«Lucinda Childs Dance Company», un plongeon dans l’histoire

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Mar 21, 2025 - 14:38
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«Lucinda Childs Dance Company», un plongeon dans l’histoire

Le spectacle « Four New Works » de la Lucinda Childs Dance Company mêle minimalisme et abstraction à travers quatre chorégraphies, sur des musiques de Bach ou Philip Glass. Dernières vendredi et samedi, au Théâtre de Chaillot.


La danseuse américaine Lucinda Childs. Photo: Cameron Wittig

La danseuse et chorégraphe Lucinda Childs remonte sur la scène de Chaillot avec sa troupe, la Lucinda Childs Dance Company, pour un spectacle en quatre parties, quatre oeuvres dont certaines ont été créées il y a plusieurs décennies.

C’est un plongeon dans l’histoire de la post modern dance qu’offre la chorégraphe américaine Lucinda Childs. Avec Géranium 64, une pièce qu’elle créa en 1965 (elle avait alors 25 ans) au Judson Dance Theater, nid mythique de la modernité new-yorkaise.  Elle qui portait alors des paniers à salade ou des bigoudis démesurés sur la tête durant ses performances, revient aujourd’hui à une production de sa folle jeunesse.

Verklärte Nacht

Sur un grand panneau blanc ennuagé de formes indistinctes où se dessinent très vaguement des silhouettes de brutes yankees pratiquant le football américain, Lucinda Childs apparaît sur la scène côté jardin dans une combinaison verdâtre de travailleur. On entend, mais comme emportés par le vent, de brefs fragments de Verklärte Nacht (La Nuit transfigurée) d’Arnold Schönberg, bientôt supplantés par les beuglements d’un commentateur sportif.

Rattachée par la main à une sangle grâce à laquelle elle se maintient inclinée, la chorégraphe-interprète s’extirpe lentement de la coulisse en mettant un temps infini à parvenir en milieu de plateau. Tout comme lorsqu’elle traversait la scène dans Einstein on the Beach de Bob Wilson, en suspendant indéfiniment le temps.

Silhouette impeccable

60 ans plus tard, la silhouette toujours impeccable de celle qui fut une sublime danseuse force l’admiration. Même si ses cheveux blanchis la rendent un peu transparente. Hélas, cette performance, alors iconoclaste sans doute, a bien vieilli. Elle s’étire pour s’achever sur une résolution décevante qui ne légitime pas le temps passé à l’attendre.  Les applaudissements très tièdes du public trahissent la déception de revoir l’une des plus magnifiques figures de la danse dans une pièce apparaissant aujourd’hui si chétive.

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Un petit joyau

Actus, chorégraphie accompagnée par le duo de pianistes Norie Takahashi et Björn Lehmann, s’aligne sur la cantate BWV 106 de Jean-Sébastien Bach. S’aligne, car les deux interprètes suivent deux trajectoires linéaires avec une gestuelle aussi sobre que belle. Actus pourrait être une étude académique conçue par un maître de ballet, très formelle et forcément ennuyeuse. Mais la magie de l’écriture de Lucinda Childs, les imperceptibles variations qu’elle lui imprime en font une chorégraphie d’une beauté parfaite, d’un élégantissime dépouillement. On craint presque que des préjugés favorables nés des chefs d’œuvre de Lucinda Childs, comme Dance qui a pris place parmi les œuvres les plus emblématiques du XXe siècle, que des préjugés favorables faussent le jugement. Mais non ! Dans sa noble simplicité, dans son élégance absolue, Actus est réellement un petit joyau.

Pour les yeux, si cruelles

Les tenues des interprètes sont dessinées par le clothing maker Nile Baker. Et sauf dans Actus où les robes blanches des danseuses sont parfaites, elles sont d’une laideur insigne. On admire cette propension chez ces créateurs américains à se vautrer dans les teintes fadasses, dans les formes improbables et vieillies. Comme si la beauté était un péché. Comme si les chorégraphes de leur côté tenaient à prouver que leurs réalisations sont assez solides pour surmonter cette épreuve, pour les yeux si cruelle. 

Distant Figure, le dernier des quatre ouvrages de la chorégraphe présenté après  le sextuor pour danseurs Timeline, est du pur Lucinda Childs. Rien de neuf assurément, mais toujours cette élégance épurée qui est la marque de l’Américaine, à laquelle toutefois manque une scène infiniment plus vaste que celle de la Salle Gémier. Afin que la danse respire largement.

Cette sobriété gestuelle, toutefois si complexe à exécuter, est ici cravachée par une pièce pour piano très tonique de Phil Glass, courant comme un ruisseau, exécutée par Anton Batagov. Les notes en staccato perlent comme autant de gouttes d’eau glacée sur lesquelles les danseurs tournoient jusqu’à l’ivresse ou fuient sur des trajectoires propres à chacun d’entre eux. Rien de neuf, mais une qualité d’écriture incorruptible, un style immortalisé par Dance. La chorégraphie de Lucinda Childs y est également transportée par la partition de Phil Glass, laquelle, en retour est immortalisée par une chorégraphie qui la magnifiera éternellement.  


Lucinda Childs Dance Company. Four New Works.

Jusqu’au 22 mars. Théâtre national de Chaillot. 45 €.

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