s’appuyant correctement sur ces outils.

Le deuxième pilier de l’IA réussie en agence est pour vous « l’idéation sans fausse route ». Est-ce une nouvelle façon de travailler pour les agences et les clients ?

M.R. : Avant, en agence, on œuvrait pendant des semaines sur une présentation, qu’on peaufinait dans le taxi cinq minutes avant le rendez-vous… On arrivait avec une ou deux propositions, puis on itérait avec le client avec de nombreux allers-retours – si l’une des propositions était retenue.

Avec l’IA, cela permet d’aller beaucoup plus vite. On peut arriver au rendez-vous avec 30 pistes visuelles ou 30 angles différents, en format atelier. Cela permet au client de choisir très vite ce qu’il préfère : « cela oui, cela non, cela oui, cela non ». Ensuite, on peut mélanger les directions, remouliner et arriver plus rapidement à quelque chose de satisfaisant. Cela change complètement la dynamique.

À condition d’avoir les bonnes personnes autour de la table. Car si on travaille avec le chef de marque, mais que son N+2, trois semaines après, dit que rien ne va, cela reste compliqué. Il faut impliquer correctement toutes les parties prenantes pour réduire les processus de validation et limiter les risques de fausses routes en amont en s’appuyant sur les éléments du brief augmenté.

Le troisième pilier est l’accélération de la production, et c’est celui qui parait le plus évident.

M.R. : C’est certain, mais il y a des considérations de confidentialité, d’environnement et d’éthique qui rendent le sujet sensible.

Du point de vue éthique, certaines marques qui historiquement valorisent les créateurs doivent se poser la question : comment continuer à les impliquer et à les rémunérer, même si on utilise des outils IA ? J’ai bien aimé la démarche de H&M qui a annoncé qu’ils allaient créer des clones IA de vrais mannequins, mais que ces mannequins seraient rémunérés. C’est une bonne piste. De la même façon, j’apprécie que des plateformes comme ElevenLabs permettent à des doubleurs de voix d’être rémunérés chaque fois que leur clone vocal est utilisé. Cela montre qu’il est possible d’imaginer des modèles dans lesquels les talents créatifs ne sont pas exclus, où leur contribution reste reconnue et valorisée.

Ensuite, il y a évidemment le sujet de l’impact carbone. On entend beaucoup que produire avec l’IA, c’est énergivore. Mais si l’on compare à des productions traditionnelles, par exemple envoyer 30 personnes en Afrique du Sud pour un shooting, l’empreinte carbone d’une production IA ou d’un shooting sur fond vert à Paris est bien moindre. 

En fait, c’est une question d’échelle. Bien sûr, il y a des dérives avec des générations de « starter pack » pour rien ou du contenu généré en masse sans valeur. Mais l’alternative classique, elle aussi, a un coût écologique énorme. L’enjeu n’est pas forcément de produire plus, mais de produire plus intelligemment.

Enfin, sur le sujet de la confidentialité, il est important d’offrir à ses équipes un cadre sécurisé (outils, consignes, process) dans lequel travailler en toute sérénité – il y a encore trop d’équipes livrées à elles-mêmes, le shadow AI est un phénomène plus répandu qu’on ne le pense. Restreindre sans éduquer, c’est très court-termiste et peu réaliste – comme demander à un enfant de ne pas manger un bonbon quand personne ne le regarde…

Terminons avec le quatrième pilier : la distribution scalable. Va-t-on parler ici de ces fameuses “décli” ?

M.R. : Et oui, vive les déclinaisons ! Tous ces sujets où il fallait produire des bannières pour tel ou tel format, adapter un key visual en dix versions et/ou dix formats, pour autant de plateformes ou de marchés. Jusqu’à présent, cela représentait des coûts assez significatifs pour les marques. Aujourd’hui, avec des outils comme ceux d’Adobe et maintenant Canva, toute cette partie déclinaisons pourra être gérée en interne par les annonceurs, et commence à s’automatiser dans certaines agences. 

