La Renault 5 : renaissance d’une icône automobile, avec Gilles Vidal, VP Design chez Renault

Il y a des voitures qui disparaissent dans l’oubli, et d’autres qui s’impriment dans la mémoire collective, traversant les décennies comme des symboles intemporels. La Renault 5 en est l’illustration. Elle était partout. Dans les rues animées des années 70, garée devant les écoles, prise d’assaut sur les parkings des supermarchés, filant sur les nationales […] L’article La Renault 5 : renaissance d’une icône automobile, avec Gilles Vidal, VP Design chez Renault est apparu en premier sur JUPDLC.

Mar 19, 2025 - 18:03
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La Renault 5 : renaissance d’une icône automobile, avec Gilles Vidal, VP Design chez Renault

Il y a des voitures qui disparaissent dans l’oubli, et d’autres qui s’impriment dans la mémoire collective, traversant les décennies comme des symboles intemporels. La Renault 5 en est l’illustration. Elle était partout. Dans les rues animées des années 70, garée devant les écoles, prise d’assaut sur les parkings des supermarchés, filant sur les nationales avec son allure effrontée. La Renault 5, c’était la voiture de tout le monde. Accessible, vive, presque impertinente dans son design, elle incarnait une époque où la voiture populaire était aussi un symbole de liberté. Devenue un classique, elle semblait pourtant vouée à rester figée dans le rétroviseur du passé.

Mais voilà, cinquante ans plus tard, qu’elle fait son retour. Cette fois, elle roule à l’électrique et se veut la porte d’entrée d’un nouveau chapitre de la mobilité. Plus qu’un simple clin d’œil au passé, la Renault 5 E-Tech Electric incarne la transformation profonde de l’industrie automobile.

Comment revisiter une voiture aussi mythique sans tomber dans la nostalgie ? Comment marier l’ADN visuel d’un modèle culte avec les impératifs d’une mobilité électrique moderne et durable ? Avec les besoins changeants et les exigences d’utilisateurs d’une nouvelle époque ? Ces défis, c’est Gilles Vidal, VP Design chez Renault, qui les a relevés avec son équipe. Fort d’une carrière marquée par l’innovation et l’émotion, il nous dévoile les coulisses de cette renaissance et la manière dont le design façonne plus que jamais l’identité et la désirabilité d’une marque automobile.

 

Gilles Vidal VP designer renault r5 e-tech electrique interview
Crédit photo : Clement Choulot / Renault

 

JUPDLC : Quel a été le point de départ du projet de renaissance de la R5 en version électrique ?

Gilles Vidal : L’idée vient d’un mélange de deux choses. D’un côté, il y a l’intuition des designers qui, en général, fonctionnent beaucoup au feeling. De l’autre, on retrouve les équipes produit, marketing et stratégie, plus portées sur l’analyse. Il y a un certain temps déjà, l’équipe design pressentait qu’il était peut-être temps de faire renaître des icônes populaires – pas forcément premium et luxueuses – de l’histoire automobile. Cela résonnait bien avec notre époque. En creusant plus concrètement la réflexion, on s’est dit que nous étions véritablement à l’aube de l’ère électrique. Or, ces véhicules restent aujourd’hui plus chers que leurs équivalents thermiques. Pour Renault, l’enjeu est donc de rendre l’électrique aussi abordable et populaire que possible.

C’est un parallèle intéressant avec 1972, quand la première R5 est sortie en pleine crise pétrolière. L’objectif, à l’époque, était de proposer un véhicule abordable à l’achat et peu gourmand en carburant. Réactiver l’esprit de la Renault 5 aujourd’hui prend alors tout son sens, car ce modèle avait presque une mission sociale : être la voiture de tous. On aime bien le terme « pop », car il évoque à la fois la couleur, ce côté enthousiaste, qui donne le sourire, mais aussi le côté « populaire », accessible. On aurait pu faire cela avec un autre modèle, mais quelque part, c’est presque moins puissant comme message, moins évocateur et fédérateur que de réactiver cet esprit-là.

 

JUPDLC : La Renault 5 est effectivement une icône, avec un fort héritage. Comment avez-vous adapté cet ADN, très émotionnel, à une version innovante et ancrée dans la modernité ?

