Emmanuel Macron accusé de tirer profit de la guerre en Ukraine
Après le revirement américain dans le soutien à l'Ukraine et la multiplication d’ingérences russes, le président français est accusé de dramatiser la situation géopolitique pour redorer son blason auprès des Français et renforcer le projet fédéraliste européen. Le point de vue de Didier Desrimais... L’article Emmanuel Macron accusé de tirer profit de la guerre en Ukraine est apparu en premier sur Causeur.

Après le revirement américain dans le soutien à l’Ukraine et la multiplication d’ingérences russes, le président français est accusé de dramatiser la situation géopolitique pour redorer son blason auprès des Français et renforcer le projet fédéraliste européen. Le point de vue de Didier Desrimais
Conflit russo-ukrainien. En France, la propagande pro-guerre bat son plein sur la majorité des chaînes de télévision et de radio – sur l’audiovisuel public, c’est 100 % – et dans presque toute la presse écrite. L’examen approfondi des évènements se voit supplanté par les bêlements bellicistes du troupeau politico-médiatique. Ceux qui se tiennent à distance de la simplissime doxa de nos responsables politiques et des médias va-t-en guerre sont traités, au choix, de trumpistes, de poutiniens ou de munichois. Il s’agit de faire taire les récalcitrants, peu invités dans les médias mainstream mais quotidiennement sermonnés par Patrick Cohen sur France Inter. Ce dernier, bien au chaud dernier son micro, est prêt à en découdre. Quant au journaliste Darius Rochebin, il s’enthousiasme sur LCI, face à Oxana Melnychouk, présidente de l’association “Unis pour l’Ukraine” : « Donc, on peut être optimiste. Si les Européens prennent la relève, la guerre peut continuer ! »
La pensée unique a encore frappé
Aubaine : le « clash » entre Trump, Vance et Zelensky permet à Emmanuel Macron de se refaire une santé politique en France et en Europe. Il peut compter sur des soutiens de poids. François Hollande, Raphaël Glucksmann, Marine Tondelier, Olivier Faure et Édouard Philippe relaient les propos du plus macroniste et du plus obtus des eurodéputés français, Bernard Guetta : la Russie veut envahir l’Europe, Donald Trump est un imbécile à la solde de Poutine, l’Ukraine peut gagner la guerre si l’Europe la soutient. D’une seule voix, ils condamnent le président américain qui aurait « humilié » Volodymyr Zelensky. Pourtant, lorsqu’on y regarde de plus près, l’entretien qui s’est tenu à la Maison-Blanche a surtout montré que la nouvelle administration américaine désire, coûte que coûte, le retour de la paix en Europe – sur les cinquante minutes qu’il a duré, les médias complices n’ont montré que les huit dernières, c’est-à-dire le moment où Trump et Vance, exaspérés de voir que le président ukrainien n’est venu que pour quémander de l’argent et des armes, décident de lui dire ses quatre vérités : l’Ukraine a perdu la guerre, le pays est exsangue, son président n’est pas en position de dire aux Américains ce qu’ils doivent faire ou redouter ; soit il négocie la fin du conflit, soit les États-Unis le lâchent complètement et son pays subira une défaite totale et humiliante dont la population, déjà meurtrie par trois années de guerre, sera la principale victime.
