Les meilleurs directeurs marketing sont-ils ringards ?
Nous sommes ravis de retrouver Jérémy Lacoste, contributeur sur la Réclame. Jérémy est directeur général France de l’agence Eskimoz. C’est un expert du marketing digital, des martech et de la publicité en ligne. Il a pour grande qualité de partager chaque semaine … Continuer la lecture → The post Les meilleurs directeurs marketing sont-ils ringards ? first appeared on La Réclame.


Nous sommes ravis de retrouver Jérémy Lacoste, contributeur sur la Réclame. Jérémy est directeur général France de l’agence Eskimoz. C’est un expert du marketing digital, des martech et de la publicité en ligne. Il a pour grande qualité de partager chaque semaine ses analyses et observations, que ce soit sur LinkedIn, en tant qu’enseignant ou dans ses tribunes sur la Réclame.
En 2022, McKinsey publiait un rapport sur l’avenir du métavers dans lequel le cabinet pronostique l’émergence d’un super-marché à hauteur de 5 000 milliards de dollars d’ici 2030. Alors certes, il reste encore 5 ans, mais aujourd’hui le revenu généré se situe tout juste au-dessus de 100 milliards de dollars. 50 fois moins donc.
Pourtant, combien d’entreprises se sont engouffrées les yeux fermés dans cette nouvelle tendance et y ont laissé des plumes ? La plus emblématique peut-être avec Meta dont les pertes sont estimées à plus de 20 milliards sur ce pivot stratégique, désormais un lointain souvenir.
Aujourd’hui, une tendance chasse l’autre :
– Outils : DMP > datalake > CDP > data clean room
– Techno : blockchain > métavers / web3 > IA générative > IA Agentic
– Contenu : snack content > UGC > copywriting / ghostwritting > Employee content
– Adtech : Influencer marketing > Alliance marketing > Retail media
Et les morts sur le champ d’honneur de la fame sont légion. Songeons aux effets d’annonces sur l’IOT, la blockchain et le web3… autant de soufflets qui sont retombés aussi vite qu’ils ont gonflé. Cela ne veut pas dire pour autant qu’un marché n’existe pas, mais simplement qu’il y a eu une dissymétrie énorme entre le product market fit et les quantités de liquidités injectées.
Une question donc : pourquoi a-t-on le sentiment qu’il y a une aspiration commune des marques à embrasser toutes les dernières révolutions, indépendamment de leur efficience ?
Autrement dit, pourquoi avons-nous tant peur d’être ringard ? Gustave Thibon écrivait qu’ « être dans le vent, c’est une ambition de feuille morte ». Et force est de constater que la forêt est souvent dépeuplée.
1. Le FOMO, évidemment
Les précédents Kodak ou Blackberry ont vacciné plus d’un directeur marketing sur le manque d’anticipation stratégique d’un marché en pleine mutation technologique. Pensons aussi aux simagrées d’un Windows en 2010 qui promettait dans une publicité désormais célèbre un enterrement en 1ʳᵉ classe pour l’iPhone. On connaît la suite de l’histoire.
Résultat, par crainte d’être dépassées ou de louper la dernière vague, les marques ont une tendance naturellement à surinvestir les dernières évolutions de leur secteur. On veut jouer le coup d’après alors que le coup d’avant n’est pas terminé. La justification : « les marques intelligentes ne se contentent pas de suivre les tendances. Elles les initient » comme le dit Ann Handley.
Et tant pis si cela créé du désalignement avec la promesse initiale, de la friction organisationnelle interne, du défocus… c’est le prix à payer pour être à la page, non ? Car c’est bien connu, le progrès, c’était mieux avant.
2. Copier-coller
Il n’y a pas si longtemps, les agences média se voyaient très souvent demander de travailler les spots de marque de leurs clients avec « la touche Intermarché », signe que les créatifs de l’enseigne avaient marqué les esprits. Mais quel intérêt pour une marque de copier-coller l’univers d’une autre ?
Simple : jouer la tendance, c’est jouer la sécurité. Georges Lois ne dit pas autre chose : « Parce que la publicité et le marketing sont un art, la solution à chaque nouveau problème doit partir d’une page blanche, et non d’un emprunt nerveux aux médiocrités des autres. C’est précisément ce que sont les « tendances » : la recherche de la « sécurité » ; et c’est pourquoi s’y fier mène à l’oubli. »
Pour le dire différemment, chercher la nouveauté à tout crin et l’adresser sans retenue, c’est du conformisme de bon aloi ! Comme dirait l’autre « Personne n’a jamais été licencié pour avoir acheté IBM ».
Ainsi, il sera plus facilement reproché à une direction marketing d’avoir manqué d’anticipation que d’avoir surinvesti des nouveaux sujets sans résultats probants. Mieux vaut avoir des remords que des regrets ! [comme ont pu le chanter Patrick Bruel ou Big Flo & Oli, ndlr]
Se mettre dans la roue du marché, c’est en tout cas l’assurance souvent d’avoir une sorte de blanc-seing : des budgets qui se débloquent miraculeusement, des stakeholders en légion, et de la bande passante à foison… quitte à investir une énergie folle sur un marché qui n’existe pas.
Le problème est toujours le même : les marques écoutent plus facilement leurs concurrents que leurs clients. Alors qu’il faudrait faire exactement l’inverse.
3. Sur-réaction pour sous-performance
Depuis 2 ans, l’IA générative semble avoir vampirisé toutes les roadmaps produits des directions marketing. Pourtant, les chiffres sont têtus. Un exemple sur le search : à date, le trafic venant des moteurs de Gen AI sur les sites des marques représentent… 0,55% des visites totales d’après la dernière étude d’Eskimoz. Insignifiant donc. Même s’il faut noter une croissance exponentielle sur 12 mois : x29.
Sans commune mesure avec l’engagement des marques en face qui ont déjà engagé des sommes astronomiques pour préempter ces sujets. Or une étude du MIT vient nous rappeler à l’essentiel : sur les 10 prochaines années, l’IA devrait influencer 1 point du PIB mondial.
De quoi réactualiser la règle sempiternelle que sur les dernières innovations de rupture comme semble l’être l’IA générative, nous avons tendance à sur-estimer les effets à court terme, mais à sous-estimer les effets à long terme.
Au point de délaisser le gros œuvre ? Car à vouloir parfois courir toutes les dernières tendances à la fois, il peut être facile de perdre en vélocité et en précision. Le risque : le défocus pour les marques. Pendant longtemps, Google avait un mantra simple, mais qui mérite d’être remis au goût du jour : « Mieux vaut faire une chose, mais la faire bien ».
Comment éviter le piège du trendisme ?
* Se documenter fortement sur ces nouvelles tendances et échanger avec les