Gilles Vidal : On savait qu’il fallait concevoir une voiture qui parle autant aux générations précédentes, qui ont connu la R5 originelle et en gardent des souvenirs forts, qu’aux plus jeunes, pour qui elle devait plaire pour ce qu’elle est, sans se référer à l’histoire. Et donc c’est comme cela qu’on a essayé de calibrer notre design, pour qu’on reconnaisse la silhouette générale de la Renault 5 d’un coup d’œil. Vu de loin, on retrouve l’équilibre et les proportions typiques de la R5. Ou plutôt, un mélange entre la R5 d’origine, la Super 5 et la version Turbo (avec ses ailes élargies et son assise plus solide que la petite Renault 5).

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Crédit photo : Renault

 

Au-delà de la silhouette, il y a de nombreux éléments reconnaissables. Par exemple, la grille de refroidissement — qui n’a plus lieu d’être pour un moteur thermique — devient l’affichage de la charge de la batterie. Elle prend la forme du fameux rectangle noir décentré sur le capot, un code graphique hyper évident de la signature de la R5. Même principe pour les phares avant, un peu « yeux pétillants », qui reprennent la forme rectangulaire mais qui sont finalement différents. Les feux arrière verticaux, eux aussi, ont des proportions revues et modernisées. C’est tout un ensemble d’ingrédients qui font que la recette prend, sans jamais tomber dans le nostalgique, le vintage ou le vieillot. Si on fait des close-ups sur la voiture, quel que soit l’endroit, on ne voit que des formes modernes, voire futuristes. C’est là toute l’alchimie.

 

 

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JUPDLC : Quid du processus de création, d’idéation ? Quelles ont été les sources d’inspiration ? Avez-vous une anecdote en particulier ?

Gilles Vidal : On a testé nos esquisses auprès de quelques-uns de nos enfants. On leur montrait les dessins, les visuels, demandant « tiens, est-ce que cela te plaît ? Pourquoi ? » Sans leur parler de la R5 d’origine, qu’ils ne connaissent pas forcément. Donc il fallait qu’elle leur plaise pour ce qu’elle est. C’était un test très intéressant, peut-être même plus précieux que n’importe quel test client officiel, ou que ce que l’on peut mener d’ordinaire en termes de validation. Les enfants sont très honnêtes, ils peuvent parfois être cruels ! *rires* Mais ce test officieux s’est avéré extraordinaire, et très utile. Quand 100% d’entre eux adhèrent et s’exclament : « C’est génial », « C’est cool », on a tout gagné.

 

JUPDLC : Le terme « rétro-futurisme » définit votre approche. Pouvez-vous l’expliquer ?

Gilles Vidal : C’est une tentative de mettre un mot sur une approche qui, à mes yeux, ne trouve pas d’appellation parfaitement juste. « Rétro-futurisme » est peut-être le moins mauvais terme que j’ai trouvé jusqu’ici. L’idée, c’est d’aller chercher une référence dans le passé et de la projeter dans le futur, en trouvant les bons ingrédients et la bonne recette pour que cela fonctionne.

C’est un peu générique, mais c’est l’idée. Ce qui est certain, c’est que ce n’est pas vintage ou nostalgique, et on n’essaie pas à tout prix de s’accrocher au passé. Mais ce n’est pas non plus du pur futurisme, où l’on partirait d’une feuille blanche sans aucun ancrage. On a un guide, une assise historique : en l’occurrence, un modèle qui avait un esprit et un look. L’enjeu est de le réinterpréter avec des technologies, des fonctions et des traductions formelles, tout en conservant un certain lien visuel et émotionnel. Il y a bien sûr mille manières d’aborder cette démarche, dans différents domaines, et c’est un réglage assez fin à faire.

 

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Crédit photo : Renault

 

JUPDLC : Vous évoquez différents domaines. Qu’est-ce qui différencie le métier de designer automobile de celui d’un designer d’autres objets ou véhicules ?

Gilles Vidal : L’automobile est probablement l’objet manufacturé le plus complexe créé par l’être humain. C’est même plus compliqué qu’un avion. Alors, faire voler un engin de 30 tonnes, évidemment, c’est une prouesse, je l’admets. Mais un avion est mis dans les mains de pilotes professionnels. Une voiture, en revanche, doit pouvoir être prise en main par n’importe qui ayant un permis de conduire, et elle doit fonctionner de manière intuitive. C’est un objet très technologique, avec un niveau de sécurité extraordinaire. Il y a encore des accidents, malheureusement, mais nous nous efforçons chez Renault de réduire cela au maximum, et dans l’avenir, encore plus fortement.