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Dans le Bureau ovale, Zelensky a commis plusieurs erreurs. Il a d’abord cru pouvoir dérouler sans être interrompu le discours qu’il tenait depuis des mois au gouvernement démocrate américain et à la Commission européenne : la Russie a attaqué l’Ukraine sans autre motif que de débuter une invasion impérialiste qui visera bientôt les pays baltes, la Roumanie, la Pologne et, pourquoi pas, l’Allemagne et la France. L’Ukraine est le dernier rempart. Sauvez-la pour vous sauver – donnez-lui les moyens financiers et militaires pour tenir tête au dictateur Poutine dans un conflit qui voit se confronter, ni plus ni moins, le camp du bien et celui du mal. Etc. Il a brandi les mêmes mensonges, en particulier sur le fait que lui, Zelensky, aurait respecté les accords de Minsk et que Poutine se serait assis dessus – cette contrevérité a été réitérée par Emmanuel Macron lors de son allocution télévisée. Rappelons que ces accords prévoyaient une relative autonomie des territoires russophones du Donbass, les régions séparatistes de Donetsk et de Lougansk, suite à une réforme constitutionnelle et à des élections qui n’ont jamais eu lieu. « Porochenko d’abord, puis Zelensky, ont accepté les principes de l’accord, mais ne l’ont finalement jamais appliqué », affirmait en 2022 Jean de Gliniasty, ancien ambassadeur de France à Moscou. Angela Merkel et François Hollande, dont le rôle était de garantir le respect des accords de Minsk, ont avoué plus tard que ces accords n’avaient jamais eu pour objectif de régler le conflit dans le Donbass mais, au contraire, celui de donner du temps à Zelensky pour se renforcer militairement afin de conserver les territoires séparatistes, y compris en mettant en place, avec l’aide des États-Unis, 12 bases militaires de renseignement établies tout le long de la frontière avec la Russie, comme l’a révélé le New York Times. Durant cette période, le gouvernement ukrainien n’a pas ménagé ses efforts pour rendre la vie dure aux russophones des oblasts du Donbass. Le président Zelensky a muselé l’opposition, fait fermer trois chaînes de télévision sous prétexte d’enrayer la propagande russe sapant « les efforts de l’Ukraine sur le chemin de l’Union européenne et de l’intégration euro-atlantique », fait interdire par décret un site web extrêmement populaire (strana.ua), un des rares médias ukrainiens à avoir dénoncé la corruption massive et généralisée qui gangrène le pays depuis des décennies, y compris au sein des gouvernements successifs. Zelensky a également fait interdire, un mois après le début de la guerre, 11 partis d’opposition considérés comme « pro-russes », dont le parti Plateforme d’opposition – Pour la vie, la deuxième force politique du pays avec 43 députés.
La nouvelle administration américaine n’ignore rien, ni des ingérences américaines dans la vie politique de l’Ukraine depuis la fameuse « révolution » de Maïdan, ni du rôle de l’administration Biden dans la poursuite de la guerre – entre autres, au moment où, en mars 2022, des négociations entre les belligérants laissant espérer une issue rapide furent annihilées par l’intervention de l’émissaire de l’Oncle Sam, Boris Johnson –, ni des investissements financiers et militaires américains avant et pendant la guerre. Elle veut y mettre un terme. Lors de sa campagne, Trump a annoncé clairement ce qu’il ferait en cas de victoire : 1) agir fermement pour que cesse rapidement la guerre ; 2) cesser d’agiter le chiffon rouge sous le nez de Poutine en laissant croire que l’Ukraine pourrait entrer un jour dans l’Otan ; 3) rétablir des relations apaisées avec le président russe, le but pouvant être de fragiliser les liens de la Russie avec la Chine ; 4) business is business : se faire rembourser, d’une manière ou d’une autre, les 180 milliards de dollars dépensés pour soutenir l’Ukraine et dont une bonne partie a été détournée pour finir dans les poches de Dieu seul sait qui, de l’aveu même de Zelensky ; 5) remettre en question le principe du « parapluie » militaire américain dans le cadre de l’Otan, au moins pour ce qui concerne la participation budgétaire de chaque État membre de l’organisation atlantiste. Zelensky a fait fi des déclarations de Trump. Poussé par des Européens que n’enthousiasme pas une possible cessation du conflit dû essentiellement à l’activisme forcené de Trump, il a cru pouvoir à nouveau obtenir ce qu’il réclamait après chaque rencontre avec Joe Biden : de l’argent, des armes, un discours de soutien inconditionnel. Très exactement le contraire de ce que Trump promet depuis des mois.
