«Si l’Université devient un espace ouvert aux vents des idéologies, plus aucune recherche, plus aucun enseignement n’est possible»

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Fév 28, 2025 - 21:48
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«Si l’Université devient un espace ouvert aux vents des idéologies, plus aucune recherche, plus aucun enseignement n’est possible»

Florence Bergeaud-Blackler nous explique que sa conférence prévue à l’université de Lille a été annulée sous la pression d’un syndicat étudiant radical et de certains universitaires opposés à ses travaux, officiellement pour des raisons de « trouble à l’ordre public ». Elle dénonce une censure orchestrée par des chercheurs proches des idées islamo-gauchistes, qui cherchent à tout prix à empêcher tout débat sur l’influence des Frères musulmans.


Causeur. Le doyen de la faculté des sciences juridiques, politiques et sociales de la faculté de Lille a décidé d’annuler votre conférence prévue le 5 mars. Que s’est-il passé ?

Florence Bergeaud-Blackler. Il y a deux ans, je publiais Le Frérisme et ses réseaux, un livre salué par trois prix. Il attira l’attention sur mon parcours jusque-là plutôt discret, parcours distingué en 2024 par la Légion d’honneur. Tout n’allait pas si bien cependant. Il y a deux ans, ma conférence à la Sorbonne a été suspendue, provoquant une émotion si forte que la Sorbonne l’a finalement autorisée. On a cru alors l’événement résolu. En réalité, j’ai bien donné ma conférence, sous haute sécurité, mais je suis entrée ensuite dans une période de « diète » universitaire : quelques collègues ont tenté, sans succès, de m’inviter dans leurs universités pour y présenter ma conférence sur Le Frérisme et ses réseaux, laquelle explique de façon documentée et méthodique comment les Frères musulmans agissent pour subvertir nos sociétés sécularisées, notamment en investissant les universités. On ne trouvait plus de salle libre, il y avait toutes sortes d’impossibilités de dernière minute… Je pouvais ainsi donner des conférences partout, mais jamais devant des étudiants.

A l’université de Lille, un syndicat étudiant classé à droite, l’UNI, a pris son courage à deux mains et m’a invitée à donner une conférence le 5 mars 2025. Dès son annonce publique, l’évènement a été pris en chasse par une organisation étudiante motivée par deux idéologies alliées : l’islamisme et la gauche radicale, qui, sans surprise, détestent mon travail. Ce syndicat Union Étudiante a diffusé des affiches calomnieuses me traitant de raciste et m’identifiant à l’extrême droite, ce qui a toujours un effet hypnotique sur les étudiants. Il n’est pas surprenant que ce syndicat ne soit pas capable de mobiliser le moindre argument puisque, comme il le dit très bien, il n’est pas possible de parler à la droite, car pour lui la droite c’est l’extrême droite raciste avec laquelle il ne faut pas parler. La seule option qu’il lui reste est la censure. Ce syndicat, bien mal nommé, a tenté d’empêcher la tenue de ma conférence, mais au fond ce n’est pas lui qui a pris la décision de ne pas l’autoriser.

Ce sont donc eux qui réclament la censure, mais qui a choisi de la faire appliquer, qui a décidé au sein de l’université ?

Il faut plutôt se tourner vers M. Potteau, le doyen de la Faculté des Sciences juridiques, politiques et sociales de l’Université de Lille, dont j’ai pu consulter le message adressé à l’organisateur le 25 février 2025. A-t-il obéi aux injonctions du syndicat ? Peut-être, mais pas seulement. Il a fait savoir à l’organisateur qu’il y avait un risque de trouble à l’ordre public en raison d’un contexte extrêmement conflictuel existant, disait-il, entre l’invitée (moi-même) et les membres d’une unité de recherche de sa faculté, et que donc il ne pouvait pas autoriser la conférence.

Ce ne sont donc pas les étudiants qui ont emporté la décision, mais bien des professeurs. Ceux-ci sont-ils téléguidés ? Trouve-t-on des liens entre certains chercheurs du labo en question et la Frérosphère ?

Analysons l’argument. Le doyen semble redouter non pas que le syndicat menaçant s’en prenne à ma conférence, mais les réactions conflictuelles de mes collègues membres du CERAPS – une unité de recherche de sa faculté. Trois chercheurs au moins travaillent sur des problématiques liées à l’islam contemporain et ils se montrent très hostiles à mes travaux. Par exemple, Karim Souanef considère que mon travail véhicule des biais qui « sont les conséquences d’une position normative, un anti-islamisme académique, et de l’absence de cadre épistémologique et théorique » (sic), mais sans dire lesquels.

Le problème ce n’est pas le désaccord, mais le fait qu’aucun de ces chercheurs n’ose débattre avec moi.

Quant à moi, j’estime que certains des chercheurs servent la cause frériste, et qu’ils utilisent leur position à l’université pour empêcher un travail sur les mouvements islamistes et les remplacer par des études sur les discriminations dites « islamophobes ». Les méthodes de Julien Talpin et Olivier Esteves, chercheurs au CERAPS, auteurs d’un livre publié au Seuil, ont d’ailleurs été épinglées par des intellectuels qui ont souligné les biais méthodologiques et les intentions idéologiques de leur livre, preuves à l’appui cette fois, dans un article publié par l’hebdomadaire Le Point[1].

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Le lecteur peu au fait de ces sujets pourrait penser qu’il s’agit d’une querelle entre chercheurs. Ce n’est pas le cas. Il n’y a pas de débat académique car une partie fait tout pour l’empêcher notamment en instrumentalisant les étudiants et en leur commandant de ne pas lire et citer certains chercheurs dans leurs mémoires. Les syndicats étudiants de la gauche radicale utilisent des méthodes d’intimidation violentes psychologiquement et parfois physiquement, comme on l’a vu depuis le 7-Octobre, et qui impressionnent les recteurs. Si je parle du 7-Octobre, c’est qu’au CERAPS de Lille, on ne cache pas son soutien à la cause « palestiniste » et une certaine complaisance, c’est le moins qu’on puisse dire, vis-à-vis des thèses fréristes.

Julien Talpin, par exemple, est connu pour ses liens avec l’association proche des Frères musulmans Alliance citoyenne[2], il peut dire par exemple que « le burqini n’est pas un symbole religieux »[3] ce qui n’est pas seulement du déni, mais bien ce que les Anglais appellent du gaslighting (autrement dit une forme de manipulation consistant à inverser toutes les valeurs, à retourner tous les concepts et à dévoyer le langage de manière à renvoyer ceux qui en sont victimes à une forme de folie et d’impossibilité à saisir la réalité). Il fait aussi des conférences en compagnie d’Elias d’Imzalène, frérosalafiste fiché S qui a pour mission d’infiltrer les milieux de la gauche radicale, et que l’on a vu très actif dans des mobilisations pro-Hamas.