Le design automobile est tentaculaire : il ne se limite pas à l’extérieur de la voiture, mais concerne aussi l’habitacle, l’ergonomie des commandes, les matériaux, les couleurs, les écrans… Chaque détail a son importance. Si l’on démonte une voiture et qu’on étale toutes ses pièces dans un hangar, on réalise l’incroyable complexité de cet objet. Prenons la Renault 5 électrique : pour un prix d’entrée de 25 000 euros, on a un véhicule équipé de sièges confortables, d’un système de climatisation, d’écrans connectés, de multiples airbags et de dispositifs de sécurité avancés. C’est un investissement, évidemment, dans la vie de quelqu’un, mais ce que l’on a par rapport à ce que l’on paye, c’est imbattable.

 

« L’un des plus grands défis du design automobile, c’est de préserver l’impulsion créative du départ. Entre le premier croquis et le véhicule final, il y a une énorme machine industrielle qui peut altérer l’idée originale. »

 

Un designer automobile doit interagir avec tellement de monde, prenant en compte l’aspect économique, la faisabilité industrielle, l’aérodynamisme, la résistance des matériaux… Il faut que le véhicule soit durable, résistant aux intempéries comme à l’usure. Contrairement à d’autres industries qui pratiquent l’obsolescence programmée, l’automobile cherche la longévité. Être performant, c’est créer des modèles qui durent.

Et puis, l’un des plus grands défis du design automobile, c’est de préserver l’impulsion créative du départ. Entre le premier croquis et le véhicule final, il y a une énorme machine industrielle qui peut altérer l’idée originale. Réussir à garder intact l’ADN du design initial, malgré toutes les contraintes techniques et économiques, c’est là que réside toute la complexité, mais c’est aussi ce qui fait le sel, le piment du métier. Ce n’est pas qu’il est plus exigeant qu’un autre, il est simplement différent.

 


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JUPDLC : On a déjà évoqué le public visé par la R5, mais pourriez-vous en dire un peu plus ? Quelles ont été les idées qui ont guidé sa conception pour répondre à ce public ? Et comment la R5 va-t-elle se distinguer de ses concurrentes, d’autres citadines électriques déjà sur le marché ?

Gilles Vidal : Pour moi, la R5 est un produit universel. C’est une petite voiture compacte de 3,92m : clairement, si vous êtes une famille de cinq personnes, ce n’est pas le modèle idéal. Mais en dehors de ce besoin d’habitabilité, cette voiture peut parler à toutes les générations — celle de mes parents, la mienne, ou même celle de mes enfants — pour des raisons différentes. On voulait qu’elle s’adapte aux multiples modes de vie. Traditionnellement, dans l’industrie automobile comme dans plein d’autres domaines, on segmente volontiers en tranches d’âge, mais aujourd’hui, ce sont les profils socioculturels, voire les individualités elles-mêmes, presqu’à l’unité, qui déterminent les usages.

C’est pourquoi nous avons voulu créer une voiture universelle, mais que nous avons ouverte à la personnalisation. En plus du design, pensé pour être intergénérationnel, nous avons développé une gamme d’accessoires, des objets un peu plus craftés, conçus dans le même esprit que la voiture et pensés dès la phase de conception, et qui viennent s’intégrer dans différents espaces de rangement de la R5. Et donc à tel endroit, et à telle dimension, il y a 5-6 accessoires aux fonctions variées, permettant à chacun d’adapter son véhicule à ses besoins personnels.

 

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Crédit photo : Renault

 

Pour ceux qui recherchent plus d’espace, la Renault 4 a été pensée dans une logique différente, moins compacte et « mignonne » que la R5, avec un design plus fonctionnaliste, généreux, modulaire. Chaque modèle répond donc à une typologie d’usage différente, car une seule voiture ne peut pas tout faire.

 

JUPDLC : Le processus de création de la R5 E-tech électrique n’a duré que trois ans, ce qui est un exploit : quelles ont été les collaborations et dynamiques de groupe au sein des équipes ?

Gilles Vidal : Les projets vont de plus en plus vite. Il y a encore quelques années, une voiture se concevait en quatre ans en Europe. Les marques premium faisaient ça même en 6 ou 7 ans, à une époque pas si lointaine. Aujourd’hui, nous développons les voitures en trois ans, et pour des modèles comme la petite Twingo, nous visons même deux ans. Donc ça s’accélère, mais on voit que c’est atteignable.

