Quatre France + une
Trois France (ou plus), un soleil, zéro cortège… Place Vauban devant les siens, Marine Le Pen a assuré hier qu’elle ne lâcherait rien. De leur côté, Place de la République, Verts et Insoumis étaient une nouvelle fois de sortie pour riposter contre le « fascisme »… À Saint-Denis, le jeune Gabriel Attal se croyait déjà en 2027. Et devant l’Hôtel de Ville, des motards ont protesté contre les ZFE, et se sont surnommés eux-mêmes « les Gueux ». L’analyse d’Elisabeth Lévy. L’article Quatre France + une est apparu en premier sur Causeur.

Trois France (ou plus), un soleil, zéro cortège… Place Vauban devant les siens, Marine Le Pen a assuré hier qu’elle ne lâcherait rien. De leur côté, Place de la République, Verts et Insoumis étaient une nouvelle fois de sortie pour riposter contre le « fascisme »… À Saint-Denis, le jeune Gabriel Attal se croyait déjà en 2027. Et devant l’Hôtel de Ville, des motards ont protesté contre les ZFE, et se sont surnommés eux-mêmes « les Gueux ». L’analyse d’Elisabeth Lévy.
Plusieurs France se faisaient face hier sur le pavé parisien. Certains commentateurs, dont votre servante, avaient parlé dimanche matin de trois France irréconciliables. Amusant : Place Vauban, il y avait partout le drapeau tricolore, la Place de la République était pavée de drapeaux palestiniens ou algériens, et à Saint-Denis (première sortie publique du « bloc central ») il y avait des drapeaux européens et français. Je vous donne les trois pôles de l’Assemblée nationale. Les deux ex-partis de gouvernement, Parti socialiste et LR, manquaient hier à l’appel.
Deux contre 1
Deux France seront toujours prêtes à se réconcilier demain contre la troisième. Bien qu’il n’y ait pas eu un mot de travers des leaders du RN hier (respect de la Justice, séparation des pouvoirs), extrême-gauche et macronie ont continué de faire monter la mayonnaise folle d’un RN fasciste et séditieux, s’apprêtant à supprimer l’Etat de droit, menaçant les institutions… Si un dixième de tout ce qu’ils disent était vrai, Marine Le Pen, Jordan Bardella et consorts dormiraient en prison. Mais ce pur bobard devenu vérité à force d’être répété annonce le prochain Front républicain. Contre le nazisme, on s’alliera avec des antisémites.
Il y avait aussi hier une quatrième France, largement oubliée. Celle des « gueux » d’Alexandre Jardin, avec les motards contre les ZFE. J’y étais. C’était très sympathique. Ils étaient quelques milliers devant l’Hôtel-de-Ville. Il y avait beaucoup de retraités comme Jacqueline, 78 ans, de Courbevoie. Plutôt aisée, elle m’a dit « Je n’ai jamais été aussi fière d’être une gueux ». Comme souvent, on retrouve un même ciment derrière ces colères: c’est le sentiment d’injustice. Et ce rassemblement était d’ailleurs le réceptacle d’autres colères. L’un milite contre l’euthanasie, l’autre contre les vaccins pédiatriques. Une troisième dame distribuait des calicots vaguement conspi «Vous êtes l’anomalie dont le système a peur». C’était un cocktail évoquant un peu les gilets jaunes.
Laquelle de ces France a gagné?
La cinquième ! C’est-à-dire l’écrasante majorité qui a préféré profiter du soleil. Celle qui ne s’intéresse pas ou plus à cette agitation.
Un point commun aux trois blocs est à noter. Tous ont préféré des rassemblements aux manifestations car ils sont probablement incapables de mobiliser assez pour un cortège. Il n’y avait pas de défilé, c’était de petits meetings, avec pratiquement que des militants. Sauf pour les ZFE où beaucoup de gens désabusés se sont joints au mouvement. C’est peut-être ce qu’il y a de plus grave. On assiste à une sorte de désaffiliation et d’indifférence à la chose publique, à un repli sur le bonheur privé. Tous se disaient plus ou moins : « Ça ne donnera rien ». L’échec des gilets jaunes a douché les dernières ardeurs. On ne croit pas que la politique puisse changer les choses. Plus grave : elle ne fabrique plus de légitimité. Qu’est-ce que mon pays peut faire pour moi ? Cette perte du sentiment collectif, de la conscience d’être un peuple, est le véritable danger pour la démocratie. Que ceux qui entendent des bruits de bottes se rassurent. Les peuples qui rêvent de retraite ne font pas la révolution. Ni rouge ni brune.
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