Loi Générations Futures: la douteuse croisade anti-PFAS

La France veut interdire les PFAS (“polluants éternels”) avant même l’Europe, au nom du principe de précaution. Mais cette surenchère écologique risque surtout de pénaliser ses propres industries, sans impact réel sur la pollution. Une victoire symbolique aux conséquences bien réelles... L’article Loi Générations Futures: la douteuse croisade anti-PFAS est apparu en premier sur Causeur.

Fév 14, 2025 - 18:27
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Loi Générations Futures: la douteuse croisade anti-PFAS

La France veut interdire les PFAS (“polluants éternels”) avant même l’Europe, au nom du principe de précaution. Mais cette surenchère écologique risque surtout de pénaliser ses propres industries, sans impact réel sur la pollution. Une victoire symbolique aux conséquences bien réelles.



La France aime se faire peur, surtout quand il s’agit d’afficher sa vertu écologique en prenant de vitesse Bruxelles. La dernière illustration de cette tendance ? La « Loi Générations Futures », une proposition de loi (PPL) visant à interdire les substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS), ces fameux « polluants éternels » que certains voudraient voir disparaître du paysage industriel au nom d’une précaution sans nuance. Adoptée par la commission du développement durable de l’Assemblée nationale, cette PPL entend aller bien au-delà des régulations européennes en vigueur. Mais cette fronde environnementale repose-t-elle sur une base scientifique solide, ou est-elle avant tout une démonstration de force idéologique ?

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Les PFAS ne sont pas tombées du ciel. Depuis les années 1950, ces composés ont révolutionné de nombreux secteurs grâce à leurs propriétés exceptionnelles de résistance à l’eau, aux graisses et aux températures élevées. Qu’il s’agisse de textiles imperméables, de revêtements antiadhésifs, de dispositifs médicaux, ou même de batteries pour véhicules électriques, ils sont omniprésents dans notre quotidien. Mais voilà : leur stabilité a également un revers, celui de leur persistance dans l’environnement. Suffisant pour les jeter tous dans le même sac et en prononcer l’excommunication ?

Une réglementation qui devance Bruxelles

La communauté scientifique, pourtant loin d’être un repaire de lobbyistes de la chimie, rappelle que les PFAS ne forment pas un bloc monolithique. Si certains, comme le PFOA ou le PFOS, sont réellement toxiques et font déjà l’objet de régulations strictes, d’autres sont considérés comme stables et non dangereux. Mais la « Loi Générations Futures » semble peu s’embarrasser de ces nuances. Ce qui compte, c’est d’afficher un volontarisme réglementaire qui flattera certaines ONG et fera office de victoire symbolique contre le « lobby industriel ».

Le problème, c’est que la France joue ici en solo. L’Union européenne, via le règlement REACH, a déjà encadré l’usage des PFAS, avec des interdictions ciblées et des exemptions pour les secteurs où ils restent indispensables. Mais Paris veut faire mieux que Bruxelles : anticiper la future interdiction européenne généralisée (actuellement en discussion), quitte à s’en prendre à des substances qui ne sont ni toxiques ni dangereuses.

Or, cette croisade législative pourrait bien tourner au sabotage économique. En interdisant unilatéralement les PFAS dans l’habillement, les cosmétiques et les textiles imperméabilisants, la France met en difficulté ses propres entreprises, sans que les importations soient soumises aux mêmes contraintes ! Autrement dit, elle se crée une concurrence déloyale au profit de pays qui, eux, ne se gêneront pas pour continuer à produire et exporter ces mêmes substances sur notre marché. On marche sur la tête.

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Derrière cette proposition de loi, on retrouve le député Nicolas Thierry (EELV), ardent défenseur de l’interdiction totale. L’argument avancé ? Une réduction de l’exposition aux PFAS et donc, une amélioration de la santé publique. L’intention est louable, mais la méthode prête à discussion.

L’OMS et l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) ont certes identifié certains PFAS comme étant à surveiller, en raison de leurs effets potentiels sur le système hormonal et le risque accru de cancers. Dans d’autres cas de figure le problème (à l’environnement) se pose au moment du recyclage et non pas à l’usage domestique normal. Mais la réponse réglementaire doit-elle être la bétonnière aveugle ou la pince chirurgicale ? Faut-il interdire tous les PFAS sans distinction, alors que la science elle-même reconnaît que certains ne présentent pas de danger avéré ?

Une victoire symbolique, mais à quel prix ?

Le principe de précaution est devenu en France une arme de démolition massive. Qui cible évidemment les entreprises et donc les emplois français à l’exclusion de tout le reste. Quand on sait que SHEIN est le site marchand numéro 1 en France avec 23 millions de clients, et que les produits vendus par SHEIN ne se soumettront pas aux règles que cette proposition de loi va imposer aux industriels français… même chose pour Temu ou AliExpress, et toutes les solderies et hypermarchés français largement alimentés en produits, vêtements, ustensiles de cuisine, venus « d’ailleurs » et nettement moins chers que les produits français ! On sait pourquoi.

La peur du risque l’emporte sur l’analyse rationnelle, et toute nuance est balayée au nom d’une vision simpliste du bien et du mal. Résultat : des industries fragilisées, une réglementation qui va plus loin que l’Europe sans que personne ne prenne le temps d’en mesurer les effets concrets, et au final, une politique qui fait plus pour l’affichage que pour l’intérêt général.

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Interdire les PFAS en France ne signifie pas qu’ils vont disparaître de la circulation. Les importations continueront, la pollution restera globale, et les industries devront s’adapter avec des alternatives qui ne sont pas toujours disponibles ni aussi efficaces.

Plutôt qu’une interdiction brutale et idéologique, une approche graduelle et scientifiquement fondée aurait été préférable. Mais la France préfère jouer les premiers de la classe, quitte à tirer contre son propre camp. La « Loi Générations Futures » se présente comme un acte de bravoure politique, mais son impact réel sur la pollution sera marginal, tandis que ses conséquences économiques risquent d’être bien plus tangibles. Une victoire à la Pyrrhus ? Il y a fort à parier que d’ici quelques années, les mêmes qui félicitent aujourd’hui cette interdiction déploreront l’effondrement de certains secteurs industriels sous le poids d’une réglementation déconnectée des réalités.

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