Pour réussir à tenir ces délais, on crée des équipes « commandos ». C’est, selon moi, la clé du succès, si je regarde en interne. On réunit trois piliers : le design, l’ingénierie et les spécialistes du produit. Donc ce trio-là, si on a une petite équipe amoureuse du projet, amoureuse du produit, amoureuse du client, où personne n’est enfermé dans une vision trop cloisonnée de son métier, on peut accomplir des choses extraordinaires en très peu de temps.

 

« Si on a une petite équipe amoureuse du projet, du produit, du client, où personne n’est enfermé dans une vision trop cloisonnée de son métier, on peut accomplir des choses extraordinaires en très peu de temps. »

 

Chez Renault, on a cette chance d’avoir, je pense, un héritage un peu familial comme ça, la petite entreprise où tout le monde se connaît, où il y a cet esprit d’équipe un peu dingue. La Renault 5, c’était un exemple parfait de cet esprit d’équipe fédérée. Le projet en soi était tellement charmant, motivant, que forcément, tout le monde adore et est motivé. Mais voilà l’idée, pas trop de monde, amoureux du client et du produit et en avant. Ça, c’est vraiment fantastique.

Au-delà de la version de base, on a aussi réfléchi à plusieurs déclinaisons futures possibles. Par exemple, nous venons de publier sur le site une édition spéciale Roland-Garros. C’est une autre forme de collaboration, qui joue sur des partenariats, des versions signées et des éditions spéciales. Ce projet se prête particulièrement bien à ce type d’initiatives.

 

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Crédit photo : Renault

 

JUPDLC : Vous évoquez l’édition spéciale Roland-Garros de la R5 électrique, en quoi ce genre d’initiatives contribue à enrichir son identité et son attrait pour le public ? Envisagez-vous d’autres éditions spéciales ?

Gilles Vidal : Oui, c’est une approche intéressante. Luca de Meo l’a mentionné à plusieurs reprises : nous pourrions imaginer d’autres initiatives de ce genre à l’avenir. À quel rythme et de quelle manière ? C’est encore en réflexion, nous sommes au début de l’aventure, voyons ce que cela peut devenir.

Ce qui est certain, c’est que nous évoluons dans un monde où tout va très vite, où le public se lasse rapidement. La nouveauté est essentielle. Jusqu’à récemment, le cycle de vie traditionnel d’une voiture était de sept ans, avec un facelift, un restylage, plus ou moins visible, à mi-parcours. La question aujourd’hui est : ce rythme n’est-il pas déjà trop lent ? Faut-il accélérer le renouveau pour répondre aux attentes du marché ? L’édition Roland-Garros est un premier exemple de réponse, il y en aura sans doute d’autres, mais c’est encore trop tôt pour en dévoiler les détails.

 

« Si, au moment de valider un design, on se sent trop rassurés ou trop tranquilles, c’est probablement qu’il paraîtra déjà dépassé à sa sortie. »

 

Ce phénomène de rapidité d’évolution des goûts a un impact sur nos ambitions en matière de design. Prenons la R5, la R4 ou la future Twingo : ce sont des icônes que nous réactivons en les projetant dans le futur. Mais pour d’autres projets où l’on part de la feuille blanche, nous sommes amenés à être très audacieux et ambitieux en termes de créativité. L’idée est de réduire les échéances et d’accélérer les processus, pour rapprocher au maximum le moment où l’on « gèle » le design de la date de sortie. Il faut oser prendre des risques, se faire un peu peur en interne au moment où l’on dessine le véhicule.

Si, au moment de valider un design, on se sent trop rassurés ou trop tranquilles, c’est probablement qu’il paraîtra déjà dépassé à sa sortie. Il faut savoir aller très loin, tout en veillant à préserver une harmonie dans l’exécution, pour ne pas tomber dans le bizarroïde ou le décalé, mais être au top de la modernité et de la fraîcheur au moment de la mise sur le marché.

 

JUPDLC : Au-delà de cette fraîcheur, en quoi le design contribue-t-il à la performance et à la durabilité de la voiture ? En quoi le beau vient-il servir l’utile ?