Cela veut dire que ce travail-là sera de moins en moins un vecteur de business significatif. Cela oblige celles qui en dépendent trop actuellement à revaloriser leurs véritables expertises : la création de concepts, la stratégie ainsi que leur accompagnement bien humain. 

Mais il y a aussi là une opportunité : celle de devenir plus performants sur l’optimisation des déclinaisons, notamment en intégrant de l’A/B testing, de l’automatisation sur les ads, et en accompagnant les annonceurs sur cette montée en complexité. Réconcilier créativité et performance. 

Vous évoquiez de nouveaux business models émergents : « Pay per concept », « Creativity as a Service », ou bien des licences d’exploitation… Ces modèles vous semblent-ils déjà viables pour les agences en 2025 ?

M.R. : Le modèle « Pay per concept » existe déjà. Par exemple, Swipe Back a annoncé qu’ils ne participaient plus aux appels d’offres non rémunérés. Si tu veux leurs idées, tu dois payer.

Le licensing existe aussi. Un artiste qui fait payer des droits d’utilisation sur ses productions, c’est du licensing. Si demain n’importe quel style d’agence ou de talent créatif peut être copié grâce aux IA, il faudra peut-être réfléchir à proposer son style sous licence, et à facturer son utilisation.

Pour la « Creativity as a Service », je pense à Oliver, spécialiste des agences in-house. Oliver propose aux grands groupes de leur apporter des ressources, de leur transmettre leur savoir-faire pour gérer une agence, les bons process, les bons outils, et cela fonctionne sous forme de contrats annuels. C’est une approche qui ressemble à de la « Creativity as a Service ».

Ce n’est pas une révolution totale. La question est plutôt de comment s’approprier de nouvelles façons de faire pour éviter de se faire déborder par l’IA qui change les attentes des clients et leur vision des budgets. Car si les agences continuent à vendre des TJM (taux journalier moyen = le tarif par personne d’une prestation d’une journée, ndlr) pour des tâches que l’IA peut faire en une heure, elles ne s’en sortiront pas, et le manque de transparence là dessus peut entacher leur relation avec leurs clients.

Cependant, même en shooting produit, les vrais coûts se situeront encore au niveau de la gestion de projet et notamment au niveau des échanges de validation. Tant que les clients ne seront pas parfaitement organisés en interne, cet aspect restera complexe… et coûteux pour tout le monde.

Et pour finir, pouvez-vous nous livrer les trois erreurs à ne pas faire en tant qu’agence face à l’IA ?

M.R. : La première erreur que je vois souvent est la résistance au changement. Quand le leadership freine alors qu’il y a des équipes qui ont envie d’y aller, cela peut mettre des bâtons dans les roues du business lui-même. Si les dirigeants ne donnent pas l’impulsion, si l’envie d’avancer vient uniquement du bas, cela finit par créer de la frustration et de sacrées pertes d’opportunités.

La deuxième erreur est de ne pas assez parler du sujet avec les annonceurs. Il y a parfois une sorte d’autocensure, une tendance à mettre l’IA sous le tapis, à faire l’autruche. Mais si un client a envie d’accélérer avec l’IA et que l’agence n’est pas capable de lui apporter des réponses concrètes, il ne va pas l’attendre. Il va chercher ailleurs. Il y a un vrai risque de perdre des clients historiques simplement parce qu’on n’a pas engagé la conversation au bon moment.

La troisième erreur est de ne pas cadrer suffisamment l’usage de l’IA en interne. Quand il n’y a pas de direction claire, pas de bonnes pratiques partagées, on se retrouve avec des équipes qui avancent en ordre dispersé. Certains sont très avancés, d’autres pas du tout. Il y a des silos, des doublons, des pertes de temps parce que plusieurs personnes testent la même chose sans se coordonner. Ce n’est pas optimisé, ni en termes d’efficacité interne, ni en termes d’image vis-à-vis du client.

Pour éviter ces erreurs, il faut donner une direction claire, accompagner les équipes, et surtout, ne pas sous-estimer la vitesse à laquelle les choses évoluent. Les clients ne vont pas attendre. S’ils peuvent gagner en efficacité budgétaire grâce à l’IA, ils vont y aller, avec ou sans leur agence historique.

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