Goodeed : le good peut-il redevenir bankable ?
À l’occasion du Jour de la Terre, ce mardi 22 avril, la Réclame donne la parole à Vincent Touboul Flachaire, fondateur de Goodeed, de retour aux affaires après avoir annoncé, il y a dix jours, le rachat de l’entreprise qu’il … Continuer la lecture → The post Goodeed : le good peut-il redevenir bankable ? first appeared on La Réclame.


À l’occasion du Jour de la Terre, ce mardi 22 avril, la Réclame donne la parole à Vincent Touboul Flachaire, fondateur de Goodeed, de retour aux affaires après avoir annoncé, il y a dix jours, le rachat de l’entreprise qu’il avait cédée à La Banque Postale en 2018.
Dans cet entretien exclusif, Vincent Touboul Flachaire revient en détail sur les coulisses de cette reprise, ses ambitions de croissance raisonnée, et le rôle que pourrait jouer Goodeed à l’international – notamment aux États-Unis – dans un contexte de désengagement des financements publics. L’occasion de décortiquer un projet unique qui pourrait bien donner au “good” une place plus forte dans l’écosystème publicitaire.
Pourquoi avoir décidé de racheter Goodeed aujourd’hui, sept ans après l’avoir cédée à KissKissBankBank, filiale de La Banque Postale ?
Vincent Touboul Flachaire : Goodeed a été rachetée en 2018. J’ai continué à diriger l’entreprise pendant 4 ans avant d’en sortir pour rejoindre un programme de recherche de la Fondation Obama en partenariat avec l’Université Columbia.
Je n’avais pas prévu de revenir chez Goodeed, mais La Banque Postale a décidé de revendre la société, comme une grande partie des entreprises de son pôle croissance for good suite à un changement de stratégie. Ils m’ont contacté et j’ai monté ce projet de reprise en 8-9 mois, avec l’équipe Goodeed et un groupe d’investisseurs (Céline Lazorthes, fondatrice de Leetchi et de Mangopay, Xavier Durand, cofondateur de Aircall et de Chilli, Antoine Martel fondateur de Rgoods et d’iRaiser, Olivier Legrain, La Maison des Médias libres ou encore Clément Lebras cofondateur de Lilo et de My Lovely Planet ou encore Olivier, Ménard, Head of Green & Sustainable Finance chez Natixis, ndlr).
Les grands groupes ne sont-ils pas faits pour intégrer des structures liées au good ?
V.T.F. : Je ne saurai dire. Mais j’ai pu observer deux choses.
D’une part, la plupart des groupes qui ont parié sur l’impact ou le good comme “the next big thing” se sont trompés. Investir à tout-va dans des projets à enjeux sociaux ou environnementaux, racheter avec frénésie des entreprises à mission, cela n’a pas d’effet durable si ces intentions ne sont pas au cœur des activités du groupe.
Ensuite, même avec la meilleure volonté du monde, la matrice économique des entreprises reste celle de la “bottom line” : l’EBITDA, le résultat net… le profit en somme. Et tant qu’il n’y aura pas une révolution des indicateurs non-financiers dans les entreprises, le good ne sera pas valorisé à sa juste valeur.
Ce rachat est-il une réaction au contexte politique du moment ?
V.T.F. : Je viens de passer un an et demi aux États-Unis, et en effet, l’élection de Trump a été un cataclysme. Les 42 milliards d’aides humanitaires coupés dans le budget de l’USAID ont et auront un impact considérable dans le monde.
Goodeed, c’est près de 10 millions d’euros collectés en 10 ans pour les associations. Forcément, comparé aux 42 milliards, ce n’est pas grand-chose, mais nous faisons notre part. Avec, je pense, un certain potentiel de croissance.
L’ambiance aux États-Unis est très particulière. Mon programme était dans l’université de Columbia, un bastion très progressiste, et depuis le début de l’année, j’ai commencé à voir des gens qui me disaient des choses du genre « Je ne peux pas te parler de cela par mail. » Alors que c’est censé être l’une des plus grandes démocraties au monde…
Et pourtant, cela m’a donné envie de déployer Goodeed aux États-Unis.