Gilles Vidal : L’aérodynamisme a toujours été un enjeu en automobile. Sur une petite citadine comme la R5 électrique, au design assez compact et « carré », et encore plus pour le R4, on doit trouver des solutions pour optimiser au maximum son aérodynamisme sans trahir ses formes. Ce serait évidemment plus simple avec une voiture ultra-fuselée d’1m10 de haut. Mais le défi du design automobile, c’est justement de trouver tout un tas d’astuces : dans les galbes, les enchaînements de surfaces, entre le pare-brise et le toit, le capot, etc. On utilise tous les micro-détails, dans tous les recoins, même les feux arrière, qui semblent tout ronds et sympathiques, intègrent des arrêts aérodynamiques. Donc tout un tas de solutions à trouver, à tous les niveaux de lecture et à toutes les échelles. Et l’impact est considérable : une voiture mal optimisée perd en autonomie.

 

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Crédit photo : Renault

 

Concernant la durabilité, l’enjeu est similaire. Plus une voiture est simple à fabriquer et à assembler, mieux elle vieillit. Si les éléments sont trop fragmentés ou compliqués, avec le temps, les vibrations et les mouvements risquent de créer des décalages ou des bruits parasites. Tout relève de l’intelligence créative qu’on met dans la découpe entre les pièces : la planche de bord, les portières, mais aussi l’assemblage des matériaux.

Par exemple, dans une vieille voiture, on entend parfois des grincements lorsque des pièces en plastique se frottent entre elles. On ne va pas trop rentrer dans la technique mais si on met de l’ABS contre de l’ABS, c’est le pire truc qu’on puisse imaginer en termes de couinages *rires*. C’est basique dans notre métier, mais ces détails, qui peuvent sembler anodins, jouent énormément sur la qualité perçue et la durabilité du véhicule. Bien sûr, ce travail est mené en collaboration avec les ingénieurs, qui sont des acteurs majeurs de la qualité à long terme. Mais le design a une responsabilité et peut apporter énormément à ces enjeux.

 

JUPDLC : La R5 est produite à Douai, elle s’inscrit donc fortement dans le patrimoine français. Quelles sont les raisons qui ont motivé ce choix ?

Gilles Vidal : Oui, tout à fait. L’intention de Luca de Meo était de réussir à produire une voiture abordable, populaire, excitante en termes de design, au bon prix… et fabriquée en France. C’est un vrai choix stratégique, car il aurait été plus simple et moins cher de produire dans un pays voisin. Mais il tient à cette forme de patriotisme industriel, ce qui est d’autant plus remarquable qu’il n’est pas français lui-même, et c’est tout à son honneur !

En plus de produire à Douai, la majorité des fournisseurs qui fabriquent des pièces lourdes sont situés à moins de 300 km de l’usine. Cela évite d’avoir des composants qui traversent la planète en cargo, ce qui aurait un impact environnemental considérable. On travaille sur tous les pans de la sustainabilité, on essaie d’optimiser chaque aspect de la logistique. En tant qu’entreprise, il faut qu’on active tout ce que l’on peut imaginer pour aider cette cause, même sur des éléments invisibles pour le client final.

 

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Crédit photo : Renault

 

JUPDLC : Les consommateurs de 2025 sont plus attentifs aux enjeux environnementaux que dans les années 70. Avez-vous également travaillé sur l’utilisation de matériaux responsables pour ce modèle ?

Gilles Vidal : Nous avons fait un gros travail pour intégrer un maximum de matières recyclées. Avec The Future is NEUTRAL, filiale de Renault Group spécialisée dans l’économie circulaire, la R5 atteindra 85% de recyclabilité globale, avec 19,4% de matière recyclée (NDLR : norme ISO14021) et 26,6% de matériaux issus de l’économie circulaire. Les sièges seront en tissu 100% recyclé sur les finitions Techno et Iconic Cinq, avec des matériaux biosourcés dans le volant et l’isolant intérieur.

Nous poussons cette logique aussi loin que possible avec nos fournisseurs et nos propres usines, et à tous les niveaux, jusqu’aux accessoires ! Nous utilisons l’impression 3D pour de nombreuses pièces. Contrairement à l’injection plastique traditionnelle, qui nécessite des outils industriels lourds, cette technique permet de produire à la demande, sans stock, sans surproduction, ni rebut. On imprime dans la matière la plus sustainable possible, et on les produit une par une, à la demande. Donc à tous les niveaux, jusque dans ces petits détails d’accessoirie, on va chercher cette performance environnementale.

 

renault-r5-etech-electrique design habitacle sièges
Crédit photo : Renault

 

JUPDLC : Il y a donc une grande adaptabilité, cela vous permet aussi de rebondir et de proposer un niveau de personnalisation évolutif, au fil du temps ?

