Le dernier qui restera debout…

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Avr 3, 2025 - 17:54
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Le dernier qui restera debout…

« On achève bien les chevaux » Le Ballet du Rhin aux Champs


Palpitante aventure pour le Ballet de l’Opéra du Rhin associé à la Compagnie théâtrale des Petits Champs. Sous la conduite de Bruno Bouché pour la chorégraphie, de Clément Hervieu-Léger et de Daniel San Pedro pour la direction d’acteurs et la mise en scène, comédiens et danseurs transposent à la scène et le roman de l’Américain Horace McCoy et le film de Sidney Pollack On achève bien les chevaux.

Jeux d’enfants

Même si, pour obéir au scénario dénonçant ces concours de danse qui, aux États-Unis, au temps de la Grande Dépression, exploitaient la misère soudaine des participants et finissaient au fil des épreuves et des jours par devenir des opérations d’une cruauté vertigineuse, les artistes du Ballet du Rhin doivent peu à peu simuler la fatigue, voire l’épuisement et les accidents, pour eux, exécuter sur scène des danses de salon ou courir en rond comme des possédés n’est sans doute pas une épreuve trop douloureuse. Rompus qu’ils sont à l’effort, comme tout danseur, et à la virtuosité que requièrent nombre de chorégraphies inscrites au répertoire de leur troupe, les prouesses qu’ils exécutent dans On achève bien les chevaux ne sont pour eux sans doute que jeux d’enfants.

Ce qu’il y a de remarquable dans ce spectacle, c’est que les comédiens se sont faits danseurs et les danseurs excellents comédiens. Sans doute ces derniers ont-ils été guidés par Daniel San Pedro qui enseigne l’art du théâtre à l’École de danse de l’Opéra de Paris. Mais en tout état de cause, outre leur bravoure, leur présence dramatique est des plus convaincantes et confère toute sa force à cette belle réalisation.

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À leurs côtés, une comédienne comme la lumineuse Clémence Boué (Gloria), ici métamorphosée en concurrente amère, révoltée et suicidaire. Ou Daniel San Pedro (Socks) dans le rôle du cynique meneur de ce concours barbare. Mais aussi une étoile de l’Opéra de Paris, Josua Hoffalt (Robert), aussi bon acteur qu’il est excellent danseur.

Triste pertinence

Sur scène apparaissent quarante-cinq danseurs, comédiens et musiciens. Une telle production, née de la volonté du directeur du Ballet de Rhin, Bruno Bouché, de mêler danse et théâtre et de s’associer pour ce faire au metteur-en-scène Clément Hervieu-Léger et à Daniel San Pedro, est évidemment aussi coûteuse qu’ambitieuse. En dehors des coproducteurs (le Ballet du Rhin, la Compagnie des Petits-Champs, la Maison de la Danse de Lyon, la Scène nationale du Sud Aquitaine et la Maison de la Culture d’Amiens), peu de scènes, sinon celle de Chateauvallon où a été créé le spectacle ou celle du Théâtre de la Ville aujourd’hui, pourront offrir ce spectacle vraiment digne d’éloges.

Certes, le spectacle pèche un peu vers la fin en s’étirant avec des scènes qui manquent d’intensité, exposant l’extrême lassitude des concurrents dont les joutes sans pitié duraient des centaines d’heures, s’étalaient sur des semaines. Mais ce n’est pas un péché capital. Aujourd’hui où nombre de chaînes télévisées, infectées par la vulgarité américaine et l’esprit de lucre, se complaisent dans un voyeurisme éhonté et jouent des illusions de minables qui se rêvent artistes à succès, avant de les rejeter dans l’oubli, dans ce climat de décervelage et d’affaissement moral, On achève bien les chevaux conserve toute sa triste pertinence.         

On achève bien les chevaux. Jusqu’au 5 avril. Théâtre de la Ville

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