Goldnadel moque les wokes
Délaissant l’essai et le pamphlet, notre chroniqueur publie un roman de politique-fiction. Dans une France où Jean-Luc Mélenchon a pris le pouvoir et fait arrêter ses opposants, on suit les mésaventures d’un certain Gronadel face à l’idéologie LFiste. Un récit à la fois hilarant et effrayant... L’article Goldnadel moque les wokes est apparu en premier sur Causeur.

Délaissant l’essai et le pamphlet, notre chroniqueur publie un roman de politique-fiction. Dans une France où Jean-Luc Mélenchon a pris le pouvoir et fait arrêter ses opposants, on suit les mésaventures d’un certain Gronadel face à l’idéologie LFiste. Un récit à la fois hilarant et effrayant.

Causeur. Contrairement à votre précédent ouvrage, qui était empreint d’inquiétude et de gravité, votre nouveau livre est un petit bijou de drôlerie. Pourquoi cette soudaine gaieté sous votre plume ? Auriez-vous retrouvé le moral ?
Gilles-William Goldnadel. Vous savez, le rire n’est pas forcément synonyme de bonheur chez moi… Si j’ai choisi d’injecter une certaine dose d’humour dans ce livre, c’est parce je ne voulais surtout pas assommer mon public avec un énième opus sur le wokisme. La plupart des essais parus sur le sujet sont excellents, mais le plus souvent ils vous tombent des mains. Aussi j’ai pensé qu’alterner, dans ma prose, les passages sérieux et les respirations comiques serait de bonne pédagogie.
De bonne pédagogie, carrément ?
Derrière la trame burlesque de mon récit, la pensée que je développe au fil des pages est parfaitement sérieuse et documentée. Il y a d’ailleurs une notice bibliographique en fin d’ouvrage qui indique toutes les publications savantes dont je me suis servi pour défendre mon héros, le dénommé Gronadel, face aux magistrats wokes qui, dans un futur proche et dystopique, l’accusent des pires crimes, notamment d’être hostile à l’immigration massive, d’afficher sa solidarité envers l’État d’Israël et de critiquer ouvertement l’écologie politique. Devant ses juges, Gronadel, qui assure lui-même sa défense, choisit une stratégie de rupture en s’ingéniant à leur montrer que leur idéologie pseudo-progressiste est bien pire que la sienne, puisqu’elle conjugue le racisme (antiblanc), l’antisémitisme (déguisé en antisionisme) et même, s’agissant de la question du réchauffement climatique, la négation pure et simple de la rationalité scientifique.
Vous y allez fort sur ce dernier point, non ?
Nullement ! Il y a quelques années, j’ai été taxé de rien moins que de « propos criminels » par Brune Poirson, alors secrétaire d’État à la Transition environnementale. Mon tort à ses yeux ? Avoir simplement osé m’interroger, en sa présence lors d’une émission sur LCI, sur la part exacte de la responsabilité humaine dans le réchauffement climatique. Une question interdite de cité dans les milieux autorisés. Quand on en vient à carrément criminaliser un esprit qui doute, la tentation totalitaire n’est plus bien loin.
Les mésaventures judiciaires de Gronadel font d’ailleurs parfois penser au procès Kravchenko.
C’est fait exprès. Je voulais rappeler que l’extrême gauche contemporaine est l’héritière d’une longue histoire et qu’elle n’a pas attendu Black Lives Matter, MeToo et le Nouveau Front populaire pour sévir sous nos latitudes. Évidemment la France n’est pas l’Union soviétique et ce que j’appelle « le privilège rouge » n’est pas institutionnel, mais juste culturel. Encore que, dans les médias du service public audiovisuel, ce sont bien les idées les plus radicales qui occupent tout l’espace, en toute impunité.
Parmi les délits d’opinion dont votre double, Gronadel, doit répondre, il y a son soutien à l’État juif. En lisant votre plaidoirie pro domo, certains seront toutefois surpris de constater que vous n’êtes pas fermé à la cause palestinienne. Souffrez-vous d’être indûment caricaturé en chantre du grand Israël ?
Si je devais me plaindre à chaque fois que les adversaires me présentent d’une façon malhonnête, je n’aurais plus le temps de faire rien d’autre ! Mes lecteurs de bonne foi savent que je n’ai jamais eu la religion des territoires et que j’ai toujours préféré, pour parler trivialement, « un petit chez-moi à un grand chez les autres ». D’autant que les Arabes de Palestine ont un excellent dossier, je veux dire que l’on peut comprendre leur inquiétude quand ils ont vu de nouveaux arrivants s’installer sur une terre où ils vivaient depuis des siècles. Hélas, ce bon dossier a été totalement perverti par un islamo-nationalisme destructeur, qui en son temps n’a pas hésité à s’allier avec Hitler et qui est encore aujourd’hui étranger à tout principe de compromis.
N’oubliez-vous pas un peu vite les accords d’Oslo ?
Non, je m’en souviens très bien. À l’époque, j’étais le président de l’Association France-Israël et je m’étais engagé pour cette solution à deux États, qui excluait donc d’implanter des populations juives en Cisjordanie et se contentait là-bas de bases de Tsahal aux fins d’établir un légitime glacis géostratégique. Mais si Oslo a capoté, c’est à cause de Yasser Arafat, qui a saboté le processus en laissant sortir de ses prisons les pires nervis antijuifs du Hamas. Il craignait sans doute de mettre en colère son camp en se montrant trop arrangeant avec Israël, et de finir assassiné par les siens, comme Anouar el-Sadate en 1981.