Gilles Vidal : Exactement. Si on a des commentaires sur des objets, par exemple qu’ils ne fonctionnent pas bien ou qu’il faut revoir les dimensions, sur les forums, Instagram, ou encore sur Facebook, très bien : on note, on prend en compte. Il suffit de changer la définition, de la renvoyer. Il n’y a pas d’outil nouveau à faire. On s’adapte instantanément aux commentaires des clients. Il n’y a pas de retour plus direct que d’observer les forums de fans. Et d’ailleurs, on interagit avec eux, parfois, pour leur demander leur avis sur des pièces ou collections à venir. C’est aussi très utile pour s’adapter aux évolutions : si un nouveau format de smartphone devient une norme, on adapte le support.

 

JUPDLC : Comment voyez-vous l’évolution du design automobile à court et long terme, notamment avec la transition vers l’électrique ?

Gilles Vidal : D’un point de vue design, le passage à l’électrique n’est pas une contrainte, bien au contraire. Les proportions des voitures électriques offrent même plus de liberté et d’optimisation que les modèles thermiques. Pourquoi ? Parce qu’une plateforme électrique est fondamentalement plus efficace en termes d’architecture : elle permet un meilleur rendement entre la surface au sol et l’espace intérieur disponible. C’est intéressant pour nous, une voiture bien proportionnée est aussi plus attirante, on en tombe plus facilement « amoureux », sans trop vraiment comprendre pourquoi.

L’électrique permet aussi d’optimiser l’habitabilité. Une voiture a évidemment des contraintes – un capot, un coffre, une structure qui prend de la place – mais les plateformes électriques offrent une meilleure répartition de ces volumes. C’est donc un avantage, que ce soit en termes d’esthétique, de fonctionnalité ou de confort à bord.

Le véritable défi, en revanche, est plus global. Pendant un temps encore, nous allons coexister avec des voitures hybrides et thermiques, tout en développant l’électrique. Mais au-delà de la transition énergétique, la question essentielle est : comment rester attractifs, frais et créatifs ? Aujourd’hui, nous voyons arriver de nombreux constructeurs chinois, très avancés technologiquement, mais dont les modèles ont souvent une esthétique uniforme. Pas toutes. Certaines sont ultra-créatives, au contraire. Mais en tout cas, l’enjeu, je pense, pour moi, c’est qu’une marque doit être émergente. Une marque doit être capable d’avoir des signatures visuelles qui racontent quelque chose, si possible en phase avec ses valeurs, avec sa raison d’être, avec ce pour quoi elle existerait demain.

 

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Crédit photo : Renault

 

JUPDLC : Alors, pourquoi Renault devrait-elle continuer à exister demain ?

Gilles Vidal : C’est une question fondamentale, pour toute marque. Après tout, il existe une multitude de constructeurs automobiles dans le monde. Si une ou deux disparaissaient, est-ce que ce serait dramatique ? Peut-être pas. Ce serait embêtant pour ceux qui y travaillent. Mais la vraie question est : si Renault disparaissait demain, qu’est-ce que le monde perdrait ? Si la réponse est « pas grand-chose », alors il faut se remettre en question.

Ce que l’on veut construire chez Renault, c’est cette hyper-attractivité des modèles. Parce qu’il y a de l’émotion, parce que ça raconte quelque chose d’intéressant, parce qu’on a envie de cette voiture, et pas qu’on a juste besoin d’une voiture. Bien sûr, on doit assurer la base : performance, fiabilité, consommation d’énergie optimisée… Mais demain, ce ne sera plus ça qui fera la différence. C’est la part émotionnelle qui compte. De tout temps, beaucoup de designers ou grands stratèges du commerce déclarent que si l’émotion est là, c’est un produit préférable, et l’on trouvera toujours des arguments rationnels plus tard.

C’est cela qu’on veut cultiver. On veut réussir à amener un niveau d’attractivité, de justesse en termes de performance, de fonctionnalités, mais avec en plus une strate de plaisir, de coolness à l’usage. Déjà aujourd’hui, avec une R5 et une R4 et tout ce qu’on fait en ce moment, on a des choses, j’espère, super attractives, super sexys, super sympas, avec beaucoup de contenus, et abordables pour tous. C’est ça notre mission. Et on va – j’allais dire on peut – on va être les meilleurs là-dedans. Et à partir du moment où on a ça, on compte dans notre société, et on est là pour quelque chose d’intéressant.

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