Ah ?!
V.T.F. : Nous étudions la possibilité de se lancer officiellement aux USA avec une levée de fonds. Lors de mon séjour là-bas, j’ai vu le potentiel que cela pouvait avoir : “Il faut absolument qu’il y ait Goodeed aux États-Unis ! Mais pourquoi es-tu parti ?” Revoir cette flamme dans les yeux des gens là-bas m’a grandement motivé. Et vu le contexte, cela a plus que jamais du sens.
Aux États-Unis, le marché publicitaire et l’appétence au don représentent un tout autre monde… et de tout autres montants. Peut-être que notre prochain cap n’est pas 10 millions de collectés de plus pour les associations, mais 50 millions grâce à ce nouveau marché.
Observez-vous un désengagement des pouvoirs publics en France vis-à-vis de l’associatif ?
V.T.F. : Au niveau européen et français, les aides auprès des acteurs de la solidarité ont beaucoup baissé. En 2024, l’État français a réduit de 800 millions d’euros son aide au développement international, en baisse de 10 %.
Au niveau national, on le sait, une partie de la population française dépend totalement du travail associatif, et cela s’est accentué depuis le Covid. Toute coupure budgétaire peut avoir des conséquences très concrètes. Les besoins n’ont pas baissé, bien au contraire.
Est-ce que les entreprises compensent en s’engageant davantage ? Je n’en ai pas l’impression. On le sait, les incertitudes économiques pèsent sur ce type d’actions. Mais cela m’agace un peu. Lors du Covid, de nombreuses marques avaient mis en avant leurs engagements, et depuis, on a l’impression que cela s’est évaporé. Pourtant, on le sait, la cohérence dans le temps est clé pour une marque.
Heureusement, toutes les marques n’ont pas déserté ce champ de bataille. Par exemple, nous avons accompagné Lipton Ice Tea qui a reversé dans les 300 000 euros à une association nommée Enactus, et qui travaille sur l’entrepreneuriat social et aide des jeunes à rentrer dans le monde du travail.
Hormis le lancement américain, quels sont vos objectifs du moment ?
V.T.F. : L’objectif est de revenir rentable pour Goodeed France. L’année dernière, la société a perdu un peu d’argent. L’idée est de la remettre à l’équilibre rapidement.
Mais ce qui nous motive, ce sont les montants que nous reversons aux associations. Si d’ici deux ans, nous arrivons à reverser 10 millions d’euros de plus, nous serons méga fiers. Chaque euro compte. Et cela traduire une accélération de notre activité, car nous aurons fait en deux ans ce que nous avons précédemment fait en 10 ans.
Quelle part des campagnes média reversez-vous à des associations ?
V.T.F. : Pour des campagnes en gré à gré, 60 % du budget média est reversé aux associations. Ce pourcentage peut ensuite varier si c’est une campagne vendue par un partenaire (TF1 Pub, M6 Publicité…) ou si l’achat se fait en programmatique.
Quelle est l’étape d’après pour Goodeed ?
V.T.F. : Le rachat a été annoncé il y a une dizaine de jours, donc je dirais que nous sommes déjà dans l’étape d’après ! Priorité à la rentabilité et aux États-Unis comme je l’évoquais plus haut. C’est déjà un beau programme pour les artisans que nous sommes.
J’aimerais aussi que nous consolidions un groupe solidaire, en rassemblant d’autres entreprises et projets. Cela pourrait être un groupe digital autour des médias, mais avec une mission. Il y a encore plein de choses à faire. D’ailleurs, plusieurs postes sont ouverts chez nous en ce moment, nous recrutons.
À plus long terme, je dirais que si on arrive à capter 1 % des 1000 milliards d’investissements publicitaires annuels dans le monde, et à les reverser à des associations, l’impact sera considérable : 10 milliards par an ! Toutes les startups visent ce fameux “1 % du marché”. Mais dans notre cas, cela a plus que du sens.
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