À lire aussi, Gilles-William Goldnadel : Des vessies pour des nazis
En vous lisant, on se demande parfois si vous n’êtes pas désespéré par la France au point d’envisager de vous installer un jour dans votre seconde patrie, Israël.
Détrompez-vous. J’ai bien l’intention de demeurer dans le pays qui m’a vu naître. Ne serait-ce que pour le défendre du bout de ma plume. Même si je comprends, bien sûr, ceux qui font un autre choix, effrayés qu’ils sont par la montée de l’antisémitisme. Cela dit, Israël n’est pas non plus un paradis. Le wokisme y fait également de grands ravages.
Les récentes victoires d’Israël face au Hamas et au Hezbollah vous rendent-elles optimiste pour ce pays ?
Cette affaire est trop tragique pour me transporter d’aise. Je pleure chaque jour les enfants arabes tués dans les combats. Ces malheureux sont morts à cause du seul Hamas, qui les utilise comme boucliers civils. Reste que je suis hanté par les paroles de Barbara : « Tant pis pour ceux qui s’étonnent, et que les autres me pardonnent, mais les enfants ce sont les mêmes, à Paris ou à Göttingen. » Cela étant posé, je ne vous cacherai pas non plus combien je suis fier de Tsahal. Ne serait-ce qu’à cause de son succès dans l’épopée des bipeurs. Israël a gagné une guerre militaire qu’elle ne devait pas perdre et a perdu une guerre médiatique qu’elle ne pouvait pas gagner.
Vous écrivez dans votre Journal d’un prisonnier que l’extrême gauche occidentale « est plus palestinienne que les Arabes de Palestine ». Comment expliquez-vous ce phénomène ?
Ce phénomène, j’ai été l’un des premiers à le dénoncer. Seulement je dois reconnaître que je n’avais pas prévu qu’il prendrait une telle ampleur. Jamais je n’aurais imaginé que les grandes ONG humanitaires et le parti principal de la gauche française reprendraient carrément à leur compte la rhétorique du Hamas. Et pas seulement pour des raisons électorales.
Pour quelle autre raison ?
Comme je l’ai théorisé dans mes Réflexions sur la question blanche en 2011, je professe que la gauche occidentale, obsédée par la figure de l’antéchrist blanc Adolf Hitler, est animée par une haine pathologique post-chrétienne envers les nations blanches, et que, à la faveur d’un incroyable retournement des valeurs, elle déteste encore davantage la nation juive, vue comme une nation blanche au carré.
Dans le futur que vous décrivez, la France est gouvernée par des islamo-gauchistes, qui interdisent carrément l’usage du second degré dans l’espace public. Mais n’avez-vous pas succombé à la même tentation en vitupérant Guillaume Meurice suite à sa mauvaise blague sur le prépuce de Benyamin Nétanyahou ? Ne faisait-il pas, lui aussi, du second degré ?
Ce que je reproche principalement à Meurice, c’est de rire la bouche uniquement en coin à gauche. S’il se moquait de tout le monde, cela ne me poserait aucun problème. Si après avoir chanté « Jésus est pédé », l’humoriste de France Inter Frédéric Fromet avait eu le courage de faire un sketch du même acabit sur Mahomet, j’aurais plus d’indulgence pour ses saillies blasphématoires.
Vous n’avez pas non plus tellement fait preuve d’aménité lorsqu’on a appris la mort de Jean-Marie Le Pen, qui lui aussi avait le sens du calembour choquant…
Je ne reprochais pas au fondateur du Front national son sens de l’humour. C’est au contraire quand il était sérieux qu’il me dérangeait. Je l’ai rencontré vers 1987, à sa demande, dans sa villa de Saint-Cloud. Déjà à cette époque, ses thèses sur l’immigration me parlaient. Et je supportais davantage son antisémitisme du passé, assez inoffensif, à l’antisémitisme autrement plus violent et sanglant des islamistes et de leurs alliés gauchistes en plein essor. Me voilà donc dans le bureau de Jean-Marie Le Pen. Il entreprend de m’expliquer qu’on lui fait un bien mauvais procès en le traitant de néonazi, lui qui n’est en rien responsable de la barbarie hitlérienne. En quoi il n’a pas tort. Seulement, je lui fais alors remarquer que, n’étant pas davantage responsable du goulag, il n’en a pas moins observé une minute de silence pour rendre hommage aux victimes du communisme sur le plateau de « L’Heure de vérité ». Pourquoi ne pas accomplir un même geste s’agissant de la Shoah ? Il m’a promis de réfléchir. Depuis, le point de détail… Quel gâchis ! Avec ses provocations antisémites, cet homme a perverti le légitime combat contre l’immigration massive et invasive dans notre pays, et nous a fait perdre un temps précieux. Si j’en veux à Jean-Marie Le Pen, ce n’est pas seulement parce que je suis juif, mais surtout parce que je suis français.
Gilles-William Goldnadel, Journal d’un prisonnier, Fayard, 2025.
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