Les « grandes universités » et la politique américaine
Ces universités sont-elles un gage d’excellence et de probité? Penchons-nous sur quelques personnalités... L’article Les « grandes universités » et la politique américaine est apparu en premier sur Causeur.

Les formations académiques des dirigeants américains prouvent qu’on peut sortir de Yale ou Harvard sans jamais y être vraiment entré.
Alors l’un des douze, appelé Judas Iscariot, alla vers les principaux sacrificateurs, et dit: Que voulez-vous me donner, et je vous le livrerai? Et ils lui payèrent trente pièces d’argent.
Mathieu 26 :14-15
Ces universités sont-elles un gage d’excellence et de probité? Penchons-nous sur quelques personnalités.
Il y eut le président Richard Nixon, qui reçut son diplôme de droit de l’université Duke en Caroline du Nord. Sa contribution au développement du droit constitutionnel fut historique, mais pas vraiment celle qu’il eût souhaitée. Lui succéda son vice-président Gerald Ford, sorti avec un rang honorable de la faculté de droit de l’université Yale, alors que, selon le truculent président Lyndon Johnson, son faible quotient intellectuel le rendait incapable de coordonner sa mastication du chewing-gum, d’une part, et, d’autre part, ses exhalaisons digestives.
Les choses s’accélèrent avec George « Dubya » Bush, qui obtint son BA en histoire de l’université Yale et son MBA de l’université Harvard. Il va sans dire qu’il fut admis dans ces deux universités en dépit de sa grammaire fort idiosyncratique, sur interventions de papa, grâce aux programmes de discrimination positive (« affirmative action » en v.o.), ou « diversité, équité et inclusion » profitant aux WASPs millionnaires.
[Note technique : cette catégorie de candidats, qui offrent, selon l’euphémisme codé, un « potentiel de développement », « achètent », de manière tacite, leur place en contrepartie de la « promesse », non moins tacite, d’une généreuse contribution à la fondation des anciens de l’institution dans les années à suivre; à son tour, celle-ci « s’engage », toujours de manière tacite, à accorder des facilités d’admission à la progéniture des donateurs, et ainsi de suite.]
Bienvenue à la Trump University
En ce qui concerne la première campagne électorale de Donald Trump en 2017, l’universitaire d’origine canadienne, Francis H. Buckley, eut l’honneur de se joindre à sa garde prétorienne à titre de conseiller. Cet ex-étudiant de la faculté de droit de l’université McGill à Montréal (51e Etat) y revint à titre d’enseignant par la suite, après être passé par Harvard. Cette éminente réincarnation de Socrate y eut pour collègue Hermann Hahlo, un humaniste convaincu que les femmes et les noirs n’étaient pas faits pour le droit. Frank Buckley avait donc tout le bagage intellectuel pour servir un jour le fondateur de la célèbre Trump University. Il fut demandé au grand ponte de quelle manière un milliardaire champion de l’évasion fiscale pouvait prétendre au titre de sauveur de la classe moyenne saignée à blanc :
En 1935… quand Roosevelt a nommé Joseph Kennedy… à la tête de la commission de contrôle des marchés financiers, tout le monde a rappelé qu’il était un corrompu. Le président a répondu qu’il en fallait un pour en attraper un.
Pour assurer la justice fiscale, la solution était simple, mais il fallait un Canadien devenu citoyen américain en 2014… « on Tax Day » (le « jour de l’impôt » en v.f., ça ne s’invente pas…) pour y penser. La boucle était bouclée pour Frank Buckley.
(Signalons au passage un autre lauréat de la faculté de droit de Yale, le gouverneur de Floride Ron DeSantis, lequel assimile audacieusement l’immigration illégale à une forme d’ « invasion » au sens militaire du terme).
Nous en arrivons au vice-président JD Vance (et oui, lui aussi) de Yale, qui vient d’étonner le monde juridique en montant d’un gros cran : les juges n’ont pas le pouvoir de contrôler l’action du pouvoir exécutif! Une thèse constitutionnelle on ne peut plus innovatrice.