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Menace principale et menaces secondaires
Dans le Bureau ovale, l’entretien s’est mal terminé – il aurait pu se terminer plus mal encore si Trump et Vance avaient compris l’expression russe « suka blyat » que Zelensky marmonne, après que le vice-président a évoqué la brutalité des agents chargés de « recruter » de jeunes Ukrainiens pour les envoyer de force sur le front, et qui signifie… « fils de pute ». Quoi qu’il en soit, le ton est monté au fur et à mesure que Zelensky est revenu à la charge pour obtenir les moyens de continuer la guerre en attendant de signer la paix à ses conditions. L’exaspération du président et du vice-président américains atteindra son comble lorsque Zelensky affirmera que les Ukrainiens « se battent seuls depuis 8 ans ». Après lui avoir fait remarquer que cela est faux et que l’investissement américain aurait mérité, a minima, des remerciements, Vance amorce la fin de l’échange – « Le président tente de sauver votre pays », en clair : vous ne gagnerez jamais cette guerre ; si vous continuez à vous acharner, votre pays, ruiné, à l’agonie, mettra des décennies à se relever ; il est plus que temps d’engager des négociations pour mettre fin à la guerre ; si vous refusez, les États-Unis ne vous soutiendront plus et, les Européens n’ayant pas les moyens de vous apporter une aide substantielle, l’Ukraine sombrera définitivement. Volodymyr Zelensky semble avoir entendu le message : « Mon équipe et moi-même sommes prêts à travailler sous la direction du président Trump pour obtenir une paix durable », écrit-il au président américain deux jours après avoir quitté Washington. En prenant la tête de la horde belliciste, Emmanuel Macron ne sauve pas l’honneur du camp occidental mais tente de sauver les meubles de son double quinquennat désastreux – ou comment faire oublier les problèmes majeurs auxquels sont confrontés les Français, problèmes liés à la désindustrialisation, à l’écologisme, à la submersion migratoire, à l’insécurité, au narcotrafic, à l’endettement massif, à la soumission au régime algérien, à l’entrisme islamique, à l’effondrement des services publics, etc. Le discours grandiloquent devient délirant lorsque le président de la République affirme que « la Russie est devenue une menace pour la France et pour l’Europe ». La veille, Jean-Noël Barrot, ministre des Affaires étrangères, avait déjà évoqué une fantasmagorique « ligne de front qui s’approche » sans que personne ne réagisse dans le studio de France Inter, studio dans lequel Raphaël Glucksmann a pu marteler que les Russes étaient « la principale menace pesant sur la sécurité des Européens » et qu’il fallait par conséquent soutenir militairement l’Ukraine. La majorité des médias et des responsables politiques s’alignent, souvent par anti-trumpisme panurgique, sur un discours présidentiel guerrier qui a surtout pour but de redorer le blason d’un homme que les Français ne supportent plus et de raviver les couleurs d’une UE qui désespère les peuples européens. Car, bien entendu, l’idée d’une Europe fédérale et supra-nationale chère à Emmanuel Macron, Ursula Von der Leyen, Thierry Breton ou Raphaël Glucksmann, repointe le bout de son nez. Ces gens-là sont prêts à tout pour parvenir à leurs fins. Emmanuel Macron a volontairement dramatisé la situation en utilisant un vocabulaire outrancier pour effrayer les Français. Il se dit prêt à envoyer des soldats en Ukraine et à « ouvrir le débat stratégique sur la protection par notre dissuasion de nos alliés du continent européen » – deux folies pouvant engager notre pays dans des conflits dévastateurs. Tout à son objectif de promouvoir une Europe fédérale dans laquelle il espère tenir un jour un rôle majeur, il attise sciemment les peurs. Après l’urgence sanitaire face au Covid et l’urgence climatique face au réchauffement, l’urgence militaire face à la « menace russe » arrive à point nommé pour relancer le projet européo-fédéraliste. Emmanuel Macron et les instances bruxelloises annoncent de nouveaux « sacrifices » à venir, sacrifices qui augurent en vérité d’une accélération du déclin des nations européennes, de leur paupérisation, de leur relégation sur la scène internationale. La France ne se relèvera peut-être jamais des quinquennats d’Emmanuel Macron, président-matamore qui n’a pas de mots assez durs pour Poutine mais qui, après avoir dépecé notre pays, se laisse marcher dessus par le gouvernement algérien et M. Tebboune. Les nations européennes ne se relèveront peut-être pas, quant à elles, d’un demi-siècle de « construction européenne » qui n’aura servi que les intérêts de certaines oligarchies politiques, médiatiques, bruxelloises ou davosiennes prêtes à sacrifier les peuples pour que perdurent leurs privilèges.
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