Paris noir : l’exposition qui tente de tisser l’histoire des artistes noirs à Paris

Pour sa dernière exposition avant sa fermeture durant cinq ans, le centre Pompidou tente d’explorer un “Paris noir” des années 1950 à 2000, en rassemblant 150 artistes de la scène parisienne provenant d’Afrique ou des Amériques. Jusqu’au 30 juin 2025, ce parcours chronologique qui se proclame “anticolonial” s’apparente davantage à une longue énumération survolant les […]

Mai 16, 2025 - 20:28
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Paris noir : l’exposition qui tente de tisser l’histoire des artistes noirs à Paris

Pour sa dernière exposition avant sa fermeture durant cinq ans, le centre Pompidou tente d’explorer un “Paris noir” des années 1950 à 2000, en rassemblant 150 artistes de la scène parisienne provenant d’Afrique ou des Amériques. Jusqu’au 30 juin 2025, ce parcours chronologique qui se proclame “anticolonial” s’apparente davantage à une longue énumération survolant les oeuvres, qui finit par lasser tout en desservant son discours.

La marginalité d’une scène parisienne

Conçue comme un labyrinthe, cette exposition chronologique s’étale des années 1950 à 2000 à travers une sélection de peintures, sculptures, installations, collages, photographies, films et poèmes. Au fil de salles passant du “Paris panafricain” ou des “surréalismes afro-atlantiques” aux “nouvelles abstractions”, le parcours tente de mettre en lumière la diversité créatrice d’artistes parisiens provenant d’Afrique et des Amériques, dont certains n’ont jamais été exposés en France. La démarche paraît noble : elle cherche à explorer les différents mouvements, pointe la marginalité de ces oeuvres et souhaite leur rendre justice en les replaçant dans l’histoire de l’art moderne et contemporain.

Vues de salles de l'exposition Paris noir au Centre Pompidou, du 19 mars au 30 juin 2025 en Galerie 1, niveau 6 © Jospeh Banderet
Vues de salles de l’exposition Paris noir au Centre Pompidou, du 19 mars au 30 juin 2025 en Galerie 1, niveau 6 © Jospeh Banderet

Un catalogue de 150 artistes

Seulement voilà : la longue déambulation dans les onze salles se transforme progressivement en une errance. Malgré les thématiques énoncées, on peine à saisir une cohérence d’ensemble et on finit par perdre notre concentration face aux oeuvres. En réalité, chaque artiste – bien souvent méconnu – gagnerait à être présenté dans le détail : ici, on ne les entrevoit qu’à travers une ou deux créations accompagnées de trois lignes biographiques… Ce qui reste assez frustrant.

Bob Thompson, The Struggle [La Lutte], 1963Huile sur toile, 147,3 × 198,1 cm Courtesy of Michael Rosenfeld Gallery LLC, New York © Michael Rosenfeld Gallery LLC, New York Photo Courtesy of Michael Rosenfeld Gallery LLC, New York
Bob Thompson, The Struggle [La Lutte], 1963 – © Michael Rosenfeld Gallery LLC, New York. Photo Courtesy of Michael Rosenfeld Gallery LLC, New York
On peut toutefois citer quelques noms qui ont attiré notre attention : Romare Bearden et ses collages du Paris des années 1930, Beauford Delaney et ses portraits aux couleurs criardes, Bob Thompson et ses toiles mêlant l’expressionnisme aux références baroques, ou encore Emil Cadoo et ses photographies en surimpression. Tout cela sans compter l’oeuvre des célèbres poètes Edouard Glissant et Aimé Césaire.
Vues de salles de l'exposition Paris noir au Centre Pompidou, du 19 mars au 30 juin 2025 en Galerie 1, niveau 6 © Jospeh Banderet
Vues de salles de l’exposition Paris noir au Centre Pompidou, du 19 mars au 30 juin 2025 en Galerie 1, niveau 6 © Jospeh Banderet

Un “Paris noir” ?

Au-delà des défauts scénographiques, il semble légitime de questionner l’approche choisie par le centre Pompidou dans une perspective dite “anticoloniale”. En effet, le terme même de “Paris noir” n’est-il pas problématique ? Rassembler ces 150 artistes aux oeuvres hétéroclites, réduits à leur passage dans la capitale française au détriment d’une véritable exploration de leurs recherches respectives : cela semble davantage desservir le discours anticolonialiste tout en appauvrissant le regard que l’on porte sur eux.

Ed Clark, Untitled (Vétheuil), 1967Acrylique sur toile, 177,8 × 208,3 cm © The Estate of Ed Clark. Courtesy of the Estate and Hauser & Wirth Photo Sarah Muehlbauer
Ed Clark, Untitled (Vétheuil), 1967 – © The Estate of Ed Clark. Courtesy of the Estate and Hauser & Wirth. Photo Sarah Muehlbauer

Romane Fraysse

Paris noir. Circulations artistiques et luttes anticoloniales
Centre Pompidou
Place Georges-Pompidou, 75004 Paris
Jusqu’au 30 juin 2025

À lire également : Suzanne Valadon, une portraitiste dissidente au centre Pompidou

Image à la une : Gerard Sekoto, Self-portrait [Autoportrait], 1947 – © Estate of Gerard Sekoto/Adagp, Paris, 2025
Photo © Jacopo Salvi