La volupté de la transgression ou la douleur de la sanction?

En mars 2024, à Brest, une jeune femme perdait la vie, fauchée en pleine nuit par un conducteur sous l’emprise de stupéfiants et sans permis, au volant d’une moto lors d’un rodéo urbain. Déjà condamné pour des faits similaires, l’homme a été sanctionné par le tribunal correctionnel à dix ans de prison ferme. Une décision saluée par notre chroniqueur comme un exemple de fermeté enfin retrouvée, à l’heure où la justice est accusée d’impuissance face à une violence endémique... L’article La volupté de la transgression ou la douleur de la sanction? est apparu en premier sur Causeur.

Mai 7, 2025 - 18:26
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La volupté de la transgression ou la douleur de la sanction?

En mars 2024, à Brest, une jeune femme perdait la vie, fauchée en pleine nuit par un conducteur sous l’emprise de stupéfiants et sans permis, au volant d’une moto lors d’un rodéo urbain. Déjà condamné pour des faits similaires, l’homme a été sanctionné le 5 mai par le tribunal correctionnel à dix ans de prison ferme. Une décision saluée par notre chroniqueur comme un exemple de fermeté enfin retrouvée, à l’heure où la justice est accusée d’impuissance face à une violence endémique.


L’alternative que je propose dans mon titre va faire, je n’en doute pas, hurler les belles âmes. Pourtant il faut savoir ce qu’on veut.

Laxisme et ensauvagement

On ne peut pas à la fois s’indigner face à l’ensauvagement d’une société – du fait de majeurs souvent multicondamnés et de mineurs de plus en plus précocement engagés dans la violence – et refuser de mettre en œuvre la dureté pénale qui au moins permettrait de le réduire. J’avoue que j’ai pu moi-même, à mon époque d’accusateur public, être coupable de cette inconséquence quand je tentais de concilier ma volonté de réprimer avec un humanisme qui, quoique sincère, faisait pencher la balance probablement vers une sorte de faiblesse.

Parce que, contrairement à ce que croit le commun des citoyens persuadé qu’il est facile d’être infiniment sévère, que ce mouvement est naturel qui devrait conduire les magistrats de la constatation de l’infraction à la rigueur la plus extrême, le processus est beaucoup plus complexe. Il y a parfois même, j’en suis sûr, une mauvaise conscience à l’idée de châtier le crime ou le délit à la hauteur de ce que l’un ou l’autre mérite.

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Pourtant, si l’on a ces états d’âme, il faut choisir un autre métier, une mission moins éprouvante. En matière pénale en tout cas. C’est pour cela que sous la forme d’une provocation, j’avais suggéré que deux fonctions étaient inutiles dans l’univers pénal : les juges des enfants et les juges de l’application des peines.

L’insécurité, plus qu’un « sentiment »

Ce qui était déjà difficilement admissible quand l’insécurité semblait encore freinée dans son développement est devenu franchement insupportable avec le dépassement de ce qu’une société est capable de tolérer. Il est bien fini le temps où un garde des Sceaux aveugle pouvait évoquer seulement « un sentiment d’insécurité » quand aujourd’hui, grandes cités, périphéries et provinces sont touchées par la gangrène d’une malfaisance prenant mille formes, et d’abord celle effroyable du narcotrafic mêlant le lucre, les meurtres, les assassinats comme s’il en pleuvait !

L’ancien garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, à l’Assemblée nationale, 3 juillet 2023 © Jacques Witt/SIPA

Il est d’autant plus nécessaire de changer radicalement son logiciel, comme le souligne souvent Pascal Praud sur CNews, que malgré cette dérive qui incite même les citoyens les plus équilibrés à juger prioritaire l’ensauvagement national, la vision de la police et de la Justice n’a pas radicalement changé. Y compris à droite, puisque la gauche et l’extrême gauche s’obstinent dans une antienne qui ressasse que la société est coupable et le délinquant victime.

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Ce qui a été décisif dans ma réflexion, outre la nausée devant ce que la quotidienneté fait surgir avec un pire toujours plus indigne, est la profonde lucidité d’un Maurice Berger, pédopsychiatre et psychiatre d’adultes qui un jour, questionné par Sonia Mabrouk, a énoncé cette évidence toute simple, au sujet de l’enfermement : qu’il devrait être plus inconfortable, plus douloureux que la vie d’avant.

Revenir sur la « crainte de la sanction »

On peut bien sûr continuer à applaudir des deux mains tout ce qui adoucit, infléchit, assouplit, fragilise, relativise cette règle d’or. En se félicitant aussi que la crainte de la sanction, en définitive, pèse peu face à la volupté immédiate de la transgression. Mais qu’on ne s’étonne pas alors que le choix soit vite fait pour la plupart des délinquants qui, incapables d’ailleurs de se projeter, optent pour la drogue de l’interdit plus que pour une honnêteté que la rigueur de la Justice devrait imposer.

Et il n’est même pas nécessaire de faire référence au Salvador en se moquant absurdement de ce qu’a très bien dit son président : « Combien de millions de personnes ont ainsi été sauvées par cette sévérité ? »

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Ce billet m’a été directement inspiré par le jugement selon mes vœux du tribunal correctionnel de Brest ayant condamné à dix ans d’emprisonnement (le parquet en avait requis douze) l’auteur d’un rodéo urbain qui, sous l’emprise de stupéfiants et sans permis, avait fauché une jeune femme au cours d’une nuit de mars 2024. Le prévenu était déjà connu pour des infractions similaires sur le plan de la drogue et de la conduite. Si l’exécution de cette peine n’est, pour une fois, pas totalement dénaturée, nous aurons là l’illustration de ce que ce post cherche à démontrer.

Pour espérer une France moins dégradée, attaquée et meurtrie au quotidien, il faut que la douleur de la sanction relègue au second plan la volupté de la transgression. Ce serait cruel ?

La cruauté serait de ne pas le faire.

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