Le pape Léon XIV, J.D. Vance et nous
Avant son élection comme pape sous le nom de Léon XIV, le cardinal Robert Prevost avait exprimé son désaccord avec le vice-président américain sur la question de l’immigration. Analyse... L’article Le pape Léon XIV, J.D. Vance et nous est apparu en premier sur Causeur.

Avant son élection comme pape sous le nom de Léon XIV, le cardinal Robert Prevost avait exprimé son désaccord avec le vice-président américain sur la question de l’immigration. Analyse.
Premier Pape américain, Léon XIV sera-t-il plutôt progressiste ou conservateur ? Plutôt woke ou plutôt Maga ? Son magistère moral sera-t-il conforme à celui de son prédécesseur, ou bien plutôt à une morale moins “christique” et plus au fait des réalités du monde ? La question revêt un intérêt brûlant, à l’heure où le monde se recompose autour de nouvelles lignes de fracture et où la guerre fait rage sur presque tous les continents.
Paix juste
En réclamant une “paix juste” pour l’Ukraine, le Pape Léon se démarque – selon certains observateurs – de son prédécesseur, qui réclamait la paix à tout prix. Qu’un Pape invoque la paix, rien d’étonnant. Mais que valent les appels à la paix d’un dirigeant qui n’a aucun moyen de coercition ? “Le pape, combien de divisions ?” disait avec une ironie cruelle Staline, dirigeant le plus sanguinaire du 20e siècle, sinon de toute l’humanité… Mais si le Pape n’a pas d’armée, sa parole porte encore, même dans un monde largement déchristianisé.
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Aussi importe-t-il de savoir quelle idéologie, ou plutôt quelle inspiration chrétienne l’anime. Un “tweet” posté par le cardinal originaire de Chicago en février dernier donne un indice pour répondre à cette question. Alors que le vice-président des États-Unis invoquait la notion augustinienne de l’ordo amoris (qu’on pourrait traduire par le dicton “charité bien ordonnée…”) à propos de l’immigration, Robert Francis Prevost retorqua que Vance avait tort, et que “Jésus ne nous demande pas de classer notre amour pour les autres”.
Monde obscur
La polémique n’est pas seulement affaire de théologie : elle a des conséquences bien concrètes. Pour caractériser ces deux conceptions de la charité et de l’amour, le rabbin-philosophe Elie Benamozegh avait jadis opposé “morale juive” et “morale chrétienne”, la première reconnaissant un “ordre de priorité”, tandis que la seconde prétend englober indistinctement l’humanité tout entière. “Si Jésus prêche l’amour de tous les hommes, explique Benamozegh, si le christianisme a pu se donner l’air d’une morale humanitaire, c’est aux dépens d’un amour non moins sacré, celui de la patrie et de la société’’. Benamozegh souligne la différence entre une charité chrétienne abstraite qui s’étend à l’humanité tout entière, et une charité juive concrète, qui s’applique, selon des cercles concentriques, à la famille, puis à la cité, à la patrie, et enfin à l’humanité tout entière. Cette distinction, quoique schématique, reste néanmoins plus actuelle que jamais. Que l’on pense aux migrants, à l’affrontement global Nord-Sud ou au conflit à Gaza, c’est toujours de cela qu’il s’agit.
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Ainsi, quand des personnalités juives de France invoquent le verset “Tu aimeras ton prochain comme toi-même” pour justifier leur soutien aux populations civiles de Gaza, elles se classent résolument du côté de la charité chrétienne universelle. À l’inverse, quand le vice-président des États-Unis invoque l’ordo amoris, c’est plutôt la “morale juive” qu’il défend. (On pourrait même dire, quitte à susciter les protestations indignées du CRIF et de la LICRA, que la fameuse “préférence nationale” chère au R.N. est, elle aussi, conforme à la “morale juive” d’Elie Benamozegh).
Du nouveau Pape, on peut en définitive attendre une chose essentielle : qu’il mette un peu de clarté dans l’obscurité du monde actuel et qu’il rappelle des choses simples, comme la distinction entre le bien et le mal, entre amis et ennemis, entre les victimes collatérales de la juste guerre menée par Israël à Gaza et les civils israéliens délibérément visés par le Hamas, les Houthis et l’Iran. Si le nouveau Pape est capable de faire de telles distinctions, alors il pourra peut-être prétendre devenir le guide spirituel dont l’humanité tout entière a besoin.
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