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Et enfin, le bagage universitaire de Donald Trump. Cet homme d’affaires, dont on ne compte plus les faillites (bon-papa, efficace tenancier de maison close, a dû se retourner dans sa tombe), a obtenu son BA en économie politique de la prestigieuse Wharton School de l’université de Pennsylvanie. Manifestement, il semble avoir pris quelques distances des enseignements reçus vu que sa politique économique se heurte aux réticences du Wall Street Journal, par exemple. Milton Friedman le taxerait d’hérésie.
Quelles leçons tirer? Il faut rendre hommage aux talents de bateleurs de ces facultés américaines, sur le plan marketing international; des « country clubs » qui font rêver…
Inoubliable George W. Bush
Selon certaines études, le nombre de gestionnaires titulaires du MBA harvardesque ayant conduit leur entreprise à la faillite est fort impressionnant, et Dubya, fidèle à la tradition, coula toutes les unités commerciales que la famille lui avait confiées.
Son parcours interpelle aussi sur le niveau des cours d’histoire et de culture générale dispensés par la faculté des Arts de Yale. Il déclara un jour en campagne électorale que « Jésus était son philosophe préféré » (sic). Profession de foi fort judicieuse pour séduire l’électorat évangélique redneck, mais révélatrice d’une grave confusion. En France, le prêtre le plus conservateur, le plus traditionaliste et célébrant la messe en latin après son autoflagellation matinale comprend les domaines respectifs de la révélation et des injonctions divines, d’une part, et, d’autre part, de la raison humaine. Cela dit, chacun a le droit le plus absolu de hiérarchiser ses sources d’inspiration, mais il est quand même permis de douter que Dubya se fût livré à d’exhaustives lectures complémentaires de penseurs profanes comme David Hume ou Bertrand Russell. Avoir consacré un été à L’étranger de Camus est louable, mais insuffisant pour comprendre le monde. Il eût dû, au minimum, poursuivre avec La peste, d’une actualité encore plus brûlante, même si, vu le plus grand nombre de pages, deux étés eussent été nécessaires.
De manière plus générale, la récente rencontre du président Macron et de Sa Majesté Orange, pendant laquelle celui-là a remis les pendules de celui-ci à l’heure au sujet de l’aide accordée à l’Ukraine par l’Europe et les États-Unis, a permis aux observateurs de faire la comparaison entre la classe européenne, d’une part, et, d’autre part, la rugueuse rusticité américaine. La prestation du chef de l’État français sur la scène internationale s’inscrit dans la tradition des Valéry Giscard d’Estaing et des François Mitterrand, qui comptaient deux millénaires de civilisation. Les diplômés des grandes écoles françaises n’ont, au final, rien à envier aux plombiers ayant suivi leur surfaite formation technique dans de luxueux campus, dont l’horizon se limite à la grande banlieue de Kansas City. Yale, qui a produit le visqueux « Uncle Tom », Clarence Thomas, juge à la Cour suprême, semble d’ailleurs se distinguer particulièrement.
On imagine mal un futur Trump en formation à Jouy-en-Josas.
Où en est donc l’Amérique aujourd’hui?
À l’époque de la guerre froide, elle vivait dans la hantise des discrètes « taupes » susceptibles d’avoir infiltré les institutions américaines. Vladimir Poutine, lui, a réussi ce coup de maître historique de s’emparer, au grand jour, de la totalité de l’exécutif, comme il ressort de l’embuscade télévisée dans laquelle est tombé le président ukrainien Zelinsky le 28 février 2025 dans le bureau ovale, organisée par le truchement de Donald Trump et de son vice-Rottweiler, qui n’a jamais autant mérité sa qualité autoproclamée de « hillbilly » (« péquenaud » en v.f.). Faire passer l’agressé pour l’agresseur est un procédé orwellien qui a acquis ses lettres de noblesse dans les années 1930.
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