L’ambivalent Monsieur Hugo
Dans son brillant essai, Philippe Raynaud démontre comment Victor Hugo a tiré des bords politiques pour se placer, comme en littérature, toujours à l'avant-garde, faisant rimer libéralisme et romantisme... L’article L’ambivalent Monsieur Hugo est apparu en premier sur Causeur.

Dans son brillant essai, Philippe Raynaud démontre comment Victor Hugo a tiré des bords politiques pour se placer, comme en littérature, toujours à l’avant-garde, faisant rimer libéralisme et romantisme.
Il n’était pas indifférent à Victor Hugo d’être moderne, au mépris de principes politiques. D’abord le jeune homme est royaliste, poète ultra. Songez à ses Odes de 1822 où il chante la Contre-Révolution, grandeurs et misères. Plus tôt encore, et pour un temps, le royalisme hugolien fut voltairien – il le devait, sans doute, à sa mère, Sophie Trébuchet –, avant de devenir ensemble catholique et romantique. Dans la préface de la première édition des Odes, le poète écrit que « l’histoire des hommes ne présente de poésie que jugée du haut des idées monarchiques et des croyances religieuses ». C’est le moment des querelles entre « classiques » et « romantiques », qui fragmentent les royalistes. Pour Hugo, cependant, la mythologie antique est morte et n’inspirera plus les poètes modernes. Ceux de la tradition sont dépassés, obsolètes. Si bien qu’en 1824, dans la préface aux Nouvelles Odes, c’est sur les écrivains du Grand Siècle qu’il fait porter la responsabilité des événements des Lumières et, partant, de la Révolution. Au cœur même de sa période royaliste, nous explique le philosophe des idées politiques Philippe Raynaud, « Hugo donne comme tâche à la Restauration – littéraire et politique – de réconcilier la religion, la liberté et la poésie moderne pour faire naître une société nouvelle qui n’est pas celle de l’Ancien Régime. » Qu’est-ce que la liberté politique ? Le libéralisme. Et la liberté de l’art ? Le romantisme.
Hugo ou la « gnose progressiste »
Le remarquable essai de Philippe Raynaud vise les contingences de l’esprit français, de l’imaginaire national, et l’influence du monument Hugo. En somme, « aucun poète, aucun écrivain n’a autant contribué à faire la France ». Bon, le royalisme de l’auteur des Odes, on l’a compris, était superficiel. Au moment de la bataille d’Hernani, la voie du poète est tracée : il affirme « l’unité indissoluble entre le mouvement romantique et la cause du progrès politique ». L’avant-garde littéraire et l’avant-garde politique vont marcher d’un seul pas, la modernité est à ce prix ! Nommé pair de France en 1845, Hugo est alors à l’aile gauche de l’orléanisme : cap sur l’héritage de la Révolution. En 1848, devenu l’incarnation du grand écrivain national, il parvient à concilier ses inclinations progressistes et sa proximité avec Louis-Philippe : tour de force. Après le coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte, le 2 décembre 1851, l’auteur de La Légende des siècles choisit l’exil : son autorité morale et républicaine est incontestable. Sa philosophie politique est définitive : « libérale, démocratique, humanitaire et sociale ».
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Doit-on à Hugo l’optimisme béat d’une religion humanitaire ? C’est ce qu’a longtemps pensé la droite. D’un autre bord, l’humanisme hugolien « a fini par l’emporter sur la logique du marxisme » : les communistes, sans doute, n’avaient pas remarqué que le poète fustigeait l’athéisme militant comme « le socialisme de caserne ». Quoi qu’il en soit, la « gnose progressiste » du Père Hugo infusa considérablement. C’est tout l’intérêt de ce livre de nous le montrer.
Philippe Raynaud, Victor Hugo : la révolution romantique de la liberté, Gallimard, 2024.
Victor Hugo: La révolution romantique de la liberté
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